Le télescope spatial James-Webb a permis de débusquer un phénomène astrophysique encore jamais vu : une galaxie avec une signature lumineuse étrange, que les astrophysiciens attribuent au fait que son gaz brille plus que ses étoiles. Elle pourrait être une phase manquante de l’évolution galactique entre les premières étoiles de l’Univers et celles des galaxies familières autour de la Voie lactée.


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    On le sait, l'un des principaux buts du télescope spatial James-Webb (JWST) de la Nasa et de l'ESA est de plonger dans des stratesstrates de lumière du cosmoscosmos observable pour contempler et étudier la formation et l'évolution des premières étoiles et des premières galaxies moins de 500 millions d'années après le Big BangBig Bang. Cet œilœil de la noosphère ne pourra cependant pas nous montrer les toutes premières manifestations de cette cosmogonie quelques centaines de millions d'années après l'émissionémission du fameux rayonnement fossile étudié il y a plus d’une décennie par le satellite Planck, mais il va nous en rapprocher comme jamais.

    Un communiqué de la Nasa nous fait part aujourd'hui d'une des dernières avancées rendues possibles par le JWST et elle concerne une galaxiegalaxie qu'il a permis d'observer environ un milliard d'années après le Big Bang et que les cosmologistes connaissent dans un catalogue sous le nom de GS-NDG-9422. Les travaux d'étude la concernant sont exposés dans un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society dont une version est en accès libre sur arXiv.

    La galaxie GS-NDG-9422 aurait pu facilement passer inaperçue. Cependant, ce qui apparaît comme un léger flou sur cette image NIRCam (<em>Near-Infrared Camera</em>) du télescope spatial James-Webb pourrait en fait être une découverte révolutionnaire qui oriente les astronomes sur une nouvelle voie pour comprendre l’évolution des galaxies dans l’Univers primitif. Des informations détaillées sur la composition chimique de la galaxie, capturées par l’instrument NIRSpec (<em>Near-Infrared Spectrograph</em>) de Webb, indiquent que la lumière que nous voyons sur cette image provient du gaz chaud de la galaxie, plutôt que de ses étoiles. C’est la meilleure explication que les astronomes aient trouvée jusqu’à présent pour expliquer les caractéristiques inattendues du spectre lumineux. Ils pensent que les étoiles de la galaxie sont si extrêmement chaudes (plus de 80 000 °C) qu’elles réchauffent le gaz nébulaire, lui permettant de briller encore plus fort que les étoiles elles-mêmes. Les auteurs d’une nouvelle étude sur les observations de la galaxie par Webb pensent que GS-NDG-9422 pourrait représenter une phase inédite de l’évolution des galaxies dans l’Univers primitif, au cours du premier milliard d’années après le Big Bang. Leur tâche consiste désormais à voir s’ils peuvent trouver d’autres galaxies présentant les mêmes caractéristiques. © NASA, ESA, CSA, STScI, Alex Cameron (Oxford)
    La galaxie GS-NDG-9422 aurait pu facilement passer inaperçue. Cependant, ce qui apparaît comme un léger flou sur cette image NIRCam (Near-Infrared Camera) du télescope spatial James-Webb pourrait en fait être une découverte révolutionnaire qui oriente les astronomes sur une nouvelle voie pour comprendre l’évolution des galaxies dans l’Univers primitif. Des informations détaillées sur la composition chimique de la galaxie, capturées par l’instrument NIRSpec (Near-Infrared Spectrograph) de Webb, indiquent que la lumière que nous voyons sur cette image provient du gaz chaud de la galaxie, plutôt que de ses étoiles. C’est la meilleure explication que les astronomes aient trouvée jusqu’à présent pour expliquer les caractéristiques inattendues du spectre lumineux. Ils pensent que les étoiles de la galaxie sont si extrêmement chaudes (plus de 80 000 °C) qu’elles réchauffent le gaz nébulaire, lui permettant de briller encore plus fort que les étoiles elles-mêmes. Les auteurs d’une nouvelle étude sur les observations de la galaxie par Webb pensent que GS-NDG-9422 pourrait représenter une phase inédite de l’évolution des galaxies dans l’Univers primitif, au cours du premier milliard d’années après le Big Bang. Leur tâche consiste désormais à voir s’ils peuvent trouver d’autres galaxies présentant les mêmes caractéristiques. © NASA, ESA, CSA, STScI, Alex Cameron (Oxford)

    Des phénomènes totalement nouveaux dans l’Univers primitif

    « Ma première pensée en observant le spectrespectre de la galaxie a été "c'est bizarre", et c'est exactement pour cela que le télescope Webb a été conçu : révéler des phénomènes totalement nouveaux dans l'Univers primitif qui nous aideront à comprendre comment l'histoire cosmique a commencé », explique dans le communiqué le chercheur principal derrière cette découverte, Alex Cameron de l'université d'Oxford.

    Cameron, l'observateur, a donc voulu y voir plus clair et il a contacté son collègue Harley Katz d'Oxford et de l'université de Chicago, un théoricien utilisant des ordinateursordinateurs. Après avoir joint leurs forces avec celles de leurs collègues il s'est ensuite avéré que les modèles informatiques de nuagesnuages ​​de gazgaz chauffés par des étoiles très chaudes et massives - à un point tel que le gaz brille plus fort que les étoiles - correspondaient presque parfaitement aux observations du Webb. Ce qui a fait dire à Katz qu'« il semble que ces étoiles doivent être beaucoup plus chaudes et plus massives que ce que nous voyons dans l'UniversUnivers local, ce qui est logique car l'Univers primitif était un environnement très différent ».

    Cette comparaison des données recueillies par le télescope spatial James-Webb avec une prédiction de modèle informatique met en évidence la même caractéristique en pente qui a d'abord attiré l'attention de l'astronome Alex Cameron, chercheur principal d'une nouvelle étude publiée dans <em>Monthly Notices of the Royal Astronomical Society</em>. Le graphique du bas compare ce que les astronomes s'attendraient à voir dans une galaxie « typique », dont la lumière provient principalement des étoiles (ligne blanche), avec un modèle théorique de lumière provenant du gaz nébulaire chaud, surpassant les étoiles (ligne jaune). Le modèle provient du collaborateur de Cameron, l'astronome théoricien Harley Katz, et ensemble, ils ont réalisé les similitudes entre le modèle et les observations Webb de Cameron de la galaxie GS-NDG-9422 (en haut). Le ralentissement inhabituel du spectre de la galaxie, qui conduit à un pic exagéré d'hydrogène neutre, correspond presque parfaitement au modèle de Katz d'un spectre dominé par du gaz surchauffé. Bien qu’il ne s’agisse là que d’un exemple, Cameron, Katz et leurs collègues chercheurs pensent que la conclusion selon laquelle la galaxie GS-NDG-9422 est dominée par la lumière nébulaire, plutôt que par la lumière des étoiles, constitue leur meilleur point de départ pour de futures recherches. Ils recherchent d’autres galaxies autour de la même marque d’un milliard d’années dans l’histoire de l’Univers, dans l’espoir de trouver d’autres exemples d’un nouveau type de galaxie, un chaînon manquant dans l’histoire de l’évolution galactique. © Nasa, ESA, CSA, Leah Hustak (STScI)
    Cette comparaison des données recueillies par le télescope spatial James-Webb avec une prédiction de modèle informatique met en évidence la même caractéristique en pente qui a d'abord attiré l'attention de l'astronome Alex Cameron, chercheur principal d'une nouvelle étude publiée dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society. Le graphique du bas compare ce que les astronomes s'attendraient à voir dans une galaxie « typique », dont la lumière provient principalement des étoiles (ligne blanche), avec un modèle théorique de lumière provenant du gaz nébulaire chaud, surpassant les étoiles (ligne jaune). Le modèle provient du collaborateur de Cameron, l'astronome théoricien Harley Katz, et ensemble, ils ont réalisé les similitudes entre le modèle et les observations Webb de Cameron de la galaxie GS-NDG-9422 (en haut). Le ralentissement inhabituel du spectre de la galaxie, qui conduit à un pic exagéré d'hydrogène neutre, correspond presque parfaitement au modèle de Katz d'un spectre dominé par du gaz surchauffé. Bien qu’il ne s’agisse là que d’un exemple, Cameron, Katz et leurs collègues chercheurs pensent que la conclusion selon laquelle la galaxie GS-NDG-9422 est dominée par la lumière nébulaire, plutôt que par la lumière des étoiles, constitue leur meilleur point de départ pour de futures recherches. Ils recherchent d’autres galaxies autour de la même marque d’un milliard d’années dans l’histoire de l’Univers, dans l’espoir de trouver d’autres exemples d’un nouveau type de galaxie, un chaînon manquant dans l’histoire de l’évolution galactique. © Nasa, ESA, CSA, Leah Hustak (STScI)

    En effet, juste après la baisse de température du plasma de l'Univers observable qui a conduit à la formation des premiers atomesatomes neutres et qu'a accompagné l'émission du rayonnement fossilerayonnement fossile, le cosmos observable n'est encore qu'un mélange d'isotopesisotopes de l'hydrogènehydrogène, de l'héliumhélium et du lithiumlithium. La densité et la température de cette matièrematière sont bien plus basses qu'aujourd'hui et les premières étoiles ne pouvaient se former qu'en étant généralement plus massives qu'aujourd'hui.


    Depuis 13,8 milliards d’années, l’Univers n’a cessé d’évoluer. Contrairement à ce que nous disent nos yeux lorsque l’on contemple le ciel, ce qui le compose est loin d’être statique. Les physiciens disposent des observations à différents âges de l’Univers et réalisent des simulations dans lesquelles ils rejouent sa formation et son évolution. Il semblerait que la matière noire ait joué un grand rôle depuis le début de l’Univers jusqu’à la formation des grandes structures observées aujourd’hui. © CEA Recherche

    Des étoiles entre les populations de type III et II ?

    Or, à la suite des travaux pionniers de l'astrophysicienastrophysicien Walter Baade, en 1944, on a distingué deux, puis trois populations d'étoiles dans la Voie lactéeVoie lactée. Il y a d'abord la population I qui contient la majorité des étoiles de notre Galaxie. Elles sont riches en métauxmétaux, ce qui dans le langage des astrophysiciens signifie qu'elles contiennent des noyaux plus lourds que les isotopes de l'hydrogène, de l'hélium et du lithium, et ont aussi une métallicitémétallicité importante définie par l'abondance des noyaux de ferfer.

    La théorie de la structure et de l'évolution stellaire pour ces étoiles dans un spectre de massesmasses autour de celles du SoleilSoleil nous dit qu'elles peuvent vivre des milliards et même des dizaines de milliards d'années. En fait, pour être plus précis, il s'agit d'étoiles dont les âges sont compris entre 0 et 10 milliards d'années.

    Les étoiles de population II, que l'on voit surtout dans les amas globulairesamas globulaires en orbiteorbite autour du centre de la Voie lactée et dans son bulbe et son halo, ont des âges compris entre 13,5 et 10 milliards d'années. Elles sont pauvres en métaux. Des métaux qui proviennent de plusieurs générations d'étoiles dites de population IIIpopulation III qui se sont formées avant celles de population II et qui au début ont synthétisé les premiers noyaux « métalliques », comme l'oxygèneoxygène et le carbonecarbone ou encore le siliciumsilicium et le magnésiummagnésium avant d'exploser en supernovaesupernovae qui ont injecté ces noyaux dans les nuages interstellairesnuages interstellaires des jeunes galaxies.

    Bien que nous ne sachions pas exactement quand les premières étoiles ont commencé à briller, nous savons qu'elles ont dû se former quelque temps après l'ère de la recombinaison, lorsque les atomes d'hydrogène et d'hélium se sont formés (380 000 ans après le Big Bang), et avant l'existence des plus anciennes galaxies connues (400 millions d'années après le Big Bang). La lumière ultraviolette émise par les premières étoiles a décomposé le gaz d'hydrogène neutre remplissant l'Univers en ions hydrogène et en électrons libres, initiant l'ère de la réionisation et la fin de l'âge sombre de l'Univers. © Nasa, ESA, CSA, STScI
    Bien que nous ne sachions pas exactement quand les premières étoiles ont commencé à briller, nous savons qu'elles ont dû se former quelque temps après l'ère de la recombinaison, lorsque les atomes d'hydrogène et d'hélium se sont formés (380 000 ans après le Big Bang), et avant l'existence des plus anciennes galaxies connues (400 millions d'années après le Big Bang). La lumière ultraviolette émise par les premières étoiles a décomposé le gaz d'hydrogène neutre remplissant l'Univers en ions hydrogène et en électrons libres, initiant l'ère de la réionisation et la fin de l'âge sombre de l'Univers. © Nasa, ESA, CSA, STScI

    Les étoiles atypiques dont on soupçonne maintenant la présence dans la galaxie GS-NDG-9422 ne sont pas des étoiles de type III primitives, car comme le mentionne Katz : « Nous savons que cette galaxie n'a pas d'étoiles de population III, car les données de Webb montrent une trop grande complexité chimique. Cependant, ses étoiles sont différentes de celles que nous connaissons - les étoiles exotiquesexotiques de cette galaxie pourraient nous aider à comprendre comment les galaxies sont passées des étoiles primordiales aux types de galaxies que nous connaissons déjà. ». On peut donc penser qu'elles sont un chaînon intermédiaire entre les étoiles de type III et de type II et qu'elles se sont formées dans des nuages de matière encore pauvres en élément lourds existant encore dans les jeunes galaxies.

    La première génération d'étoiles, également appelée population III, était composée presque entièrement d'hydrogène et d'hélium. Les générations d'étoiles suivantes, dont le Soleil, contiennent des éléments plus lourds comme l'oxygène, le carbone et le fer, qui se sont formés dans le noyau des étoiles précédentes. © Nasa, ESA, CSA, STScI
    La première génération d'étoiles, également appelée population III, était composée presque entièrement d'hydrogène et d'hélium. Les générations d'étoiles suivantes, dont le Soleil, contiennent des éléments plus lourds comme l'oxygène, le carbone et le fer, qui se sont formés dans le noyau des étoiles précédentes. © Nasa, ESA, CSA, STScI

    Le communiqué de la Nasa explique enfin que « la galaxie 9422 est un exemple de cette phase de développement des galaxies, il reste donc de nombreuses questions sans réponse. Ces conditions sont-elles courantes dans les galaxies à cette époque, ou un phénomène rare ? Que peuvent-elles nous apprendre de plus sur les phases encore plus anciennes de l'évolution des galaxies ? ». Dans ce but, Cameron, Katz et leurs collègues recherchent d'autres galaxies à ajouter à cette population pour mieux comprendre ce qui se passait dans l'Univers au cours du premier milliard d'années après le Big Bang.

    « C'est une période très excitante que de pouvoir utiliser le télescope Webb pour explorer cette période de l'Univers qui était autrefois inaccessible. Nous ne sommes qu'au début de nouvelles découvertes et de nouvelles connaissances », conclut Cameron.