La prochaine génération de télescopes aura fort à faire et du temps d'observation disponible sera difficile à trouver. Pour faciliter le travail des exobiologistes cherchant à découvrir de la vie sur des exoterres, une équipe d'astrophysiciens a sélectionné pour eux certaines étoiles proches, prometteuses où chercher ces exobiosphères par imagerie directe qui plus est.
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Actuellement, en ce mois de juin 2024, plus de 6 000 exoplanètes sont connues de la noosphère et comptabilisées par le célèbre site de l'Encyclopédie des planètes extrasolaires fondé en 1995 par l'astronome Jean Schneider de l'observatoire de Paris. Le prix Nobel de physique 2019 a même récompensé les pionniers de la découverte des exoplanètes autour des étoiles sur la séquence principale, les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz.
La noosphère cherche toujours à comprendre ses racines cosmiques et sa place dans l'Univers observable et pour cela il faut en particulier déterminer à quel point notre Planète bleue et sa biosphèrebiosphère sont uniques ou pas dans le cosmos. Pour ce faire, il faut partir en quête d'exoterresexoterres dont on pourrait déterminer la composition de leurs atmosphèresatmosphères en supposant que l'on puisse disposer de biosignatures fiables. Sur ce dernier point, il faudra sans doute attendre des décennies, et encore faut-il disposer le plus rapidement possible d'échantillons également fiables.
Pour cela également, bien que la notion d'habitabilité ne soit pas simple non plus, il faut découvrir là aussi des exoplanètes habitables en grand nombre. Or il se trouve de toute façon que les étoiles les plus nombreuses dans la Voie lactéeVoie lactée sont des naines rougesnaines rouges, lesquelles sont connues comme très colériques et potentiellement sources d'émissionsémissions délétères dans le domaine des rayons Xrayons X.
57 étoiles passées au crible des rayons X
Tout dernièrement, à l'occasion de la 244e réunion de l'American Astronomical Society à Madison, Wisconsin, une équipe d'astrophysiciensastrophysiciens a justement fait savoir qu'elle avait utilisé des données en rayons X collectées par l'observatoire ChandraChandra de la NasaNasa et du XMM-NewtonXMM-Newton de l'ESAESA pour chercher à savoir si les étoiles proches du SoleilSoleil pourraient héberger des exoplanètes habitables, en fonction de leur capacité à émettre des rayonnements susceptibles de détruire les conditions potentielles de la vie telle que nous la connaissons.
L'idée était d'orienter les observations avec la prochaine génération de télescopestélescopes visant à réaliser les premières images de planètes comme la Terre dans la zone d'habitabilitézone d'habitabilité, en particulier les futurs Habitable Worlds Observatory dans l'espace et Extremely Large Telescopes au sol.
On n'en sera pas encore à obtenir des images montrant directement les éléments de surface tels que les nuagesnuages, les continents et les océans. Cependant, les spectresspectres de ces exoterres révéleront des informations sur la composition de la surface et de l'atmosphère de la planète.
Chandra de la Nasa vérifie l'habitabilité des exoplanètes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Chandra X-ray Observatory
Mais avant cela, il s'agit donc d'évaluer pour certaines étoiles les flux de rayons X et de lumièrelumière ultraviolette nocifs susceptibles d'empêcher la vie d'apparaître et d'évoluer sur des exoterres dans la zone d'habitabilité. C'est ce qu'explique dans un communiqué de la Nasa Breanna Binder de l'Université polytechnique de l'État de Californie à Pomona, qui a dirigé l'étude. « Sans caractériser les rayons X de son étoile hôte, il nous manquerait un élément clé pour savoir si une planète est vraiment habitable ou non. Nous devons examiner quel type de doses de rayons X ces planètes reçoivent. »
Breanna Binder et ses collègues ont donc compulsé dans ce but les archives provenant de près de 10 jours d'observations de Chandra et d'environ 26 jours d'observations de XMM pour examiner le comportement en rayons X de 57 étoiles proches, dont certaines avec des planètes connues.
Sarah Peacock, co-auteur de l'étude de l'Université du Maryland, comté de Baltimore (États-Unis) précise à ce sujet que « nous avons identifié des étoiles dont le bain de rayonnement X dans la zone habitable est similaire, voire plus doux, à celui dans lequel la Terre a évolué. De telles conditions pourraient jouer un rôle clé dans le maintien d'une atmosphère riche comme celle que l'on trouve sur Terre ».
Leur collègue Edward Schwieterman de l'Université de Californie, à Riverside, qui a également participé à l'étude déclare, quant à lui, dans le communiqué de la Nasa que « nous ne savons pas combien de planètes similaires à la Terre seront découvertes sur les images de la prochaine génération de télescopes, mais nous savons que le temps d'observation sur elles sera précieux et extrêmement difficile à obtenir. Ces données X permettent d'affiner et de prioriser la liste des cibles et pourraient permettre d'obtenir plus rapidement la première image d'une planète similaire à la Terre ».
L'Habitable Worlds Observatory est un télescope spatial qui prévoit d'imager directement des planètes semblables à la Terre autour d'étoiles semblables au Soleil, dont le lancement est prévu dans les années 2040. Il s’agit d’un télescope spatial de la même taille que le JWST, mais au lieu d’observer dans l’infrarouge, il détecte la lumière visible et ultraviolette. Il se trouvera au point de Lagrange stable, L2, tout comme le JWST, à environ 1,5 million de kilomètres de la Terre. il sera entretenu comme le télescope spatial Hubble l'était par des astronautes, mais cette fois par des robots. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Dr. Becky
Des exoterres autour d'étoiles « sexy » ?
Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler une partie de ce que l’astrophysicien Franck Selsis nous avait expliqué non pas seulement en ce qui concerne la détermination de biosignatures crédibles au sujet du débat dans la communauté scientifique entre ceux qui pensent que l'on doit d'abord chercher des biosignatures avec des exoplanètes en orbiteorbite autour d'étoiles de type solaire, les naines jaunesnaines jaunes de type G, voire des étoiles un peu moins lumineuses, les naines orangenaines orange de type K et de l'autre, ceux qui pensent que l'on doit d'abord se concentrer sur le cas des naines rouges de type M.
Franck Selsis avait permis à Futura de reprendre un de ses articles et nous en livrons l'extrait que voici.
Franck Selsis : Une étude - qui, précisons-le d'entrée, ne présente aucun résultat nouveau - a récemment trouvé beaucoup d'échos dans les médias car elle suggère qu'un certain type d'étoiles - les naines K - représenterait les hôtes les plus favorables pour la recherche de planètes pouvant abriter la vie.
Revenons donc sur le lien entre l'étoile hôte et l'« habitabilité » d'une planète. Mais évacuons d'entrée ces termes un peu lourds à porter d'habitabilité et de zones habitables. Nous nous intéressons ici à ce que nous appellerons des planètes « sexy », c'est-à-dire des planètes de taille/massemasse et d'instellation (équivalent de l'insolationinsolation mais pour une étoile quelconque) terrestres, et nous serons assez généreux dans cette définition. Nous ne ferons pas les difficiles. Nous pourrons être plus regardants dans le futur quand des télescopes nous donneront la possibilité d'étudier de plus près la composition de ces planètes et de leur atmosphère.
L'étoile hôte influence de façon critique à la fois l'évolution de ses planètes et l'efficacité de nos méthodes d'observations. Par exemple, les étoiles plus massives que 2,5 fois la masse du Soleil (Msol) vivent moins de 1 milliard d'années et comme leur luminositéluminosité augmente fortement durant cette période, leurs éventuelles planètes tempérées ne le restent qu'une duréedurée bien plus faible encore. Et ces grosses étoiles très lumineuses nous rendent par ailleurs la détection de planètes, même géantes, fort difficile. Mais les étoiles plus massives que 2,5 MSol ne représentent que 1 % des étoiles de la GalaxieGalaxie.
Des naines rouges, orange et jaunes
On répartit les étoiles de masse inférieure ou égale à celle du Soleil en trois catégories, les étoiles M (sol), K (0,5-0,8 Msol) et G (0,8-1,15 Msol, qui inclut donc le Soleil). Les étoiles M représentent environ 80 % des étoiles (environ 10 % pour les K et environ 7 % pour les G). Les étoiles M ou naines rouges dominent largement la population stellaire, vivent des dizaines à des centaines de milliards d'années, ont une très faible luminosité, une émission dominée par le rouge et l'infrarougeinfrarouge. C'est aussi autour des étoiles M que nos méthodes de détection des exoplanètes permettent de trouver le « plus facilement » nos fameuses planètes sexy.
Quasiment toutes les exoplanètes sexy que nous connaissons appartiennent ainsi à une étoile M. Nous ne pouvons pas encore observer l'atmosphère de ces mondes mais s'ils en possèdent une, nous pourrons tenter leur observation avec des télescopes à venir et en particulier le prochain télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb. Mais si, et seulement si ces planètes orbitent autour de naines rouges. Et encore, il nous faut pour cela de petites étoiles M (la catégorie des M couvrant en effet un vaste domaine de masses allant de 7 % à 50 % de la masse du Soleil), les plus proches possible du Soleil, et dont la planète ou les planètes visées ont la bonne idée de passer devant le disque de leur étoile vue depuis la Terre, c'est-à-dire qu'elles transitent. Bref, la très petite naine d'à côté qui vous fait des clins d'œilœil.
Il y en a ? Oui, il y en a, car ces naines rouges ont la bonne idée d'avoir presque toujours des planètes sexy !
La communauté scientifique est divisée en deux écoles. L'une, dont je fais partie, remercie la nature d'avoir mis des planètes sexy à portée de nos moyens observationnels encore balbutiants, et s'enthousiasme de la possibilité d'étudier ces mondes exotiquesexotiques. Car oui, il faut le dire, les planètes sexy des naines rouges sont forcément différentes de la Terre par bien des aspects. Pour un amateur de science-fiction comme moi ça ne le rend que plus sexy mais une autre partie de la communauté ne les trouve pas du tout sexy, voire franchement moches, et voudrait pointer les télescopes vers des astresastres plus solaires. Mais pourquoi une telle discrimination ? Eh bien ! il y a plusieurs arguments.
Le premier pourrait s'énoncer ainsi « On sait que la vie existe sur UNE planète sexy, la nôtre, autour d'une étoile G, notre Soleil ; il faut donc concentrer nos recherches sur ces étoiles ». L'idée sous-jaçante est que si jamais les conditions pour l'émergenceémergence de la vie étaient très spécifiques et restrictives, elles n'auraient guère de chance d'être rencontrées autour d'étoiles très différentes de la nôtre. Cet argument se heurte toutefois à un problème de taille : la Terre doit ses caractéristiques a bien d'autres facteurs que le type de son étoile.
Si l'on cherche les spécificités du Système solaireSystème solaire qui ont forcément influencé la nature précise de notre Planète, il faut aussi ajouter notre bon gros JupiterJupiter, et son orbite peu excentrique, qui nous place tout de suite dans une fraction beaucoup plus réduite des étoiles, environ une sur mille.
Chaque système planétaire a ses particularités, au sein d'une incroyable diversité. Si l'on commence à chercher des Terres avec une grosse LuneLune autour d'une étoile G2V, avec un couple Jupiter-SaturneSaturne, telle abondance initiale d'AluminiumAluminium 26 et de FerFer 60 (qui ont joué un rôle dans le chauffage et donc la composition des premiers solidessolides), et ainsi de suite, on part chercher l'aiguille dans une galaxie de foin.
Mais lesquelles de ces caractéristiques ont joué en faveur de l'émergence et du maintien de la vie et lesquelles nous ont rendu la vie plus difficile ?
Des exoplanètes habitables malgré les colères magnétiques ?
La grande menace que font peser les étoiles de faible masse sur leurs planètes sexy vient de leur « activité magnétique ». La rotation des étoiles, couplée à leur champ magnétiquechamp magnétique, génère une activité qui se manifeste par une émission de rayonnement énergétique (X, extrême UVUV) ainsi que d'un plasma (ionsions et électronsélectrons) que l'on appelle ventvent stellaire. Plus les étoiles tournent vite, plus elles sont actives. Au début de leur vie, toutes les étoiles tournent vite et sont très actives. Elles émettent alors un millième de leur luminosité sous forme de rayonnement X, qui est notre principal indicateur de l'activité. Cette importante émission X s'accompagne d'un vent stellaire intense, de sursautssursauts de luminosité (flares, en anglais) et d'éjections coronales. Les étoiles finissent par ralentir car leur vent stellaire emporte du moment cinétiquemoment cinétique, et leur activité décroît avec ce ralentissement. Mais les étoiles de type solaire ralentissent beaucoup plus rapidement que les naines rouges. Le Soleil émet aujourd'hui un millionième de sa luminosité sous forme de rayons X.
Notre voisine, la naine rouge ProximaProxima qui a à peu près le même âge que le Soleil, émet moins de rayonnement X que le Soleil car c'est une petite étoile mais cela représente une plus grande fraction de sa luminosité totale (plus de un dix-millième). La planète sexy Proxima b, en orbite autour de cette étoile, ne reçoit que 60 % du flux lumineux que reçoit la Terre du Soleil, mais elle reçoit 100 fois plus de rayonnement X que la Terre et est soumise à un vent stellaire beaucoup plus fort.
L’étude des exoplanètes a révélé une incroyable diversité des architectures de systèmes planétaires, mais aussi des types de planètes, en ce qui concerne les masse, rayon, température et composition. Les méthodes d’observation permettent désormais de sonder la structure et la composition de leur atmosphère, ouvrant ainsi un champ de recherche considérable à la planétologie comparée. Voici, en 2016, une conférence de Franck Selsis organisée par le Bureau des longitudes (Académie des Sciences) et le département de géosciences de l'ENS. © École normale supérieure - PSL
C'était également le cas de la Terre dans sa jeunesse mais pendant quelques centaines de millions d'années seulement, c'est en tout cas ce que l'on déduit de l'observation d'étoiles jeunes analogues au Soleil. Cette irradiationirradiation liée à l'activité ne représente qu'une faible part de l'énergieénergie que dépose l'étoile sur la planète mais elle est absorbée dans la haute atmosphère. Le point positif est que la surface est protégée de ce rayonnement nocif pour les moléculesmolécules organiques, mais la conséquence est que la haute atmosphère encaisse un apport énergétique très important par rapport à sa faible densité, ce qui peut potentiellement résulter en une érosion de l'atmosphère qui s'échappe vers l'espace.