Le regard infrarouge du télescope spatial James-Webb, le JWST, continue de prendre le relais de celui de Hubble pour scruter de nouveau les galaxies étonnantes de Halton Arp. Cette fois-ci, c'est le tour de Arp 107, une paire de galaxies en cours de collision.


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    La Nasa et l'ESA ont plusieurs fois mis en ligne de superbes images prises par le télescope Hubble montrant quelques exemples de galaxies en collision qui font partie de l'Atlas of Peculiar Galaxies, aussi appelé communément atlas Arp. C'est un catalogue astronomique montrant des galaxies particulières que l'on doit initialement au défunt astronomeastronome états-unien Halton Arp (1927-2013). Il l'a publié une première fois en 1966 et, à sa mort, il recensait 338 galaxies.

    Fort logiquement, c'est maintenant le télescope spatial James-Webb qui est aussi utilisé maintenant pour prendre des images de certaines des galaxies de cet atlas pour les montrer sous un nouveau jour. C'est au tour de Arp 107 (UGC 5984), une paire de galaxies en interaction située dans la constellationconstellation du Petit LionLion.


    Plusieurs objets du catalogue de Halton Arp sont présentés dans cette vidéo avec des images prises par Hubble. © Nasa, ESA, Go astronomy

    Les galaxies de Seyfert

    Arp 107 est observée telle qu'elle était il y a environ 465 millions d'années. Il s'agit en fait de deux galaxies en train de fusionner, ce qui prendra des centaines de millions d'années, l'une étant une galaxie spiralegalaxie spirale tandis que l'autre est une galaxie elliptiquegalaxie elliptique reliée par un pont et une queue de maréemarée faite de poussière et de gazgaz.

    La spirale est une galaxie Seyfert de type 2 et il est probable que la galaxie elliptique a pénétré à travers son disque déjà une fois, ce qui rapproche le cas d'Arp 107 de celui de la galaxie de la Roue de chariot, mais comme la plus petite galaxie elliptique a eu une collision décentrée au lieu d'un impact direct, la galaxie spirale s'en est sortie sans que seuls ses bras spiraux soient perturbés.


    Une visite guidée avec le JWST d'Arp 107. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, ESA, CSA, STScI, Danielle Kirshenblat (STScI)

    Rappelons au passage que les  galaxies de Seyfertgalaxies de Seyfert sont très majoritairement des galaxies spirales caractérisées par un noyau extrêmement brillant et compact. Ces galaxies ont des émissionsémissions fortes dans les domaines radio, ultravioletultraviolet, infrarougeinfrarouge et rayons Xrayons X du spectrespectre électromagnétique. Elles représenteraient plus de 5 % de l'ensemble des galaxies de l'UniversUnivers observable et elles ont été nommées d'après Carl Seyfert, un astronome états-unien (1911-1960) qui a entrepris leur étude à partir des années 1940.

    Les galaxies de Seyfert forment un des deux groupes importants de (AGN ou active galactic nucleus, en anglais), l'autre groupe étant les quasars. Dans les deux cas, leur luminositéluminosité est due à un trou noir supermassif au cœur des galaxies accrétant beaucoup de matièrematière. Les galaxies de Seyfert sont souvent observées en interaction.

    Cette image prise par Hubble avec la caméra avancée ACS (<em>Advanced Camera for Surveys</em>) du télescope spatial Hubble de la Nasa/ESA montre Arp 107, un objet céleste composé d’une paire de galaxies en pleine collision. La plus grande galaxie (à gauche de l'image) est une galaxie extrêmement énergétique d’un type connu sous le nom de galaxie de Seyfert, qui abrite des noyaux galactiques actifs dans leur cœur. Les galaxies de Seyfert sont remarquables car, malgré l’immense luminosité de leur noyau actif, le rayonnement de toute la galaxie peut être observé. Cela est évident sur cette image, où les spirales de toute la galaxie sont facilement visibles. La plus petite est reliée à la plus grande par un « pont » apparemment ténu, composé de poussière et de gaz. Arp 107 fait partie d’un catalogue de 338 galaxies connu sous le nom d’Atlas des galaxies particulières, compilé en 1966 par Halton Arp. Elle a été observée par Hubble dans le cadre d’un programme d’observation qui cherchait spécifiquement à combler une « lacune » en matière d’observation, en effectuant des observations limitées des membres du catalogue Arp. L’objectif était en partie de fournir au public des images de ces galaxies spectaculaires et difficiles à définir. © ESA-Hubble & Nasa, J. Dalcanton, Dark Energy Survey/DOE/FNAL/NOIRLab/NSF/AURA, SDSS 
    Cette image prise par Hubble avec la caméra avancée ACS (Advanced Camera for Surveys) du télescope spatial Hubble de la Nasa/ESA montre Arp 107, un objet céleste composé d’une paire de galaxies en pleine collision. La plus grande galaxie (à gauche de l'image) est une galaxie extrêmement énergétique d’un type connu sous le nom de galaxie de Seyfert, qui abrite des noyaux galactiques actifs dans leur cœur. Les galaxies de Seyfert sont remarquables car, malgré l’immense luminosité de leur noyau actif, le rayonnement de toute la galaxie peut être observé. Cela est évident sur cette image, où les spirales de toute la galaxie sont facilement visibles. La plus petite est reliée à la plus grande par un « pont » apparemment ténu, composé de poussière et de gaz. Arp 107 fait partie d’un catalogue de 338 galaxies connu sous le nom d’Atlas des galaxies particulières, compilé en 1966 par Halton Arp. Elle a été observée par Hubble dans le cadre d’un programme d’observation qui cherchait spécifiquement à combler une « lacune » en matière d’observation, en effectuant des observations limitées des membres du catalogue Arp. L’objectif était en partie de fournir au public des images de ces galaxies spectaculaires et difficiles à définir. © ESA-Hubble & Nasa, J. Dalcanton, Dark Energy Survey/DOE/FNAL/NOIRLab/NSF/AURA, SDSS 

    Une collision productrice et inhibitrice de nouvelles étoiles ?

    Les observations du JWST dans l'infrarouge avec l'instrument MiriMiri nous révèlent clairement aujourd'hui en fausses couleurscouleurs rouge-orange des régions de formation d'étoilesétoiles d'Arp 107 (causées par les ondes de choc comprimant le gaz interstellaire dans la galaxie spirale) et de la poussière composée de moléculesmolécules organiques semblables à de la suiesuie, appelées hydrocarbures aromatiqueshydrocarbures aromatiques polycycliques (polycyclic aromatic hydrocarbon, ou PAH, en anglais) bien connues des astrochimistes.

    Cette image composite d’Arp 107 en fausses couleurs, est créée à partir des données de la NIRCam (<em>Near-InfraRed Camera</em>) et de l’instrument Miri (<em>Mid-InfraRed Instrument</em>) du télescope spatial James Webb. Les flèches nord et est de la boussole indiquent l'orientation de l'image dans le ciel. Notez que la relation entre le nord et l'est dans le ciel (vu d'en bas) est inversée par rapport aux flèches de direction sur une carte du sol (vu d'en haut). La barre d'échelle est étiquetée en années-lumière, ce qui correspond à la distance parcourue par la lumière en une année terrestre (il faut 75 000 ans à la lumière pour parcourir une distance égale à la longueur de la barre). Une année-lumière équivaut à environ 9,46 billions de kilomètres. Le champ de vision montré dans cette image mesure environ 450 000 années-lumière de large. Cette image montre les longueurs d'onde invisibles de l'infrarouge proche et de l'infrarouge moyen qui ont été traduites en couleurs de lumière visible. La légende des couleurs indique les filtres NIRCam et Miri qui ont été utilisés pour collecter la lumière. La couleur de chaque nom de filtre est la couleur de lumière visible utilisée pour représenter la lumière infrarouge qui traverse ce filtre. © Nasa, ESA, ASC, STScI
    Cette image composite d’Arp 107 en fausses couleurs, est créée à partir des données de la NIRCam (Near-InfraRed Camera) et de l’instrument Miri (Mid-InfraRed Instrument) du télescope spatial James Webb. Les flèches nord et est de la boussole indiquent l'orientation de l'image dans le ciel. Notez que la relation entre le nord et l'est dans le ciel (vu d'en bas) est inversée par rapport aux flèches de direction sur une carte du sol (vu d'en haut). La barre d'échelle est étiquetée en années-lumière, ce qui correspond à la distance parcourue par la lumière en une année terrestre (il faut 75 000 ans à la lumière pour parcourir une distance égale à la longueur de la barre). Une année-lumière équivaut à environ 9,46 billions de kilomètres. Le champ de vision montré dans cette image mesure environ 450 000 années-lumière de large. Cette image montre les longueurs d'onde invisibles de l'infrarouge proche et de l'infrarouge moyen qui ont été traduites en couleurs de lumière visible. La légende des couleurs indique les filtres NIRCam et Miri qui ont été utilisés pour collecter la lumière. La couleur de chaque nom de filtre est la couleur de lumière visible utilisée pour représenter la lumière infrarouge qui traverse ce filtre. © Nasa, ESA, ASC, STScI

    Les instruments du James-Webb révèlent également que les forces de maréeforces de marée entre les deux galaxies d'Arp 107 ont arraché de la spirale beaucoup de gaz, la privant potentiellement de la matière dont elle a besoin pour former de nouvelles étoiles.

    Cette image d’Arp 107 en fausses couleurs, obtenue par l’instrument Miri (<em>Mid-InfraRed Instrument</em>) de Webb, révèle le trou noir supermassif qui se trouve au centre de la grande galaxie spirale à droite, comme en témoigne le petit « noyau » central brillant. Ce noyau brillant, où le trou noir attire une grande partie de la poussière dans des couloirs, présente également les pics de diffraction caractéristiques de Webb, causés par la lumière qu’il émet en interaction avec la structure du télescope lui-même. La caractéristique déterminante de la région, révélée par Miri, est peut-être les millions de jeunes étoiles qui se forment, surlignées en bleu. Ces étoiles sont entourées de silicates poussiéreux et de molécules semblables à de la suie, connues sous le nom d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. La petite galaxie elliptique à gauche, qui a déjà achevé une grande partie de sa formation d’étoiles, est composée de nombreuses de ces molécules organiques. © Nasa, ESA, CSA, STScI
    Cette image d’Arp 107 en fausses couleurs, obtenue par l’instrument Miri (Mid-InfraRed Instrument) de Webb, révèle le trou noir supermassif qui se trouve au centre de la grande galaxie spirale à droite, comme en témoigne le petit « noyau » central brillant. Ce noyau brillant, où le trou noir attire une grande partie de la poussière dans des couloirs, présente également les pics de diffraction caractéristiques de Webb, causés par la lumière qu’il émet en interaction avec la structure du télescope lui-même. La caractéristique déterminante de la région, révélée par Miri, est peut-être les millions de jeunes étoiles qui se forment, surlignées en bleu. Ces étoiles sont entourées de silicates poussiéreux et de molécules semblables à de la suie, connues sous le nom d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. La petite galaxie elliptique à gauche, qui a déjà achevé une grande partie de sa formation d’étoiles, est composée de nombreuses de ces molécules organiques. © Nasa, ESA, CSA, STScI

    Le saviez-vous ?

    L'astronome états-unien Halton Arp, tout comme Fred Hoyle, Margaret et Geoffrey Burbidge, est resté un opposant à la théorie du Big Bang de la fin des années 1960 (malgré la découverte du rayonnement fossile) jusqu’à son décès. Il mettait en doute, comme Hoyle, l’interprétation du décalage spectral selon la loi de Hubble-Lemaître en matière d’expansion de l’espace. Ce décalage devait avoir une autre interprétation, par exemple dans le cadre justement d’une théorie de la lumière fatiguée, faisant intervenir une perte continuelle d’énergie des photons émis par les astres avec la distance qu'ils parcourent sans que cette perte correspondant à un décalage vers les grandes longueurs d’onde, donc du bleu au rouge, ne soit due à la dilatation continuelle et accumulée des longueurs d’onde des photons du fait de l’expansion de l’espace lors de leur voyage.

    Des galaxies qui n'infirment pas la théorie du Big Bang

    La théorie de la lumière fatiguée était pourtant intenable comme l’a rapidement montré une première fois le grand cosmologiste russe Yakov Zeldovich. Selon les lois connues de la physique, toute perte d’énergie selon la théorie de la lumière fatiguée impliquerait une perte aléatoire de quantité de mouvement pour les photons par interaction avec leur environnement, par exemple des poussières intergalactiques, de sorte que les images des étoiles et des galaxies seraient de plus en plus dégradées avec la distance, ce que l’on n’observe absolument pas.

    De plus, comme l’explique le cosmologiste Ned Wright, l’expansion relativiste de l’espace implique que le temps d’évolution de la courbe de lumière des explosions de supernovae doit apparaître dilaté selon une loi bien précise, dilatation que ne peut prédire aucune théorie de la lumière fatiguée. Or, non seulement, on a bel et bien observé le phénomène et la loi prévue, mais le désaccord entre la théorie de la lumière fatiguée et les observations est de 11 sigma, comme disent les chercheurs dans leur jargon. C’est un désaccord colossal.

    Arp était troublé par le fait que certains des objets de son catalogue montraient des galaxies en interaction ou pour le moins qui apparaissaient ainsi probablement du fait de leur rapprochement sur la voûte céleste. Or, ces galaxies avaient des décalages spectraux différents, contredisant leurs associations apparemment étroites impliquant des distances similaires à la Voie lactée. Fort logiquement, Harp en déduisait que cela réfutait la théorie standard du décalage spectral. Un exemple connu est celui du Quintette de Stephan, un groupement visuel de cinq galaxies situé dans la constellation de Pégase et observé pour la première fois par l'astronome français Édouard Stephan en 1878. En fait, seules quatre galaxies sont véritablement en interaction et comme dans tous les autres cas qui troublaient Arp, on a pu montrer que les différences de décalage étaient bien dues à des distances spatiales différentes et les associations sur la voûte céleste étaient de simples astérismes comme les constellations.