Ce n'est pas une blague, des simulations numériques savantes concernant la formation des planètes géantes dans le Système solaire et surtout pour des exoplanètes remettent sur le devant de la scène une théorie qui a eu son heure de gloire il y a 50 ans mais donnant maintenant un résultat inattendu : des planètes aussi plates que des Smarties à leur naissance.


au sommaire


    Deux astrophysiciensastrophysiciens de l'University of Central Lancashire (UCLan), Royaume-Uni, viennent de publier un article dans Astronomy and Astrophysics Letters Journal qui va sans doute exciter les platistes, bien évidemment parce qu'ils ne comprendront rien aux arguments scientifiques comme d'habitude. Mais il faut dire que l'article que l'on peut consulter sur arXiv, en accès libre, et qui parle de la simulation de la formation des planètes en utilisant un demi-million d'heures de calcul sur les processeurs de l'installation de calcul haute performance Dirac au Royaume-Uni, explique que certaines planètes se formeraient plates comme des bonbons !

    Dans un communiqué de l'UCLan, l'un des auteurs de l'article, Dimitris Stamatellos, astrophysicien à l'UCLan, y explique en effet qu'avec son collègue Adam Fenton : « Nous étudions la formation des planètes depuis longtemps, mais jamais auparavant nous n'avions pensé à vérifier la forme des planètes au fur et à mesure qu'elles se forment dans les simulations. Nous avions toujours supposé qu'elles étaient sphériques. Nous avons été très surpris qu'il s'agisse de sphéroïdes aplatis, assez semblables à des Smarties ! »

    Un extrait de la simulation de la formation d'une géante gazeuse vue sous deux angles dont l'un qui montre clairement son aplatissement. © University of Central Lancashire
    Un extrait de la simulation de la formation d'une géante gazeuse vue sous deux angles dont l'un qui montre clairement son aplatissement. © University of Central Lancashire

    Le scénario alternatif d'une instabilité gravitationnelle dans le disque protoplanétaire

    Il faut toutefois préciser tout de suite que dans leurs simulations numériquessimulations numériques, ce sont les géantes gazeuses ou de glaces comme Jupiter et Neptune qui pourraient se former ainsi. Les simulations donneraient en fait partiellement raison à un modèle développé de la formation de ces planètes dans le Système solaire, mais surtout en fait de certaines de leurs cousines dans le monde des exoplanètes, modèle qui bien que considéré à nouveau depuis quelque temps n'est pas le modèle dominant - jusqu'à présent - pour expliquer la naissance des planètes géantes.

    Ce scénario alternatif est ancien et il avait même été proposé pendant les années 1970 pour expliquer la formation de toutes les planètes, rocheuses et gazeuses et il était alors en concurrence avec le scénario qui est aujourd'hui dominant. On envisageait alors la naissance des planètes selon le mécanisme d'une instabilité gravitationnelle dans le disque protoplanétaire gazeux et poussiéreux qui entourait alors le SoleilSoleil en formation. Le Soleil s'étant d'ailleurs formé lui-même selon une instabilité similaire dans une portion d'un nuagenuage moléculaire froid et poussiéreux en rotation sous l'effet de la turbulenceturbulence du gazgaz dans ce nuage. Une version moderne du fameux scénario de la nébuleusenébuleuse protosolaire de Kant-Laplace.

    Le saviez-vous ?

    Les modèles analytiques et numériques de la formation des planètes qui dominent la cosmogonie des systèmes planétaires sont issus de la mécanique céleste et de la théorie cinétique des gaz dans le cadre de la théorie de l'accrétion, développée initialement par des chercheurs comme le Russe Viktor Safronov et l'États-unien George Wetherill. Il a en a résulté un scénario de la formation des planètes du Système solaire qui dans ses grandes lignes est accepté aujourd'hui, étant en plus soutenu par les observations concernant de jeunes systèmes planétaires en formation. Une bonne présentation en est donnée dans les vidéos de cet article dont fait partie celle ci-dessous tout en bas. Il existe aussi un excellent ouvrage sur la physique et la chimie du Système solaire que l'on peut consulter.

    Toutefois, ce scénario se ramifie en plusieurs sous-scénarios possibles selon que l'on cherche à comprendre par exemple l'origine des planètes rocheuses ou des géantes gazeuses, de sorte qu'il reste encore du travail à faire pour vraiment comprendre comment les planètes se sont formées. Avec les nouvelles données disponibles, le balancier oscille entre ces sous-scénarios alors qu'ils se précisent.


    Sean Raymond, astrophysicien au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux, nous parle de la formation du Système solaire selon le scénario standard par accrétion de planétésimaux donnant des embryons planétaires. © Ideas in Science

    Dans ce disque, des zones de surdensité se seraient effondrées gravitationnellement en donnant directement des planètes de grande taille qui ne se seraient donc pas construites selon le scénario standard par accrétionaccrétion de planétésimaux donnant des embryonsembryons planétaires, comme l'explique la vidéo ci-dessus.

    Toutefois, des calculs plus poussés avaient montré que la partie interne du disque protoplanétaire, là où se sont formées les planètes rocheusesplanètes rocheuses ne permettait en fait pas à ce mécanisme d'instabilité d'être efficace. Par contre, il pouvait en être autrement dans la partie externe, là où les températures sont plus basses et permettent à de la glace d'exister et où les vitesses de rotationvitesses de rotation des distributions de matièrematière sont plus lentes en raison d'une des lois de Kepler à grande distance du jeune Soleil.

    L'un des problèmes pour expliquer la formation des géantes gazeuses est que l'on sait que le gaz dans un disque protoplanétaire se dissipe en une dizaine de millions d'années tout au plus et il faut donc que les géantes se forment vite, tant qu'il y a assez de gaz disponible. L'avantage du mécanisme de formation par instabilité gravitationnelle est qu'il est extrêmement rapide, de l'ordre de quelques centaines d'années seulement au niveau de l'orbiteorbite de JupiterJupiter par exemple.

    Un autre extrait de la simulation montrant la naissance par effondrement gravitationnel de deux planètes géantes dans le disque protoplanétaire entourant une jeune protoétoile vue par le dessus. © <em>University of Central Lancashire</em>
    Un autre extrait de la simulation montrant la naissance par effondrement gravitationnel de deux planètes géantes dans le disque protoplanétaire entourant une jeune protoétoile vue par le dessus. © University of Central Lancashire

    Quel scénario pour les exoplanètes géantes ?

    Des difficultés l'ont finalement fait abandonner dans le cas du Système solaire, mais la découverte d'exoplanètes géantes très loin de leur étoileétoile hôte l'a remis au goût du jour car on pouvait lever les objections rencontrées dans le cas des géantes du Système solaire. De plus, on ne sait pas les former selon le scénario standard pour les géantes du Système solaire à des distances qui sont parfois à plus de 100 UAUA, de leur soleil.

    Dimitris Stamatellos et Adam Fenton continuent d'améliorer leurs modèles numériquesmodèles numériques pour expliquer la naissance des planètes géantes pour mieux comprendre comment la forme de ces planètes est affectée par l'environnement dans lequel elles se forment et pour déterminer leur composition chimique afin de la comparer avec les futures observations du télescope spatial James-Webb (JWSTJWST). Leurs calculs pourraient aussi donner des prédictions qui pourront être testées depuis que l'observation de jeunes planètes est devenue possible ces dernières années grâce à des instruments tels que l'Atacama Large Millimeter Array (Alma) et le Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT).


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. Mojo : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Quelques rappels concernant le scénario standard de la formation des géantes du Système solaire.

    On a une suite de processus qui commence avec des poussières qui s'agglomèrent donnant des cailloux puis des blocs rocheux dépassant le mètre dans le disque protoplanétaire alors que le Soleil est encore une protoétoileprotoétoile accrétant de la matière. Les blocs vont entrer en collision sous l'effet de la gravitégravité donnant des planétésimaux d'une centaine à un millier de kilomètres  en taille et en fonction des vitesses des rencontres ceux-ci vont se coller ou se fragmenter. Il va se former alors quelques embryons de planètes de mille à dix mille kilomètres de diamètre et qui vont attirer les autres planétésimaux.

    Loin du Soleil, là où la glace peut exister, les poussières initiales sont entourées d'une gangue de glace et en fait il y a beaucoup plus de matière pour former des embryons planétaires qui seront plus gros. Certains pourront atteindre la massemasse de 10 fois celle de la Terre, ce qui va leur permettre de commencer à accréter du gaz. Quand la masse accrétée devient de l'ordre de grandeurordre de grandeur du cœur rocheux et glacé précédent, le processus s'emballe, ce qui permet d'accréter plusieurs dizaines de masses terrestres sous forme de gaz en quelques milliers d'années alors que la formation de l'embryon planétaire avait pris un temps de l'ordre de la centaine de milliers d'années et le processus lent d'accrétion de gaz quelques millions d'années.


    La présentation de la vidéo Mojo : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes par Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat