En 2023, des astronomes avaient fait la découverte de planètes géantes doubles errantes dans la nébuleuse d'Orion en utilisant le télescope spatial James-Webb. L'origine de ces objets est encore mystérieuse et on vient d'apprendre que l'un d'entre eux est anormalement brillant sous le regard d'un célèbre réseau de radiotélescopes aux États-Unis, le VLA.
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On se souvient que l'année dernière, comme l'explique le précédent article ci-dessous, en utilisant le regard perçant dans l'infrarouge à travers les nuagesnuages moléculaires poussiéreux du télescope spatial James-Webb (JWST), les astronomesastronomes Pearson et McCaughrean avaient fait un zoom au cœur de la fameuse nébuleuse d'Orion pour examiner le contenu d'un célèbre amas ouvert d'étoilesamas ouvert d'étoiles compact, découvert par GaliléeGalilée : l'amas de trapèze.
Ce fut une grande surprise que d'y constater la présence d'astres totalement inédits, baptisés les objets binairesbinaires de masse de JupiterJupiter (JuMBO pour Jupiter-mass binary objects en anglais). On en connaît maintenant 40 et comme leur nom l'indique, ce ne sont pas des étoiles doubles mais des systèmes binairessystèmes binaires de géantes gazeuses, des exoplanètesexoplanètes majoritairement dont les masses sont comprises entre 0,6 et 14 fois celle de Jupiter et avec des séparationsséparations comprises entre 28 et 384 unités astronomiquesunités astronomiques (pour mémoire, plus ou moins par convention, les naines brunes ont des masses entre 13 et 75 fois celle de Jupiter).
On avait déjà détecté des géantes gazeuses ou des naines brunes errantes dans la Voie lactéeVoie lactée, mais seules. On pouvait comprendre la formation de tels astres avec la théorie classique de la formation et de l'évolution des systèmes planétaires.
En effet, dans le cas des géantes gazeuses dans un système en formation il peut arriver que les perturbations gravitationnelles des astres massifs les uns sur les autres conduisent à l'éjection d'une ou de plusieurs planètes dans l'espace interstellaire. Mais aucun modèle ou simulation numériquesimulation numérique ne montrait l'éjection d'un système double de géantes.
Cette vidéo fait un zoom qui commence par une vue large de la célèbre nébuleuse d'Orion, puis montre successivement des images plus détaillées de la région avec différents télescopes. La vue finale révèle une étoile double (attention pas un JuMBO) à l’intérieur de l’amas du Trapèze dans cette nébuleuse. © European Southern Observatory (ESO)
Un JuMBO anormalement brillant en radio
Enfin, presque, il y a bien eu l'année dernière une pré-publication sur arXiv faisant état de la formation de JuMBO à la suite de deux rencontres rapprochées entre deux étoiles de type solaire dont l'une possédait deux géantes en orbiteorbite.
Mais, pour le moment, on ne sait pas s'il s'agit de la bonne solution et une équipe de radioastronomes vient d'ajouter du mystère à l'existence et aux propriétés des JuMBO en pointant dans la direction de ceux détectés avec le JWST le célèbre Karl G. Jansky Very Large Array (VLA), un réseau de radiotélescopesradiotélescopes dont on peut combiner les observations comme si l'on avait un instrument géant.
Comme l'expliquent les chercheurs dans un article publié dans The Astrophysical Journal Letters, mais en accès libre sur arXiv, à l'aide du VLA, ils ont cherché à savoir si les JuMBO du JWST, précédemment identifiés par Pearson et McCaughrean en 2023, avaient des homologues en tant que sources radio.
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Un seul de ces objets, JuMBO 24, présentait une contrepartie radio. Mais ce qui étonne encore plus les astrophysiciensastrophysiciens c'est que l'intensité du rayonnement radio de ce système binaire est nettement supérieure à celle que les radiotélescopes ont déjà mesurée avec les naines brunes, qui pourtant sont des cousines proches plus massives des JuMBO a priori.
Comme l'explique le communiqué du National Radio Astronomy Observatory états-unien au sujet de cette découverte, c'est un mystère de plus concernant ces objets qui remettent en question les théories existantes sur la formation des étoiles et des planètes.
Le télescope James-Webb a fait une découverte étrange dans la nébuleuse d’Orion
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 7 octobre 2023
Il se passe des choses étranges dans la nébuleuse d'Orion. Les astronomes viennent d'y découvrir, grâce au télescope James-Webb, une flopée de planètes géantesplanètes géantes vagabondes. Des planètes qui semblent vouloir, pour un certain nombre d'entre elles, aller par paire. Et ça, les chercheurs ne se l'expliquent pas.
Les premières images de la nébuleuse d’Orion renvoyées par le télescope spatial James-Webb (JWST) il y a environ un an étaient exceptionnelles de détails et de netteté. Au fil des mois, les astronomes ont continué à pointer l'instrument sur cette région dont ils aimeraient démêler les fils des mystères. Parce qu'elle constitue une sorte de laboratoire permettant d'étudier le processus de formation des étoiles, de manière générale. Et parce que son environnement semble même similaire à celui qui a vu naître notre Système solaire, il y a maintenant plus de 4,5 milliards d'années.
Les mystères de la nébuleuse d’Orion
La nébuleuse d'Orion est située à quelque 1 350 années-lumièreannées-lumière de notre Terre. C'est ce que les astronomes appellent une pouponnière d'étoiles. Et il y a quelques années, le Very Large TelescopeVery Large Telescope (Chili) et le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble avaient déjà permis aux chercheurs d'y débusquer, en plus des populations d'étoiles nouvellement nées, une multitude d'étoiles ratées. Celles qu'ils appellent naines brunesnaines brunes. Mais aussi quelques planètes géantes gazeuses.
Notez que les astronomes peinent toujours à tracer des lignes nettes entre étoiles, naines brunes et planètes géantes. Et les observations menées avec le télescope spatial James-Webb pourraient bien encore un peu plus brouiller les pistes. Parce qu'elles révèlent la présence de centaines d'objets particulièrement petits, dans l'amas du Trapèze, un jeune amas d'étoiles ouvert, situé au cœur de la nébuleuse d'Orion.
Étoiles, naines brunes et planètes géantes gazeuses
Pour comprendre, il faut d'abord savoir que la masse d'une naine brune est normalement comprise entre 13 et 80 fois la masse de notre Jupiter. Au-delà, le noyau de l'objet devient suffisamment dense pour initier des réactions de fusion nucléairefusion nucléaire. C'est la définition d'une étoile. En dessous de ces masses, pas de fusion possible. L'objet entre dans la catégorie des planètes géantes gazeusesplanètes géantes gazeuses.
Sachez par ailleurs que les chercheurs sont aussi tentés de classer ces objets selon la façon dont ils se sont formés. À partir de nuages de gazgaz qui s'effondrent sur eux-mêmes, concernant les étoiles. Dans une région qui a juste la bonne taille pour que le gaz puisse refroidir et se condenser.
Planètes vagabondes ou objets inconnus ?
Dans la nébuleuse d'Orion, des observations avaient déjà laissé supposer qu'à force de chocs et d'interactions, des objets ne dépassant pas trois fois la taille de Jupiter auraient pu apparaître. Les nouvelles observations du télescope spatial James-Webb, elles, vont plus loin. Les chercheurs évoquent la présence d'objets de seulement 0,6 fois la masse de la géante de notre Système solaireSystème solaire.
Mais que sont ces objets ? Peut-être des sortes de planètes vagabondes, des planètes errantesplanètes errantes. Elles auraient pu, d'une manière ou d'une autre, échapper à l'attraction de l'étoile autour de laquelle elles se sont formées. Belle théorie. Plus que ça, même. Parce que les chercheurs ont déjà observé de telles planètes vagabondes ailleurs.
L'ennui, c'est que, parmi les planètes géantes découvertes dans la nébuleuse d'Orion, une quarantaine d'entre elles sont en réalité... des systèmes doubles. Et ça complique les choses. Parce qu'imaginer qu'un objet puisse être arraché à son étoile, ça peut se concevoir. Que deux objets puissent l'être, ça passe encore. Mais que dans le même temps, ces deux objets restent pourtant liés l'un à l'autre, c'est plus compliqué.
Comment alors ces objets binaires de la masse de Jupiter -- les Anglophones parlent de JuMBO pour « Jupiter Mass Binary Objects » -- se sont-ils formés ? Les astronomes hésitent. Et dans l'espoir de comprendre, ils ont déjà prévu de nouvelles observations à l'aide du JWST en mars prochain. Affaire à suivre...