La sonde Cassini vient de détecter la présence de molécules d'oxygène dans l'exosphère de Dioné, l'un des 62 satellites qui gravitent autour de la planète Saturne.

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Avec un diamètre de 1.123 kilomètres, Dioné est un satellite de Saturne qui en fait le tour en un peu moins de 3 jours, à la même distance que la Lune par rapport à la Terre. C'est un satellite glacé, le plus dense après Titan, sans doute en raison de la présence d'un noyau rocheux sous sa surface. Il se caractérise par ses deux faces distinctes liées à sa rotation synchrone (qui est égale à sa période orbitale). La face avant, tournée vers la planète, est la plus cratérisée, alors que la face arrière plus lisse est traversée de grands filaments clairs. Lorsque ces stries ont été observées pour la première fois par les sondes Voyager dans les années 1980, on a pensé qu'il s'agissait de matériaux éjectés par du cryovolcanisme comme on en observe sur Encelade. Les images de bien meilleure qualité réalisées depuis par la sonde Cassini ont révélé qu'il s'agissait de grandes failles aux parois lumineuses dont l'origine était tectonique.

C'est encore la sonde Cassini, en orbite autour de Saturne depuis l'été 2004 (après avoir quitté la Terre en octobre 1997), dont le spectromètre à plasma Caps (pour CAssini Plasma Spectrometer) a détecté la présence de molécules d'oxygène dans la fine atmosphère de Dioné au cours d'un survol en avril 2010, atmosphère que les scientifiques préfèrent appeler exosphère en raison de sa faible densité (l'équivalent de l'atmosphère terrestre à 480 kilomètres d'altitude).

Le spectromètre Caps qui équipe la sonde Cassini est utilisé pour étudier la composition, la densité, le débit, la vitesse et la température des ions et des électrons dans la magnétosphère de Saturne. © Nasa

Le spectromètre Caps qui équipe la sonde Cassini est utilisé pour étudier la composition, la densité, le débit, la vitesse et la température des ions et des électrons dans la magnétosphère de Saturne. © Nasa

Dioné rejoint Rhéa

Pour Robert Tokar, membre de l'équipe de la mission Cassini au LANL (Los Alamos National Laboratory) et auteur principal de l'article qui relate cette découverte dans la revue Geophysical Research, cette fine pellicule atmosphérique pourrait se former sous l'action du rayonnement solaire ou de particules énergétiques (comme celles générées par le puissant champ magnétique de Saturne) qui viennent bombarder la surface gelée du satellite pour en libérer les molécules d'oxygène. C'est sans doute le même processus à l'origine de la fine atmosphère d'oxygène et de dioxyde de carbone que Cassini avait déjà détecté autour d'un autre satellite de Saturne, Rhéa. Pour l'anecdote Rhéa et Dioné ont d'ailleurs un autre point commun : ces lunes ont toutes les deux été découvertes par Jean-Dominique Cassini (l'astronome français qui a donné son nom à la sonde explorant le monde de Saturne), Rhéa en 1672 et Dioné en 1684.

Notons que la banlieue de Saturne n'est pas le seul endroit du Système solaire où certaines lunes ont une fine atmosphère d'oxygène. C'est également le cas pour deux satellites de Jupiter, Ganymède et Europe, ce qui fait dire à de nombreux chercheurs qu'une chimie complexe impliquant l'oxygène pourrait être tout à fait courante dans le Système solaire, voire dans l'univers. Pour Amanda Hendrix du JPL (Jet Propulsion Laboratory), « les scientifiques n'auraient jamais imaginé que Dioné puisse posséder une exosphère, aussi mince soit-elle. C'est une découverte qui rend désormais ce satellite beaucoup plus intéressant à étudier ». Car sur des satellites possédant de l'eau liquide sous leur surface (une hypothèse qu'on fait régulièrement au sujet de Dioné et Rhéa), on peut imaginer que la présence d'oxygène (et de dioxyde de carbone) offrirait un environnement beaucoup plus favorable au développement d'organismes complexes.