au sommaire
Depuis les travaux de pionniers comme Edington, Milne et Chandrasekhar, la théorie de la structure stellaire est un domaine plutôt bien compris de l'astrophysique. Elle permet de relier la masse d'une étoile à sa température ainsi qu'à sa luminositéluminosité. Il existe cependant une classe d'objets assez particuliers qui sont des intermédiaires entre les étoiles et les planètes, les naines brunes.
Ces dernières sont trop massives pour être vraiment qualifiées de géantes gazeuses, comme JupiterJupiter, mais elles ne le sont pas assez pour que s'y allument des réactions thermonucléaires, si l'on excepte celle de fusion du deutérium qui se produit peut-être pendant une courte période pour les plus massives d'entre elles.
Cela ne veut pas dire que ces astresastres sont inertes et ne rayonnent pas. Tout comme des proto-étoilesproto-étoiles, ou Jupiter elle-même, elles se contractent lentement et l'énergieénergie gravitationnelle libérée est convertie en chaleurchaleur. Appelé de Kelvin-Helmoltz, du nom des chercheurs du XIXième siècle qui l'avaient initialement proposé pour expliquer la luminosité du SoleilSoleil, ce processus chauffe malgré tout ces dernières qui rayonnent donc, bien que faiblement.
Là encore, les astrophysiciensastrophysiciens ont prédit une relation entre la masse des naines brunesnaines brunes, leur luminosité et leur température de surface. Mesurer ces deux dernières est relativement facile, restait à mesurer la masse.
Comme pour les étoiles normales, cela ne peut se faire que si l'on dispose d'un système binaire. En mesurant la taille et la périodicité de l'orbiteorbite de ce système à deux corps, il devient possible de déterminer la masse des deux étoiles et c'est d'ailleurs ainsi que les astrophysiciens ont pu tester leur théorie de la structure stellaire, l'épine dorsale de l'astrophysique.
2MASS 1534-2952AB, observée en infrarouge, orbitant autour d'une étoile de type solaire à droite. Crédit : Dr. Michael Liu (Institute for Astronomy, University of Hawaii)
La détermination des masses de deux systèmes binairessystèmes binaires de naines brunes, 4 étoiles en tout donc, vient d'être réalisée grâce à plusieurs années d'observations patientes et minutieuses à l'aide du télescopetélescope à optique adaptative KeckKeck II, sur le Mauna Kea à Hawaï.
Limite instrumentale
En effet, les naines brunes étant elles mêmes de petits objets, leurs orbites ne sont pas très grandes non plus et il faut disposer d'un télescope doué d'une résolutionrésolution excellente pour former deux images distinctes de ces astres. Sans l'emploi des techniques d'optique adaptative pour s'affranchir de la turbulenceturbulence de l'atmosphèreatmosphère, cela serait impossible.
En créant une étoile artificielle dans le ciel avec un rayon laserlaser, les astronomesastronomes mesurent en quelque sorte la turbulence de l'atmosphère et un système de vérins pilotés par ordinateurordinateur modifie sans cesse la structure des miroirsmiroirs des télescopes du Keck pour corriger l'image dégradée par la turbulence.
Les deux binaires observées sont les plus froides que l'on connaît. Dans le premiers cas, il s'agit d'étoiles comportant du méthane dans leurs atmosphères et connues sous le nom de 2MASS 1534-2952AB. Sa masse totale est d'environ 30 fois celle de Jupiter, répartie par moitié pour chaque étoile de la binaire, ce qui fait seulement 6% de celle du Soleil.
Dans le second cas, les mesures ont fourni une masse totale de 11 % de celle du Soleil, partagée là aussi de manière égale, et comme on s'y attendait, ces étoiles sont un peu plus chaudes que dans le cas de la première binaire. Ce système est lui connu sous le nom de HD 130948BC et les étoiles le constituant sont plus riches en poussières.
Mais 2MASS 1534-2952AB semble trop froide au regard de sa masse et de sa luminosité, tandis que HD 130948BC est plus chaude que ne le veut la théorie de la structure stellaire.
Cependant, les astrophysiciens retrouvent bien le bon ordre de grandeurordre de grandeur mais leurs prédictions sont suffisamment précises pour que les désaccords observés impliquent une erreur quelque part, mais où ? Dans la théorie ou dans la chaîne de mesures ayant fourni les paramètres de ces astres ? Plus probablement dans la théorie et c'est pourquoi, même si les astronomes vont affiner leurs mesures dans les années à venir, les astrophysiciens, eux, vont réviser leur modèles théoriques.