Juste après la Seconde Guerre mondiale et son rôle stimulant pour le développement de la physique nucléaire, des travaux fondateurs ont montré comment les étoiles étaient les fourneaux distillant les éléments plus lourds que l'hydrogène, l'hélium et le lithium du Big Bang avec tous leurs isotopes. Mais ces travaux avaient des difficultés à expliquer les quantités d'éléments plus lourds que le fer, sauf à faire intervenir des kilonovae. Le James-Webb vient précisément de consolider la théorie de la synthèse de ces éléments.
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Hubert Reeves vient hélas de nous quitter. Il avait l'habitude de dire que nous étions des poussières d’étoiles car l'astrophysicienastrophysicien nucléaire qu'il était savait bien que l'alchimie à l'origine des éléments du vivant, productrice des noyaux de carbone, oxygène et azote se faisait en rapport avec la vie et la mort des étoiles. Il avait en effet commencé ses études de doctorat à l'époque où l'astrophysicienne états-unienne d'origine britannique Margaret Burbidge, son mari Geoffrey Burbidge et en compagnie du cosmologiste Fred Hoyle et du prix Nobel de physique William Fowler étaient les auteurs d'un important article publié en 1957 et qui n'exposait rien de moins que la recette suivie par l'UniversUnivers pour fabriquer les éléments chimiqueséléments chimiques dans les étoiles. L'article est célèbre depuis lors pour les astrophysiciens nucléaires sous le nom de B2FH d'après les initiales de ses auteurs.
Hubert ReevesHubert Reeves lui-même avait contribué à résoudre certaines énigmes concernant l'origine des éléments légers que laissait irrésolues l'article B2FH. Il en existait une autre, celle de l'origine détaillée des éléments plus lourds que le ferfer, comme l'or et le platineplatine dont la production à l'occasion d'explosions de supernovaesupernovae ne rendait pas compte des abondances observées.
On a eu depuis des idées.
Il suffisait de faire intervenir des bombardements intenses de flux de neutronsneutrons sur des noyaux de fer qui, en les capturant et via des réactions de désintégrations radioactives bêtabêta donnant des protonsprotons, permettaient d'obtenir des éléments aussi lourds que l'uraniumuranium et divers isotopesisotopes là aussi au-delà de ceux du fer. On parle d'addition de neutrons par un processus rapide (r process en anglais), mais ce processus peut être lent (s process, s comme slow).
Comment produire ce flux de neutrons ? Avec des collisions d'étoiles à neutronsétoiles à neutrons bien sûr, ce qui devait donner ce que l'on appelle des kilonovae, donc pas aussi puissantes que des supernovae. Kilonovae également émettrices d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles et se présentant normalement sous la forme de sursautssursauts gamma courts, ces flashsflashs de photonsphotons gamma incroyablement puissants.
La saga de la détection de GW170817. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Science vs Cinema
Les kilonovae, des sources gamma et gravitationnelles
De fait, le 17 août 2017, un gamma-ray bursts (GRB en anglais), baptisé SGRB170817A, a bien été détecté et localisé sur la voûte céleste en association avec la source d'ondes gravitationnelles détectée par LigoLigo et VirgoVirgo : GW170817. Le signal gravitationnel et d'autres dans la bande électromagnétique ont confirmé qu'il s'agissait d'une collision d'étoiles à neutrons s'accompagnant du phénomène de kilonova. En l'occurrence, on estime qu'environ 100 fois la massemasse de la Terre en noyaux d'or aurait été synthétisée par le prodigieux flux de neutrons libéré.
Le télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb (JWST) nous permet d'aller un cran plus loin dans notre quête de l'origine des éléments lourds, comme vient de le montrer un article publié dans Nature et dont une version en accès libre se trouve sur arXiv.
La découverte a été faite en tournant le regard dans le proche infrarougeinfrarouge du JWST en direction du sursaut gamma GRB 230307A identifié par les télescopes gamma en orbiteorbite Fermi et Neil Gehrels SwiftSwift de la NasaNasa. C'est le deuxième sursaut gamma le plus brillant jamais observé en plus de 50 ans, environ 1 000 fois plus lumineux qu'un sursaut gamma typique observé par Fermi.
Un système binaire nomade intergalactique ?
Le James-Webb y a trouvé associé la trace spectrale de l'élément telluretellure qui est l'élément chimique de numéro atomiquenuméro atomique 52, de symbole Te dans le tableau de Mendeleïev. Le fer est lui l'élément chimique de numéro atomique 26, de symbole Fe et clairement plus léger que le tellure. La signature spectrale du Te est, comme pour celle des autres éléments, une sorte de code-barrescode-barres avec des raies d'absorptionabsorption sur un spectrespectre lumineux ou inversement des raies d'émissionémission. On observe ce code dans les laboratoires sur Terre, ce qui permet d'extrapoler la présence d'éléments sans avoir à se rendre à des années-lumièreannées-lumière pour faire l'analyse chimique sur place.
Ainsi, GRB 230307A a été produit par une collision d'étoiles à neutrons et on trouve donc une nouvelle preuve directe de la production d'éléments plus lourds que le fer avec une kilonova. On avait déjà des indications similaires avec le strontium.
En bonus, le James-Webb a permis d'établir que le système binairesystème binaire d'étoiles à neutrons avant la collision devait provenir d'une galaxiegalaxie dont il a été éjecté lors de la formation des étoiles à neutrons elle-même. Les explosions en supernova des étoiles génitrices des étoiles à neutrons peuvent être asymétriquesasymétriques, ce qui peut conduire à l'équivalent d'un effet de propulsion par fuséefusée.
Le système binaire aurait ensuite parcouru environ l'équivalent du diamètre de la Voie lactéeVoie lactée avant de fusionner plusieurs centaines de millions d'années plus tard.