Le James Webb Space Telescope (JWST) continue d'arpenter de nouveaux territoires de l'astrophysique et de la cosmologie. Les chercheurs viennent de l'utiliser pour sonder les secrets de la naissance des étoiles et des galaxies dans la bordure extérieure de la Voie lactée, qui garde probablement la mémoire des conditions initiales de sa formation.
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Des observations du télescope spatial James-Webb de la Nasa font régulièrement la une de l'actualité astronomique concernant les recherches entreprises pour comprendre la naissance et l'évolution primitive des premières galaxies et des premières étoiles. Il s'agit pour cela de faire des observations dans l'espace profond pour former des images dans l'infrarouge de la lumièrelumière d'objets se présentant tels qu'ils étaient moins de 500 millions d'années après le Big Bang. Des équipes de chercheurs internationaux utilisent dans ce but plus précisément comme instruments, la NIRCam (Near-Infrared CameraNear-Infrared Camera) et le MiriMiri (Mid-Infrared Instrument) de Webb. La Nasa et l'ESAESA viennent d'en donner une nouvelle illustration avec un communiqué portant sur un travail publié dans un article de Astronomical Journal et dont une version en accès libre se trouve sur arXiv.
Le télescope spatial James-Webb a été conçu pour répondre aux grandes questions de l'astrophysique comme la formation dans l'Univers des premières galaxies et de leurs premières étoiles, des planètes et des exoplanètes ou la composition des atmosphères de planètes extrasolaires. Il sera lancé fin décembre par une fusée Ariane 5 depuis le centre spatial de Kourou en Guyane. Son déploiement et la mise en route de ses quatre instruments dont Miri représentent de nombreux défis techniques. Zoom sur les innovations et le fonctionnement de l’imageur Miri. © Ce film d’animation a été produit et co-financé par le CEA, le Cnes, le CNRS, Observatoire de Paris, et l'OSUPS et réalisé par la société Fab&Fab.
Le territoire de la bordure extérieure de la Voie lactée
Paradoxalement, cette fois-ci les astrophysiciensastrophysiciens, toujours avec le même but de comprendre la cosmogonie des premières galaxies, n'ont pas tourné le regard Webb en dehors de notre Voie lactéeVoie lactée, mais une région qui lui est interne à plus de 58 000 années-lumièreannées-lumière du centre galactiquecentre galactique (à titre de comparaison, le Système solaireSystème solaire se trouve à environ 26 000 années-lumière de ce centre) où se trouve le fameux trou noir supermassif Sgr A*. Cette région fait partie de ce que l'on appelle en anglais Extreme Outer Galaxy (EOGEOG), ce qui peut se traduire en français par l'extrême galaxie extérieure (ou externe).
Il s'agit donc de la bordure extérieure de la Voie lactée et le JWST nous y montre des nuagesnuages moléculaires dans lesquels se forment des amas de jeunes étoiles. On y observe même des proto-étoilesproto-étoiles en phase TT-Tauri avec donc encore des disques d'accrétiondisques d'accrétion et de jets de matièrematière. Dans le cas présent, Miri nous donne en particulier des images des nuages dits de Digel 1 et 2 étudiés déjà il y a une trentaine d’années.
L'amas d'étoile du nuage de Digel 2, aussi appelé Digel 2S, vu par le JWST. © Nasa, ESA, CSA, STScI, M. Ressler (NASA-JPL), N. Bartmann (ESA/Webb)
« Dans le passé, nous connaissions ces régions de formation d'étoiles, mais nous n'étions pas en mesure d'approfondir leurs propriétés. Les données de Webb s'appuient sur ce que nous avons progressivement recueilli au fil des ans à partir d'observations antérieures avec différents télescopes et observatoires. Nous pouvons obtenir des images très puissantes et impressionnantes de ces nuages avec Webb. Dans le cas du nuage de Digel 2, je ne m'attendais pas à voir une formation d'étoiles aussi active et des jets spectaculaires », déclare dans le communiqué de la Nasa Natsuko Izumi de l'université de Gifu et de l'Observatoire astronomique national du Japon, auteur principal de l'étude.
« Nous savons, grâce à l'étude d'autres régions de formation d'étoiles proches, que lorsque les étoiles se forment au cours de leur première phase de vie, elles commencent à émettre des jets de matière à leurs pôles. Ce qui m'a fasciné et étonné dans les données de Webb, c'est qu'il y a plusieurs jets qui jaillissent dans toutes les directions depuis cet amas d'étoiles. C'est un peu comme un pétard, où l'on voit des choses jaillir dans un sens ou dans l'autre », ajoute Mike Ressler du Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory de la Nasa en Californie du Sud, deuxième auteur de l'étude et chercheur principal du programme d'observation.
Image annotée du nuage de Digel 2S capturée par la NIRCam (Near-Infrared Camera) et le Miri (Mid-Infrared Instrument) de Webb, avec des flèches de boussole, une barre d'échelle, une légende de couleur et des superpositions graphiques pour référence. La barre d'échelle est étiquetée en années-lumière et en secondes d'arc. Une année-lumière équivaut à environ 9,46 billions de kilomètres. Une seconde d'arc équivaut à 1/3600 d'un degré d'arc (la pleine Lune a un diamètre angulaire d'environ 0,5 degré). Cette image montre des longueurs d'onde de lumière invisibles dans le proche et le moyen infrarouge qui ont été traduites en couleurs de lumière visible. La légende des couleurs montre quels filtres NIRCam et Miri ont été utilisés pour collecter la lumière. La couleur de chaque nom de filtre correspond à la couleur de la lumière visible utilisée pour représenter la lumière infrarouge qui traverse ce filtre. Dans le groupe principal se trouvent cinq flèches blanches, qui mettent en évidence les trajectoires de cinq jets de protoétoiles. © Nasa, ESA, CSA, STScI, M. Ressler (Nasa-JPL)
Un laboratoire pour étudier la naissance primitive de la Voie lactée
On peut sans doute dire que ce qui fait principalement l'intérêt de l'étude de l'Extreme Outer Galaxy (EOG), c'est que la matière y est peu dense par rapport au reste de la Voie lactée, plus pauvre en éléments lourds au-delà de l'héliumhélium et à l'extérieur de la région où se trouvent les bras galactiques et où la formation d'étoiles est plus importante du fait des ondes comprimant la matière dans ces bras et aux collisions entre nuages moléculaires amorçant l'effondrementeffondrement de nuages moléculaires faisant naître des amas de jeunes étoiles.
En clair, cette région est dans un état physiquephysique et chimique proche de celui de la matière juste après le Big BangBig Bang au moment où les galaxies et, dans le cas présent, la Voie lactée commençaient leur formation. C'est donc un laboratoire proche pour comprendre comment les premières étoiles et galaxies sont nées.
« Je souhaite continuer à étudier la manière dont la formation des étoiles se produit dans ces régions. En combinant les données de différents observatoires et télescopes, nous pouvons examiner chaque étape du processus d'évolution. Nous prévoyons également d'étudier les disques circumstellaires dans l'extrême galaxie externe. Nous ne savons toujours pas pourquoi leur duréedurée de vie est plus courte que dans les régions de formation d'étoiles beaucoup plus proches de nous. Et bien sûr, j'aimerais comprendre la cinématique des jets que nous avons détectés dans le nuage 2S », conclut Izumi dans le communiqué de la Nasa.