La Lune est un environnement hostile, soumis sans bouclier magnétique au bombardement des rayons cosmiques et avec des variations de température considérables entre le jour et la nuit. Toutefois, des colons lunaires pourraient vivre dans des tunnels de lave refroidis depuis longtemps et dont on vient de démontrer l'existence sur la Lune. La température dans ces tunnels serait plus stable, moins extrême, et surtout le flux de rayons cosmiques bien plus faible, ce qui autoriserait des séjours de longue durée pour des Homo sapiens.


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    On espère tous que le retour d'Homo sapiensHomo sapiens sur la Lune avec le programme Artemis ne s'arrêtera pas comme pour la mission ApolloApollo avant l'établissement d'une base lunaire permanente sur notre satellite. Son développement pourrait d'ailleurs servir de laboratoire pour tester la technologie permettant au cours de ce siècle d'établir une colonie martienne. Toutefois, on sait qu'aussi bien pour Mars que pour la Lune, ces colonies devront, d'une façon ou d'une autre, être enterrées pour protéger les colons des rayons cosmiques issus des colères du Soleil, et même tout simplement des rayons cosmiques galactiques dont les rayonnements conduiraient au développement de cancerscancers pour des séjours de longue durée.

    Or, depuis environ 50 ans, on suspectait que plusieurs images de la surface de la Lune trahissaient l'existence de l'équivalent des tunnels de lavetunnels de lave que nous connaissons sur Terre.


    Un réseau complexe et sinueux de canaux pourrait exister juste sous la surface de la Lune. Ces tubes de lave, produits par le magma souterrain provenant d'anciens volcans, sont protégés du rayonnement solaire et peuvent contenir des secrets sur l'histoire de notre Système solaire. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa

    Des Pit craters terrestres et lunaires

    Sur notre Planète bleue, tout commence par une coulée volcanique dont la surface au contact de l'air finit par se refroidir et durcir pendant que la lave continue de s'écouler dessous. Lorsque la source de la coulée est tarie, il reste ce que l'on appelle donc « un tube de lave ». Les parties les plus fragiles du plafond de ce tube peuvent parfois s'effondrer et laisser la place à un trou béant que les géologuesgéologues appellent par exemple à Hawaï des Pit craters (cratères de fosse en français). Certains anciens tunnels de lave sont ainsi ponctués de lucarnes à intervalles réguliers. D'autres fois, c'est tout le tunnel qui s'effondre, donnant naissance à une fissure sinueuse comme on en observe par exemple sur l'île volcanique de Lanzarote, dans l'archipelarchipel des Canaries.

    Sur la Lune, l'exemple le plus célèbre de tunnel effondré est peut-être la vallée de Schröter (nommée en l'honneur de l'astronomeastronome Johann Hieronymus Schröter). Découverte par Christian HuygensChristian Huygens, une faille sinueuse large de 11 kilomètres, profonde de 1 000 mètres et qui ondule sur 160 kilomètres. Elle est observable sur la face visible avec un télescopetélescope d'amateur, par exemple un eVscope d’Unistellar.

    La vallée lunaire de Schröter, peut-être l'exemple le plus impressionnant d'un tunnel de lave effondré. © W. Higgins
    La vallée lunaire de Schröter, peut-être l'exemple le plus impressionnant d'un tunnel de lave effondré. © W. Higgins

    Toutefois, les images prises par la sonde de la NasaNasa Lunar Reconnaissance Orbiter (LROLRO) - qui est placée sur une orbiteorbite particulièrement basse de 50 kilomètres autour de la Lune depuis 2009, ce qui lui permet d'effectuer des observations extrêmement détaillées de la surface - ont mis clairement en évidence des Pit craters dont celui de Mare Tranquillitatis. Rappelons que c'est dans cette mer lunaire que l'alunissage d'Apollo 11 s'est effectué.

    Les planétologues n'étaient pas certains cependant que ces cavités avec un toittoit effondré soient bel et bien la manifestation d'authentiques tunnels de lave. Cela vient de changer suite au travail d'une équipe internationale de chercheurs, sous la direction de l'Université de Trente, en Italie, qui a publié un article dans Nature Astronomy à ce sujet.

    Des tunnels lunaires révélés par les ondes radar

    « Ces tunnels de lave sont théorisés depuis plus de 50 ans, mais c'est la première fois que nous démontrons leur existence. En 2010, dans le cadre de la mission LRO, l'instrument Miniature Radio-Frequency (Mini-RF) a acquis des données qui portaient sur le fameux Pit crater de Mare Tranquilitatis. Des années plus tard, nous avons réanalysé ces données avec des techniques complexes de traitement du signal récemment développées et nous avons découvert des réflexions d'ondes radar de la zone de la fosse qui sont mieux expliquées par une grotte souterraine qui se prolonge par un conduit. Cette découverte fournit la première preuve directe d'un tube de lave accessible sous la surface de la Lune », explique dans un communiqué Lorenzo Bruzzone, professeur à l'Université de Trente.

    Vue spectaculaire prise par la sonde LRO en plein soleil sur le cratère de la fosse Mare Tranquillitatis révélant des rochers sur un sol par ailleurs lisse. L'image fait 400 mètres de large, le nord est en haut. Lorsque le Soleil est bien au-dessus, le sol du cratère de fosse de Mare Tranquillitatis est illuminé. Avec un angle d'incidence de 26,5° et une ombre de 55 mètres, les scientifiques peuvent estimer la profondeur à un peu plus de 100 mètres. © Nasa, GSFC, Université d'État de l'Arizona
    Vue spectaculaire prise par la sonde LRO en plein soleil sur le cratère de la fosse Mare Tranquillitatis révélant des rochers sur un sol par ailleurs lisse. L'image fait 400 mètres de large, le nord est en haut. Lorsque le Soleil est bien au-dessus, le sol du cratère de fosse de Mare Tranquillitatis est illuminé. Avec un angle d'incidence de 26,5° et une ombre de 55 mètres, les scientifiques peuvent estimer la profondeur à un peu plus de 100 mètres. © Nasa, GSFC, Université d'État de l'Arizona

    Le chercheur principal de l'équipe utilisant le Mini-RF, Wes Patterson, du laboratoire de physiquephysique appliquée de l'Université de Johns-Hopkins, ajoute : « Cette recherche démontre à la fois comment les données radar de la Lune peuvent être utilisées de nouvelles manières pour répondre à des questions fondamentales pour la science et l'exploration, et à quel point il est crucial de continuer à collecter des données de télédétection de la Lune. Cela inclut la mission LRO actuelle et, espérons-le, les futures missions orbitalesorbitales»


    Une étude récemment publiée dans Nature Astronomy et réalisée par une équipe internationale de chercheurs, dirigée par l'Université de Trente, a pu démontrer, pour la première fois par observation directe, qu'il existe d'immenses grottes accessibles sous la surface de la Lune. Les chercheurs ont observé un conduit de grotte vide, interprété comme un tube de lave potentiel qui fournit un moyen d'accès profond au sous-sol lunaire à travers un effondrement connu sous le nom de Mare Tranquillitatis Pit. Cet effondrement se situe au sein de la mer basaltique du même nom. Riccardo Pozzobon, chercheur en géologie planétaire au Département de géosciences de l'Université de Padoue et expert en télédétection par satellite des surfaces planétaires et de leurs analogues terrestres, a fourni son expertise géologique pour ces structures volcaniques. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Dipartimento di Geoscienze - Università di Padova

    Le saviez-vous ?

    Déjà en 1969, un groupe de spécialistes en géosciences avait suggéré que plusieurs des crevasses lunaires parfois longues de plusieurs centaines de kilomètres pouvaient être des tunnels de lave effondrés comme ceux que l’on rencontre sur l’île d’Hawaï ou en Islande, et qui sont laissés en place par un fleuve de matière en fusion, dont le niveau a baissé lorsque l’éruption lui ayant donné naissance s’est arrêtée. Certaines de ces rainures lunaires avaient plusieurs kilomètres de large. Les calculs de l’époque indiquaient que des tubes de lave ne pouvaient pas être stables au-delà de 400 mètres de large. Mais les données provenant de l’étude du champ de gravitation de la Lune ainsi que les images plus récentes obtenues par des missions telles que Grail (Gravity Recovery And Interior Laboratory), Selene et LRO suggèrent la présence de tubes de lave stables de taille kilométrique.

    Un groupe de chercheurs de l’Université de Purdue, aux États-Unis, avait revisité le sujet il y a quelques années dans un article publié dans le journal Icarus. Ils étaient arrivés à la conclusion que des tunnels de lave pouvant atteindre entre un et cinq kilomètres de large pouvaient parfaitement exister sans s’effondrer. Sur Terre, ils ne pourraient avoir que 30 mètres de large, car la gravité est plus forte.

    Ces tubes de lave lunaire, vestiges d’une période où la Lune était volcaniquement bien plus active (elle l’est peut-être encore un peu aujourd’hui), pourraient rester stables alors que leurs plafonds n’auraient que deux mètres d’épaisseur.


    Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Jared Pike, communications specialist for Purdue University’s School of Mechanical Engineering.

    Des cavernes lunaires pour protéger une biosphère des rayons cosmiques

    Ces tubes sont très intéressants pour ceux qui rêvent d’établir d’importantes colonies lunaires. Notre satellite n’a ni atmosphère ni magnétosphère protégeant sa surface des rayons cosmiques, notamment lors des tempêtes solaires. Des colons ont donc tout intérêt à vivre sous le sol lunaire pour se protéger de conséquences d’une exposition à long terme à ces radiations. Il a d’ailleurs été proposé d’utiliser le régolithe lunaire pour fabriquer une sorte de béton recouvrant les modules de survie des astronautes. Ces tubes pourraient donc faciliter l’implantation d’une base lunaire permanente, car ils offriraient des protections déjà en place pour le déploiement, par exemple, d’une biosphère en réduction de grande taille (il se poserait néanmoins le problème de l’éclairage des végétaux à faire pousser).

    Les calculs montrent qu’un tube de lave de largeur kilométrique et ayant au moins des parois de 40 à 500 mètres d’épaisseur serait protégé des amplitudes de variation de la température à la surface de la Lune et resterait stable à environ -20 °C. Reste qu’il faudrait probablement trouver de telles structures volcaniques non loin des cratères lunaires situés aux pôles lunaires, là où il y a de bonnes raisons de penser que des gisements de glace d’eau sont présents. Il est possible de fabriquer de l'oxygène à partir de certaines roches lunaires chauffées grâce à l’énergie solaire, mais pour l’eau, c’est une autre histoire. Or, il en faudra pour une population humaine importante se nourrissant à partir d’une biosphère en réduction.