C'est un couple extrême qui a été découvert avec les télescopes de l'ESO à seulement 1 400 années-lumière de la Terre environ. La surface de l'une des plus massives naines brunes connues est chauffée au-delà de la température de celle du Soleil par une naine blanche.

La première exoplanète découverte autour d'une étoile sur la séquence principale, c'est-à-dire la zone où se répartissent les étoiles ordinaires juste après leur naissance et avant le début de leur mort dans le fameux diagramme de Hertzsprung-Russell, était une Jupiter chaude, 51 Pegasi b. Rappelons qu'il ne s'agissait pas en 1995 de la découverte de la première exoplanète car ce titre revient à deux exoplanètes, en orbite autour du pulsar PSR B1257+12, débusquées en septembre 1990 par les radioastronomes Aleksander Wolszczan et Dale Frail en utilisant le mythique radiotélescope d'Arecibo.

Les Jupiter chaudes ont surpris et elles fascinent toujours. Elles sont si proches de leur soleil que les forces de marée gravitationnelles les ont conduites à tourner en rotation synchrone, tout comme le fait la Lune autour de la Terre, et présentant donc la même face diurne, ce qui conduit à de grandes différences de températures avec la face nocturne.

En effet, elles orbitent en quelques heures ou quelques jours généralement autour de leur étoile hôte dont le rayonnement les porte à de hautes températures, dilatant leur atmosphère. Noyées dans ce rayonnement, c'est surtout par des méthodes spectroscopiques que l'on peut les détecter et les étudier.

Une naine blanche avec une température de surface de 13 000 K

Na'ama Hallakoun, une postdoctorante associée avec l'équipe du Dr Sagi Ben-Ami du département de physique des particules et d'astrophysique de l'Institut Weizmann des sciences, vient de publier avec ses collègues un article dans Nature Astronomy annonçant la découverte d'un système exotique similaire à ceux avec des Jupiter chaudes et situé à environ 1 400 années-lumière du Soleil. Découverte rendue possible par le spectrographe Uves (Ultra-Violet-Visual Echelle Spectrograph) du Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO).

Il s'agit en fait d'une étoile double formée d'une naine blanche, probablement née il y a environ un million d'années et avec une masse de 0,4 masse solaire pour une température de surface de 13 000 K, autour de laquelle orbite une naine brune en environ 2,3 heures. Une naine brune n'est ni vraiment une planète ni vraiment une étoile, c'est un astre intermédiaire que l'on pourrait qualifier de super-Jupiter, comme le fait l'astronome Frédérique Baron dans la vidéo ci-dessous à leur sujet.


Une présentation du monde des naines brunes présentée le 7 mai 2020 par Frédérique Baron, de l'Institut de recherche sur les exoplanètes - iREx. © Chaine du programme À la découverte de l'Univers

La naine blanche est d'une taille comparable à la Terre et, dans la nomenclature des astrophysiciens, elle se nomme WD0032-317 (WD venant de l'anglais white dwarf qui signifie « naine blanche ») alors que la naine brune se nomme WD0032-317 B (notez le B d'usage pour la seconde composante d'une étoile binaire et pas le b qui serait d'usage pour une exoplanète ordinaire).

WD0032-317 B est beaucoup plus grande que la naine blanche et heureusement pour elle, les mesures à son sujet indiquent qu'elle concentre une masse d'environ 75 à 88 masses de Jupiter dans un volume de l'ordre de celui de notre géante glacée. Elle peut donc résister aux forces de marée qui, comme dans le scénario découvert au XIXe siècle par le mathématicien et astronome Édouard Roche, pourrait la disloquer aussi proche de WD0032-317 si la naine brune n'était pas si dense.

Une naine brune, laboratoire pour l'astrophysique du rayonnement UV extrême

Mais ce qui rend ce système binaire si exotique, c'est que non seulement WD0032-317 B est potentiellement l'une des naines brunes les plus massives connues, à la limite encore un peu floue qui en ferait une véritable étoile (voir le bloc ci-dessous sur les naines brunes), mais aussi que la température de la naine brune côté jour est d'environ 8 000 K, soit environ 2 000 K de plus que la température de surface du Soleil (la différence avec la température de la face nocturne serait d'environ 6 000 K).

La surface diurne est donc aussi chaude que la surface d''une étoile de type A - des étoiles semblables au Soleil qui peuvent être deux fois plus massives que le Soleil - et plus chaudes que celle de n'importe quelle planète géante connue.

Comme l'explique un communiqué de l'Institut Weizmann des sciences au sujet de la découverte du caractère extrême de WD0032-317 B et du fait qu'elle est moins noyée que d'autres naines brunes autour d'étoiles ordinaires, elle constitue un laboratoire remarquable pour étudier l'effet du rayonnement ultraviolet extrême sur les atmosphères planétaires. Un tel rayonnement joue un rôle important dans une variété d'environnements astrophysiques, des régions de formation d'étoiles, en passant par les disques protoplanétaires jusqu'aux atmosphères des planètes elles-mêmes. En effet, on sait que ce rayonnement intense, qui peut conduire à l'évaporation des gaz et à la rupture des molécules, peut avoir un impact significatif sur l'évolution stellaire et planétaire.

Le saviez-vous ?

L’existence des naines brunes a été prédite théoriquement par l’astronome indien Shiv S. Kumar pendant sa thèse au cours de la période 1958-1962. Il s’intéressait à la théorie des étoiles de très faible masse (M < 0.1 masse solaire), étoiles qu’il avait appelées des naines noires. Mais, notamment parce que ces objets peuvent être lumineux aux longueurs d'onde visibles au début de leur vie car ils sont chauffés par la contraction gravitationnelle lors de leur formation et selon le mécanisme de Kelvin-Helmholtz, c’est une autre dénomination à leur sujet qui fera fortune et qui est utilisée depuis que les premières naines brunes ont été observées au milieu des années 1990. Ces astres, trop massifs pour être des géantes gazeuses comme Jupiter, mais pas assez pour être considérés comme des étoiles, doivent en effet leur nom de naine brune à Jill Tarter, une exobiologiste connue pour être l'une des figures de proue de Seti.

Les naines brunes sont intéressantes car il s’agit d'astres intermédiaires entre une étoile et une planète en matière de masse et qui ne se trouvent pas dans notre Système solaire. Elles sont également utiles pour étudier l'évolution et l'atmosphère des planètes géantes, car les planètes de type Jupiter et les naines brunes les plus légères devraient avoir des caractéristiques similaires. Des milliers de naines brunes ont été trouvés depuis la première découverte en 1995.

Les naines brunes font plus ou moins toujours l'objet d'un débat concernant d’une part, la limite en masse au-delà de laquelle un astre fait partie des étoiles (et non des naines brunes) et d’autre part, concernant la limite en dessous de laquelle l'astre est une géante gazeuse. Les astrophysiciens s'accordent toutefois sur un point : ce qui différencie une étoile d'une naine brune est le fait qu'elle est suffisamment massive pour que des réactions de fusion thermonucléaire durables, comme celles décrites par la chaîne proton-proton ou le cycle de Bethe-Weizsäcker, s'y enclenchent. On trouve alors des masses comprises entre 75 et 80 fois la masse de Jupiter (MJ), c'est-à-dire environ 0,07 masse solaire.

En ce qui concerne le critère de distinction entre une géante gazeuse et une naine brune, les scientifiques utilisent généralement le seuil de 13 MJ. Des réactions de fusion temporaires, en l'occurrence celle du deutérium, peuvent alors se produire, comme celle du lithium à partir de 65 MJ.