On n'avait pas vu ça depuis la découverte des quasars. Une extraordinaire source lumineuse se comporte un peu comme une explosion de supernovae sauf qu'elle est plus brillante que toutes ces explosions observées, si l'on excepte certains sursauts gamma, et qu'elle dure bien plus longtemps, en l'occurrence depuis trois ans sous le regard des télescopes de la noosphère. Sa nature fait encore débat.


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    Homo sapiensHomo sapiens constate de temps en temps l'apparition de nouvelles étoiles, ou ce qui semble tel, sur la voûte céleste. Elles ne brillent que quelques mois tout au plus avant de disparaître tout aussi mystérieusement qu'elles étaient apparues. Enfin ça, c'est la description de la perplexité de certains bipèdes carbonés (pour reprendre l'expression d'Arthur Clarke) sur Terre avant les années 1930, quand les astrophysiciensastrophysiciens ont découvert la nature des supernovaesupernovae, comme celle de Kepler ou encore de 1987 dans l’un des nuages de Magellan.

    Presque un siècle plus tard, comme le montre un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society et en accès libre arXiv, une équipe d'astronomesastronomes dirigée par des chercheurs britanniques de l'université de Southampton annonce avoir découvert la plus grande explosion cosmique jamais vue et les astrophysiciens ne sont pas sûrs de savoir ce qui en est la cause, bien qu'ils aient quelques idées à ce sujet.

    Le phénomène, baptisé AT2021lwx, est dix fois plus brillant que dans le cas des supernovae qui avaient été observées avant lui et trois fois plus brillant que celui d'un TidalTidal disruption event (ou TDE), ce qui peut se traduire par « évènement de rupture par effet de marée », qui accompagne la formation des fameuses crêpes stellaires de Jean-Pierre Luminet et Brandon Carter. Dans ce cas-là, on observe une étoile qui est passée trop près d'un trou noir supermassif et qui en subit les conséquences sous l'effet des forces de marée associées à ce genre de béhémoth cosmique.


    Une présentation du TDE désigné par ASASSN-19bt observé par Tess et Swift. ASASSN-19bt (les deux derniers chiffres indiquent l'année, puis les lettres l'ordre des découvertes) a été détecté le 29 janvier 2019 dans le cadre du All Sky Automated Survey for SuperNovae (en français, relevé automatisé sur tout le ciel de supernovae), en abrégé ASAS-SN (prononcé « assassin »). Équipé de télescopes robotiques dans les deux hémisphères, nord et sud, il chasse de nouvelles supernovae en couvrant toute la voûte céleste tous les deux jours. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard

    Un noyau actif de galaxie ?

    AT2021lwx ne détient pas le record de luminositéluminosité, on connaît des sursautssursauts gamma plus brillants, tel GRB 221009A. Mais dans ces cas-là, la libération d'énergieénergie se fait sur un temps très court, seulement une dizaine d'heures, alors que AT2021lwx brille depuis maintenant... trois ans !

    La quantité d'énergie libérée est donc prodigieuse, bien plus que dans le cas des supernovae ordinaires aussi, puisqu'elles ne durent que quelques mois. Ce n'est pas sans rappeler ce qui se passe avec les quasars qui eux aussi libèrent des quantités d'énergie qui apparaissaient comme invraisemblables. Lorsque ces noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies ont été identifiés dans les années 1960, des astrophysiciens et physiciensphysiciens du calibre d'Igor Novikov et Yuval Ne'eman étaient même tellement perplexes devant eux qu'ils ont alors proposé que les quasarsquasars étaient en fait des trous blancs. C'est-à-dire soit des régions de l'UniversUnivers dont l'expansion au moment du Big BangBig Bang avait été retardée (hypothèse des lagging core), soit l'autre extrémité de trous de ver éjectant la matièrematière qu'ils avaient absorbée sous forme de trous noirs dans une autre partie du cosmoscosmos, voire dans un autre Univers.

    Toutefois, et bien qu'ils soient de luminosité variable, les quasars ne s'allument pas comme AT2021lwx et il n'existe pour le moment aucune trace d'un astreastre que l'on pourrait lui associer avant sa découverte par hasard pour la première fois en 2020, dans le cadre du programme d'observation Zwicky Transient Facility. Ce programme utilise depuis 2018 le télescopetélescope Samuel-Oschin de l'observatoire PalomarPalomar situé en Californie, aux États-Unis.

    Une variante d'un TDE ?

    Le ZTF a été conçu pour détecter les objets transitoires dont la luminosité change rapidement, tels que les supernovae, les sursauts gamma et les collisions entre deux étoiles à neutronsétoiles à neutrons, ainsi que les petits corps du Système solaireSystème solaire que sont les comètescomètes et les astéroïdesastéroïdes.

    Ce que nous savons de certain avec AT2021lwx, c'est que nous l'observons tel que ce phénomène se produisait il y a environ 8 milliards d'années. L'équipe qui a fait sa découverte tente toujours de percer le mystère de sa nature avec plusieurs télescopes différents : le Neil Gehrels SwiftSwift Telescope (une collaboration entre la NasaNasa, le Royaume-Uni et l'Italie), le New Technology TelescopeNew Technology Telescope (exploité par l'Observatoire européen austral) au Chili, et le Gran Telescopio CanariasGran Telescopio Canarias à La Palma, Espagne.

    L'hypothèse la plus sérieusement considérée par les astrophysiciens pour le moment serait celle d'une variante du phénomène de TDE avec une étoile. Ce serait alors un immense nuagenuage de gazgaz, contenant peut-être des milliers de massesmasses solaires, qui se serait approché trop près d'un trou noir supermassif. On avait pensé qu'un tel scénario allait se produire avec le trou noir central de la Voie lactéeVoie lactée, mais il n'en fut rien.

    On en saura probablement beaucoup plus dans quelques années... en espérant tout de même que ce soit la pointe émergée de phénomènes beaucoup plus exotiquesexotiques.


    Il y a des années un nuage de gaz appelé G2 est passé non loin du trou noir central de la Voie lactée. Voici ce que pensaient les chercheurs à son sujet au début des années 2010. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». ©ESO, Martin Kornmesser and Luis Calçada.