Les astronomes ont découvert par sérendipité un étonnant système binaire dans la plus proche pouponnière d'étoiles connue du Système solaire. Des observations sur plusieurs longueurs d'onde, radio et infrarouge, d'Alma et du JWST ont en effet révélé des disques jumeaux et des jets en éruption d'une paire de proto-étoiles dans Rho Ophiuchi. Les astronomes pensaient que WL 20S était en fait une étoile unique avant l'arrivée du James-Webb.


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    En regardant avec des télescopes en direction de la constellation d'Ophiuchus, également connu sous le nom d'origine latine de Serpentaire, entre le Scorpion à l'ouest et le Sagittaire à l'est, on peut étudier l'une des régions de formation d'étoiles les plus proches du Système solaire. Les jeunes étoiles qui la composent ne sont en effet situées qu'à environ 400 années-lumière du SoleilSoleil en moyenne. Elles ont pris naissance suite à l'effondrementeffondrement gravitationnel et à la fragmentation d'une partie du nuagenuage de Rho Ophiuchi, un des nuages moléculaires géants de la Voie lactéeVoie lactée composé en partie d'hydrogènehydrogène ionisé et de poussière sombre. Il doit son nom à l'étoile qui domine la région dans laquelle il se trouve, ρ Ophiuchi.

    Découvrez le télescope spatial James-Webb aux côtés d'Astropierre dans cet épisode de Futura dans les Étoiles. © Futura 

    Les astrophysiciensastrophysiciens qui veulent comprendre comment notre Système solaire et né, et plus généralement les autres systèmes planétaires, peuvent y observer en quelque sorte en direct les processus qui ont donné naissance au Soleil et à son cortège planétaire il y a environ 4,56 milliards d'années.


    Cette vidéo présente une partie du complexe nuageux de Rho Ophiuchi, la région de formation d'étoiles la plus proche de la Terre. Des jets jaillissant de jeunes étoiles sillonnent l’image, impactant le gaz interstellaire environnant et éclairant l’hydrogène moléculaire, représenté en rouge. Certaines étoiles affichent l’ombre révélatrice d’un disque circumstellaire, élément constitutif des futurs systèmes planétaires. Autrefois, l'ensemble de notre Système solaire aurait ressemblé à ceci s'il était vu de loin. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA, ESA, ASC, Greg Bacon (STScI), Stephen Keech

    Les étoiles T Tauri de Rho Ophiuchi

    On n'y trouve pas seulement de très jeunes étoiles, mais aussi des proto-étoiles de type T Tauri, des étoiles variablesétoiles variables, nommées d'après l'étoile prototype éponyme découverte par Alfred H. Joy en 1945, astronomeastronome à l'observatoire du mont Wilson aux États-Unis. Rappelons que les étoiles T TauriT Tauri sont des astresastres âgés de 10 millions d'années au maximum, avec une massemasse inférieure à 3 masses solaires dans lesquelles les réactions de fusionfusion thermonucléaire, qui font vivre les étoiles sur la fameuse séquence principaleséquence principale, ne se sont pas encore établies. La température au centre de l'étoile y est en effet trop faible pour démarrer la fusion des noyaux l'hydrogène. Ces proto-étoilesproto-étoiles sont dotées également pendant un temps de jets de matièrematière s'élevant autour de leurs pôles.

    Pour progresser dans notre connaissance de la cosmogonie stellaire et planétaire, les astrophysiciens ont donc décidé d'utiliser les observations nouvellement disponibles avec l’instrument Miri du télescope spatial James-Webb, qui permet de faire des observations dans la bande spectrale de l'infrarougeinfrarouge moyen avec une haute résolutionrésolution. Ces observations complètent celles que l'on peut faire avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (en abrégé Alma, qui signifie aussi « âme » en espagnol), en français « grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama » formé de radiotélescopesradiotélescopes.

    Image du site Futura Sciences

    À gauche, une image en fausses couleurs dans l’infrarouge moyen du complexe nuageux moléculaire Rho Ophiuchi prise par le télescope spatial Spitzer de la Nasa. Un zoom pointant vers le système stellaire WL 20 montre, à droite, une impression d’artiste pour celui-ci. © États-Unis NSF/NSF NRAO/B. Saxton.; NASA/JPL-Caltech/Harvard-Smithsonian CfA

    WL 20 sous les yeux d'Alma et du JWST

    Les chercheurs voulaient en particulier renouveler notre connaissance d'un groupe de jeunes proto-étoiles appelé WL 20, étudié depuis les années 1970, et notamment celle appelée WL 20S car elle semblait curieusement beaucoup plus jeune que les autres, alors que les étoiles d'un même nuage moléculaire naissent presque en même temps.

     « Nous sommes restés bouche bée. Après avoir étudié cette source pendant des décennies, nous pensions la connaître assez bien. Mais sans MiriMiri, nous n'aurions pas su qu'il s'agissait de deux étoiles ! », explique dans un communiqué de la NasaNasa l'astronome Mary Barsony.

    Non seulement il s'est avéré que l'on était en présence d'une étoile double avec chacune des proto-étoiles entourées d'un disque protoplanétairedisque protoplanétaire, mais ces proto-étoiles de type T Tauri, formées il y a environ 2 à 4 millions d'années, possèdent également des paires de jets... parallèles !

    Image du site Futura Sciences

    Cette image en fausses couleurs du groupe d’étoiles WL 20 combine les données d’Alma et de l’instrument Miri observant dans l'infrarouge moyen du télescope Webb de la Nasa. Les jets de gaz émanant des pôles des étoiles jumelles apparaissent en bleu et vert ; les disques de poussière et de gaz entourant les étoiles sont roses. © NSF NRAO ; ALMA ; NASA/JPL-Caltech ; B. Saxton

    La performance atteinte par le JWSTJWST et Alma observant conjointement Rho Ophiuchi fait dire dans le même communiqué de la Nasa à Mike Ressler, du Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory de la Nasa et co-auteur de la nouvelle étude, que « la puissance de ces deux télescopes ensemble est vraiment incroyable. Si nous n'avions pas vu qu'il s'agissait de deux étoiles, les résultats d'Alma auraient pu ressembler à un seul disque avec un espace au milieu. Au lieu de cela, nous disposons de nouvelles données sur deux étoiles qui se trouvent clairement à un moment critique de leur vie, lorsque les processus qui les ont formées s'essoufflent. C'est incroyable que cette région ait encore tant à nous apprendre sur le cycle de vie des étoiles. Je serai ravi de voir ce que Webb va révéler d'autre ».