Le télescope spatial James-Webb a une fois de plus été tourné vers les pouponnières d'étoiles de la nébuleuse d'Orion pour percer les secrets de la formation planétaire et en apprendre plus en se servant de ce laboratoire naturel sur la formation du Système solaire, et à quel point celui-ci est typique ou non dans le cosmos observable. Les nouvelles observations du JWST confirment quantitativement une théorie concernant l'influence des étoiles massives sur la formation planétaire dans les nurseries stellaires.


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    On sait que la découverte des premières exoplanètes autour d'étoiles sur la séquence principale à partir de 1995 a surpris. Elles ont valu aux Suisses Michel Mayor et Didier Queloz le prix Nobel de physique. On a ainsi, à l'époque, pris conscience de l'existence de géantes gazeuses rappelant JupiterJupiter dans le Système solaire autour d'autres étoiles mais qui en étaient si proches que leur température de surface était bien supérieure. 51 Pegasi b, la toute première découverte et qui constitue le prototype de la classe de ce que l'on appelle maintenant des Jupiters chauds, a ainsi une atmosphèreatmosphère dont la température est de l'ordre de 1 000 °C.

    Si l'on sait maintenant que la formation de systèmes planétaires semble la règle et pas l'exception, ils apparaissent aussi très divers et on peut se poser la question de la singularité du Système solaire, ce qui a des implications pour l'exobiologieexobiologie au point que certains chercheurs, comme Jean-Pierre Bibring, se sont demandé si nous n’étions pas seuls dans l’Univers.

    Les grandes lignes de la cosmogonie planétaire que l'on observe et modélise sont cependant toujours les mêmes, un nuagenuage de poussière et de gazgaz en rotation qui s'effondre en donnant une étoile entourée d'un disque de matièrematière - dit protoplanétaire - où des processus vont pouvoir faire naître des planètes rocheusesplanètes rocheuses, de gaz et de glace.


    Cela fait déjà un moment que l'astrophysicien Olivier Berné et son équipe étudient la nébuleuse d’Orion avec le télescope James-Webb. Le chercheur, que l’on voit dans cette vidéo, a même consacré un livre au travail de recherche à ce sujet : Destination Orion : voyage à bord du télescope spatial James Webb, publié chez Dunod. © Le Dessous des images, ARTE

    Des planètes en formation à 1 350 années-lumière du Soleil

    Aujourd'hui, on tente de répondre aux interrogations de l'exobiologie et de la cosmogonie planétaire en utilisant les observations du télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb. Des astrophysiciensastrophysiciens du CNRS au sein d'une équipe de recherche internationale, parmi lesquels on trouve Olivier Berné de l'Institut de recherche en astrophysiqueastrophysique et planétologie de Toulouse, ont ainsi tourné le regard du JWST comme ils l'avaient déjà fait en direction de la célèbre nébuleuse d'Orionnébuleuse d'Orion, la pouponnière d'étoiles et de disques protoplanétaires la plus proche du Système solaire à environ 1 350 années-lumièreannées-lumière de celui-ci.

    Il en a résulté un article qui fait la une du très réputé magazine Science car les travaux qu'ils ont menés constituent la première preuve directe de photoévaporation d'un disque protoplanétairedisque protoplanétaire sous l'action de l'intense rayonnement ultravioletultraviolet d'étoiles massives. En particulier, cela fournit des contraintes sur la formation des planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses et plus généralement sur la cosmogonie des systèmes exoplanétaires naissants - comme l'explique le journal.

    En effet, dans le cadre du projet PDRs4All, OlivierOlivier Berné et ses collègues se sont penchés sur le cas d'un disque protoplanétaire âgé de moins d'un million d'années autour d'une naine rougenaine rouge nommée d203-506. Ce n’est pas la première fois qu’ils ont mené des observations à son sujet, comme Futura l’a expliqué dans un précédent article.

    Des disques protoplanétaires qui perdent une masse terrestre par an en s'évaporant

    Dans le cas présent, les chercheurs ont découvert que le souffle du rayonnement ultraviolet d'étoiles, environ 10 fois plus massives que le SoleilSoleil et 100 000 fois plus lumineuses, provoquait une évaporation massive et rapide du gaz contenu dans le disque où doivent se former des exoplanètes en ce moment même. Les mesures indiquent qu'environ l'équivalent de la massemasse de la Terre serait ainsi photoévaporé chaque année.

    Concrètement, la formation de planètes géantes gazeuses devrait y être tuée dans l'œuf car elles n'auraient pas le temps de croître faute de gaz en quantité suffisante à un moment donné. Ce scénario était envisagé depuis longtemps, mais il manquait des estimations quantitatives précises de l'effet de la photoévaporation des étoiles massives, ce qui a été rendu possible aujourd'hui avec les instruments performants du JWST. Comme l'existence de planètes géantes ou non a aussi des implications sur la formation des autres planètes, il n'est donc pas exagéré de dire que le rayonnement des étoiles massives sculpte les systèmes planétaires, comme le titre un communiqué du CNRS.

    Image prise par Hubble de la nébuleuse d’Orion, et zoom avec le télescope spatial James-Webb (JWST) sur le proto-système planétaire autour de d203-506. On voit, en haut à droite, les étoiles massives de l'amas de Trapèze dont les rayonnements ultraviolets chauffent le gaz autour de la naine rouge et provoquent sa photoévaporation. Le Trapèze est un amas ouvert de jeunes étoiles dont les cinq étoiles les plus brillantes contiennent environ 15 à 30 masses solaires. Elles sont situées à l'intérieur d'un volume de 1,5 année-lumière de diamètre et sont à l'origine de l'essentiel de l'illumination de la nébuleuse environnante. © Nasa, STScI, Rice Univ., C.O’Dell et al, O. Berné, I. Schrotter, PDRs4All
    Image prise par Hubble de la nébuleuse d’Orion, et zoom avec le télescope spatial James-Webb (JWST) sur le proto-système planétaire autour de d203-506. On voit, en haut à droite, les étoiles massives de l'amas de Trapèze dont les rayonnements ultraviolets chauffent le gaz autour de la naine rouge et provoquent sa photoévaporation. Le Trapèze est un amas ouvert de jeunes étoiles dont les cinq étoiles les plus brillantes contiennent environ 15 à 30 masses solaires. Elles sont situées à l'intérieur d'un volume de 1,5 année-lumière de diamètre et sont à l'origine de l'essentiel de l'illumination de la nébuleuse environnante. © Nasa, STScI, Rice Univ., C.O’Dell et al, O. Berné, I. Schrotter, PDRs4All

    Des étoiles massives tueuses mais aussi créatrices

    Le Système solaire est né lui aussi dans une pouponnière d'étoiles. Un nuage de poussière et de gaz en s'effondrant gravitationnellement s'est fragmenté pour donner des étoiles nombreuses, en général peu massives et formant des étoiles doubles. Quelques étoiles massives devaient aussi s'y former et on peut penser que la masse du Soleil a été suffisante pour retenir assez de gaz malgré le chauffage par ultraviolet de ces étoiles dans sa banlieue proche, de sorte que Jupiter et SaturneSaturne ont eu suffisamment de gaz pendant assez de temps pour se former. Le rayonnement propre du Soleil a toutefois fini par interrompre la croissance des géantes en dissipant le gaz dans son disque protoplanétaire, comme l'explique Sean Raymond dans la vidéo ci-dessous.

    Incidemment, si des étoiles massives peuvent donc être des tueuses de Jupiters, on a des raisons de penser que c'est parce qu'une de ces étoiles massives à courte duréedurée de vie a explosé en supernovasupernova et parce que l'onde de choc produite dans la pouponnière d'étoiles du Soleil a comprimé et déstabilisé un des nuages issus de la fragmentation d'une nébuleuse initiale qu'il s'est effondré en donnant le Système solaire. On a appelé Coatlicue, l'étoile mère du Soleil.


    Sean Raymond, astrophysicien au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux, nous parle de la formation du Système solaire selon le scénario standard par accrétion de planétésimaux donnant des embryons planétaires. © Ideas in Science