La physique des astroparticules utilise les astres pour tester des théories issues de la physique des particules et, inversement, utilise la physique des particules connue pour expliquer les astres. Un type exotique de particules de matière noire, éventuellement lié à un monde parallèle, trahit peut-être sa présence sous les yeux de Hubble en chauffant anormalement des filaments intergalactiques de matière normale.
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Il est très difficile de se passer de l'existence de particules dites de matière noirematière noire, car très peu ou pas en mesure d'émettre de la lumière, pour expliquer l'existence des galaxies et bien des caractéristiques des grandes structures qu'elles forment en se rassemblant en amas.
Plusieurs théories ont été proposées au-delà de la physique décrite par le Modèle standard des hautes énergies, modèle spectaculairement vérifié toutefois jusqu'ici au LHCLHC qui s'est montré incapable de produire et de détecter les particules de matière noire prédites par ces théories.
Des expériences de détections directes et indirectes dans les rayons cosmiques se sont également révélées négatives. Mais souvent, elles supposaient que les particules de matière noire étaient lourdes, plus que les protonsprotons et les neutronsneutrons, des baryonsbaryons. C'est pourquoi ces dernières années, les chercheurs explorent plus attentivement les théories avec des particules de matière noire particulièrement légères.
Une présentation de cours de cosmologie niveau master et gratuit de la Sissa. Le simple curieux pourra tout de même en tirer quelques informations. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Sissa
Un groupe international de chercheurs -- dont certains sont par exemple de la célèbre École internationale supérieure d'études avancées (en italien, Scuola Internazionale Superiore di Studi Avanzati, souvent abrégé en Sissa) située à Trieste en Italie ou de l'Université de Tel Aviv -- vient de publier un intéressant article dans Physical Review Letters à ce sujet. Une version en accès libre existe sur arXiv.
Une matière noire parfois lumineuse
Selon ces cosmologistes travaillant donc dans le domaine dit des astroparticulesastroparticules, un certain type de matière noire, qui peut toutefois se convertir parfois en lumière à la façon dont les neutrinos oscillent et se convertissent les uns dans les autres, pointe peut-être le bout de son neznez dans certaines observations concernant les filaments de matière ordinaire intergalactiques, filaments censés aussi contenir de la matière noire.
Ce type de particule de matière noire serait précisément celui où l'on a introduit plusieurs variantes de ce que l'on appelle des photonsphotons noirs. En utilisant le Cosmic Origin Spectrograph (COS), un instrument à bord du télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble, les chercheurs pensent avoir une signature possible de l'existence de ces photons noirs.
En effet, on peut modéliser sur ordinateurordinateur la formation des filaments intergalactiques ainsi que leurs caractéristiques physiques, comme leur température et donc la quantité de lumière qu'ils émettent en réponse.
Dans son cours, Matteo Viel parle précisément de la matière noire au niveau des filaments intergalactiques. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Sissa
Or le compte n'y est pas avec la modélisationmodélisation ordinaire selon Matteo Viel (Sissa). COS montre ainsi que les filaments sont anormalement chauds. Mais tous rentreraient dans l'ordre avec des photons noirs ultra légers et qui peuvent donc, comme on l'a dit, se transformer en photons ordinaires contribuant à chauffer la matière baryonique des filaments intergalactiques.
Mais, contrairement à d'autres mécanismes de chauffage basés sur des processus astrophysiquesastrophysiques classiques, tels que la formation d'étoilesétoiles et de ventsvents galactiques, ce processus de chauffage est plus diffusdiffus et efficace aussi dans les régions peu denses en matière ordinaire.
Il est encore trop tôt pour en conclure que la matière noire existe bien et qu'elle est constituée de photons noirs mais cela donne à penser..., surtout que les photons noirs peuvent s'inscrire dans le cadre de ce que l'on appelle l’hypothétique matière miroir.
Futura avait abordé le sujet en 2014 avec un article dont nous reprenons ici largement le contenu.
Un univers parallèle de particules de matière miroir ?
Commençons par rappeler que les symétries jouent un rôle très profond en physique, particulièrement depuis la découverte des lois de la mécanique quantiquemécanique quantique. Elles ont été un guide sûr pour classer et comprendre les propriétés des particules élémentairesparticules élémentaires. Elles ont même permis de prédire l'existence des quarks et des bosonsbosons W et Z du Modèle standard. Même la notion de brisure de symétrie peut être féconde comme l'illustre très bien la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs. Il existe toutefois des situations où la violation de certaines symétries embarrasse les théoriciens. Pourquoi l'UniversUnivers manque-t-il d'antimatière ? D'où viennent les violations de la symétrie CPviolations de la symétrie CP ?
Plusieurs fois, certaines violations de symétries n'ont été qu'apparentes et furent restaurées en introduisant de nouvelles particules. Dans les années 1930, on avait par exemple découvert des réactions de désintégrations nucléaires qui semblaient violer la conservation de l'énergie, laquelle découle de l'invariance par translationtranslation dans le temps des équationséquations fondamentales de la physique. On pouvait rétablir cette symétrie en postulant l'existence d'une nouvelle particule, comme le fit Pauli avec le neutrino.
Pendant les années 1950, la découverte de la violation de la parité - la symétrie P encore appelée symétrie miroirmiroir - a étonné les chercheurs. Comme l'a expliqué le grand physicien russe Lev Okun, l'hypothèse d'une non-conservation de la parité dans le monde des particules élémentaires avait été suggérée par Richard Feynman lors d'une conférence en 1956 à laquelle assistaient Tsung Dao Lee et Chen Ning Yang. Les deux physiciensphysiciens d'origine chinoise donnèrent quelques mois plus tard une formulation précise de cette violation de la symétrie miroir en montrant de plus qu'elle conduisait à des tests précis. En pratique, cette violation impliquait que, si on réalisait une copie d'un dispositif expérimental obtenu en prenant son image dans un miroir, -- ce qui par exemple change le sens du courant dans une bobine générant un champ magnétiquechamp magnétique --, les résultats des expériences dans ce second dispositif ne seraient pas identiques à ceux des expériences effectuées avec le premier en ce qui concerne les forces nucléaires faiblesforces nucléaires faibles.
Un autre physicien russe, le légendaire Lev Landau, était initialement très sceptique, trouvant absurde l'idée qu'il puisse exister une violation fondamentale d'une symétrie liée à l'espace. Pourtant, des expériences, comme celle réalisée par la physicienne Chien-Shiung WuChien-Shiung Wu, montrèrent que des violations de la symétrie P étaient bien réelles. Cela conduisit Lev Okun et d'autres chercheurs à postuler pendant les années 1960 qu'il existait peut-être un univers de matière en miroir du nôtre, et le côtoyant. Pour maintenir la conservation de la parité, dont la symétrie miroir, il fallait imaginer des copies des forces et des particules de matières connues à l'époque -- les forces électromagnétiques et les forces nucléaires -- mais ne pouvant interagir avec le nôtre que par l'effet de la gravitationgravitation. Il devait donc exister des atomesatomes, des moléculesmolécules et des photons noirs, invisibles en pratique.
Des particules de matière noire dans un univers miroir ?
Cette hypothèse de l'existence d'un monde miroir exigée par les symétries des particules élémentaires a resurgi sous des formes renouvelées pendant les années 1980 et 1990 avec l'essor des théories supersymétriques, en particulier celles des supercordes, et bien sûr, les confirmations de la validité des prédictions du Modèle standard basées sur les fameuses symétries de jauge et les groupes de Lie. C'est aussi à ce moment que les progrès de la cosmologiecosmologie et de l'astrophysique ont donné beaucoup plus de poids à l'hypothèse de la présence de la matière noire dans l'Univers.
La théorie quantique du champ électromagnétiquechamp électromagnétique et des forces nucléaires faibles fait intervenir un groupe de symétrie nommé U(1) pour le photon et un autre nommé SU(2). Comme celle des forces nucléaires fortes fait intervenir le groupe SU(3), on dit souvent que les symétries fondamentales des interactions du modèle standard sont un groupe SU(3)*SU(2)*U(1) qui est le produit des groupes précédents. L'une des théories des supercordesthéories des supercordes les plus prometteuses contient, quant à elle, le produit de deux groupes de Lie identiques, en l'occurrence E8. Comme E8 contient comme sous-groupe SU(3)*SU(2)*U(1), des théoriciens de la cosmologie, comme Kolb et Turner, ont pensé en 1986 que cette copie du Modèle standard pouvait correspondre à l'univers miroir d'Okun et surtout expliquer la présence de la matière noire. On n'a malheureusement pas encore trouvé de preuve de l'existence des particules miroirs qu'il implique.
Pierre Fayet, directeur de recherche CNRS au laboratoire de physique théorique de l’ENS à Paris, est spécialiste de physique théorique des particules. Ses travaux ont notamment porté sur la supersymétrie, l'astrophysique et la cosmologie. Il répond à trois questions sur l’apport des physiciens théoriciens dans la découverte du boson de Higgs. © INP, CNRS
En fait, beaucoup de prolongements du Modèle standard font intervenir un nouveau champ qui possède aussi comme groupe de symétrie U(1) et qui décrit un boson se comportant comme le photon du champ électromagnétique mais avec une massemasse. L'un des pionniers des théories supersymétriques, le Français Pierre Fayet, a développé dès les années 1980 un exemple de théorie de ce nouveau boson dont il pense qu'il est un bon candidat au titre de particule de matière noire. Il est léger et se couple très faiblement à d'autres particules lors d'interactions. Il est désigné alternativement comme le boson U ou le photon noir (dark photon, en anglais).