Quand elles explosent en supernovae, les étoiles laissent derrière elles une sorte de bulle de gaz surchauffé qui enfle dans le milieu interstellaire à grande vitesse avant de se dissiper des millions d'années plus tard. Il existe plusieurs types de supernovae, mais depuis quelque temps, on en observe d'un nouveau type, baptisé SN Iax. Celle de 1181 a laissé un reste très inhabituel que l'on peut qualifier de surréaliste par comparaison avec les restes plus connus, comme la nébuleuse du Crabe ou encore Cassiopée A. Ce reste, nommé Pa 30, contient en plus une étoile « zombie », un ancien cadavre stellaire ramené à la vie.
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Lorsque l'on décompte les supernovaesupernovae dans les autres galaxies sur une année, tous types confondus (SNSN II et SN Ia notamment), on est conduit à estimer qu'en moyenne trois à quatre supernovae par siècle devraient se produire dans notre Voie lactée. Il en existe de célèbres observées par les astronomesastronomes européens, comme celles de 1572 et 1604, examinées en lumière visible par Tycho Brahe (SN 1572) et Johannes KeplerJohannes Kepler (SN 1604).
Curieusement, celle de 1181 dans la constellation de Cassiopée ne semble avoir été notée que par des astronomes chinois et japonais, peut-être parce que tout comme celle de 1054 à l’origine de la nébuleuse du Crabe, les intellectuels européens de l'époque faisaient encore trop confiance aux idées exposées par le génial AristoteAristote dans son célèbre Traité du Ciel, impliquant qu'il ne pouvait pas y avoir de nouvelles étoiles apparaissant sur la voûte céleste, celles-ci étant éternelles et immuables.
Bien sûr, aujourd'hui, nous en savons beaucoup plus sur ce que sont les supernovae et les restes d'explosions cosmiques titanesques qu'elles laissent. Et pourtant, les astrophysiciensastrophysiciens modernes ont été déroutés par la supernova de 1181 et son reste qu'ils n'ont été capables d'identifier qu'au début des années 2010, l'ayant confondu avec un autre précédemment.
En fait, ce reste, nommé Pa 30, n'a été débusqué initialement que dans le cadre d'un projet de science citoyenne par l'astronome amateur Dana Patchick. En 2013, il avait en effet passé au crible les images d'archives prises par le Wide-field Infrared Survey Explorer, ou Wise, lorsqu'il a fait sa découverte.
Plus tard, en 2023, les astronomes ont découvert d'étranges filaments dans le reste de la supernovareste de la supernova, qui ressemblent aux fines vrilles d'une fleur de pissenlitpissenlit.
Aujourd'hui, grâce à l'imageur KeckKeck Cosmic Web Imager (KCWI) construit par Caltech à l'observatoire W. M. Keck à Hawaï, les astronomes ont, pour la première fois, cartographié l'emplacement de ces filaments inhabituels en trois dimensions, ainsi que la vitesse à laquelle ils s'échappent du site de l'explosion. Un article dans The Astrophysical Journal Letters, dont une version libre existe sur arXiv, donne des détails sur cette réalisation, également exposée dans un communiqué du Keck.
Un type encore peu connu de supernova
Le communiqué explique que l'on savait que SN 1181 était du type SN Iax. Elles sont environ 100 fois moins lumineuses que les SN Ia, mais leur nombre dans les galaxies pourrait bien être d'environ un tiers de celui de ces supernovae. On ne les observe que dans des galaxies spiralesgalaxies spirales ou irrégulières, mais jamais dans des galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques. Ce qui serait cohérent avec l'idée qu'elles font intervenir des étoiles relativement jeunes.
Comme toutes les SN Ia, elles font intervenir une voire deux naines blanchesnaines blanches avec une explosion thermonucléaire qui, cette fois-ci, ne détruit pas complètement l'étoile initiale qui était morte (voir la vidéo ci-dessous), mais lui donne un second souffle, d'où le fait que l'on parle alors d'étoile « zombie ». Le reste Pa 30 de SN 1181 contient de fait une étoile centrale bien visible dans l'infrarougeinfrarouge IRAS 00500+6713. C'est une étoile de type Wolf-Rayet, riche en oxygèneoxygène, et certains pensent qu'elle est le résultat de la fusionfusion d'une naine blanche CO (carbonecarbone-oxygène) et d'une naine blanche ONe (oxygène-néonnéon-magnésiummagnésium). Pa 30 et IRAS 00500+6713 sont les seuls vestiges connus d'une supernova de type Iax dans la Voie lactéeVoie lactée.
Les astrophysiciens savent que les filaments particuliers observés dans Pa 30 et qui brillent via les émissionsémissions d'atomesatomes de soufresoufre ont également été générés par la supernova, mais ils ne savent pas comment et quand ils se sont formés. C'est pour en savoir un peu plus qu'ils avaient donc décidé de mesurer les vitesses associées à la matièrematière dans Pa 30 via l'effet Dopplereffet Doppler sur les émissions de lumière décalant leurs spectresspectres vers le rouge ou le bleu, selon que la matière s'éloigne ou se rapproche de nous. Cela a permis de reconstituer aussi la structure 3D présentée dans l'animation accompagnant le communiqué du Keck.
Extrait du documentaire Du Big bang au Vivant (ECP Productions, 2010). Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges, puis en naines blanches. © Jean-Pierre Luminet
Voici quelques explications supplémentaires sur les supernovae SN Iax
Le modèle classique pour une SN Ia était le suivant. Tout commence dans un système binairesystème binaire où une étoile un peu plus massive que l'autre, mais ne dépassant pas les 8 à 10 massesmasses solaires, évolue plus rapidement en devenant d'abord une naine rougenaine rouge. Cela la conduit à perdre de la masse avec des ventsvents violents, pour finir par laisser un cadavre stellaire sous la forme d'une naine blanche contenant moins de 1,44 fois la masse du SoleilSoleil.
Si les deux étoiles sont assez proches l'une de l'autre, quand la seconde devient à son tour une géante rougegéante rouge, les forces de maréeforces de marée gravitationnelles de la première lui arrachent de la masse. Il se forme un disque d'accrétiondisque d'accrétion autour de la naine blanche qui voit sa masse augmenter en avalant, pour former ses couches extérieures, de l'hydrogènehydrogène et de l'héliumhélium, alors que son cœur contient beaucoup de carbone et d'oxygène. Une série de réactions thermonucléaires s'enclenche en s'emballant quand la masse de la naine blanche atteint 1,44 fois celle du Soleil et une explosion thermonucléaire se produit alors, détruisant totalement la naine blanche et laissant un reste de supernova, comme on peut le voir dans l'animation de la vidéo ci-dessous.
Une animation montrant le modèle standard pour une SN Ia, voir les explications ci-dessus. © Caastro
Une étoile zombie produite par une SN Iax
Cette image a commencé à se troubler depuis environ une décennie. On a d'abord suspecté que certaines SN Ia sont parfois des collisions de naines blanches et, de fait, des observations soutiennent ce scénario.
Enfin, depuis quelques années, après avoir été en mesure d'évaluer la masse de naines blanches génitrices de supernovae SN Ia, on a découvert qu'elle était inférieure à la masse de Chandrasekharmasse de Chandrasekhar, de sorte qu'il est devenu nécessaire de revoir les mécanismes à l'origine de l'explosion thermonucléaire.
De façon surprenante, on a ainsi découvert que dans le cas de la supernova SN 2012Z, non seulement la naine blanche a survécu à une explosion en mode supernova, mais elle est devenue plus brillante. On a décrit ce phénomène en parlant d'étoile « zombie » puisqu'elle est en quelque sorte revenue à la vie, tout en restant fondamentalement le cadavre d'une étoile jadis sur la séquence principaleséquence principale.
Une supernova de type Iax est moins brillante et sa courbe de lumière évolue plus lentement, ce qui a laissé penser aux astrophysiciens nucléaires que SN 2012Z était en quelque sorte une supernova ratée, dont les détails de réactions thermonucléaires derrière l'explosion sont encore mal compris.
Le saviez-vous ?
Il y a plusieurs siècles, depuis Tycho Brahe et Johannes Kepler, célèbres « bâtisseurs du Ciel », on observait des « nouvelles étoiles », en abrégé des novae, à partir du latin stella nova qui signifie « nouvelle étoile ». Mais il avait fallu attendre les années 1930 et les travaux de Walter Baade et Fritz Zwicky pour que l’on se rende compte des différences existantes entre les novae et les supernovae. Rapidement, furent également découvertes les premières sous-classes de supernovae aujourd’hui célèbres, les SN I et les SN II, selon la fameuse classification conçue par l'astronome germano-américain Rudolph Minkowski et l'astronome suisse Fritz Zwicky.
Les SN Ia sont des explosions thermonucléaires de naines blanches dans des systèmes binaires alors que les SN II, bien plus puissantes, sont des explosions produites par des étoiles au moins 8 à 10 fois plus massives que le Soleil et qui s’effondrent gravitationnellement en donnant des étoiles à neutrons, ou des trous noirs si elles sont assez lourdes. Dans tous les cas, les différences entre supernovae (d’autres allaient être mises en évidence jusqu’à nos jours encore), se trouvent au niveau du spectre traduisant la présence de certains éléments dans la lumière des explosions et dans les variations et les durées des intensités lumineuses (les courbes de lumière) de ces cataclysmes stellaires.
Ainsi, les supernovas de type I ont un spectre qui ne contient pas d'hydrogène, alors que les supernovas de type II ont un spectre qui en contient. Parmi les supernovas de type I, on distingue trois sous-classes, de sorte que si le spectre montre la présence de silicium, on parle de type Ia ; mais, si le spectre n’en montre pas, on regarde l'abondance d’hélium. En présence d'une quantité notable d’He, on parle de type Ib et inversement, en présence de faible quantité d'hélium, on parle de type Ic.
On a introduit maintenant depuis quelques années le type SN Iax.