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Un astéroïde venant d'une autre étoile de passage dans notre Système solaire ? Les astronomesastronomes en ont rêvé pendant des décennies ; c'est même une des raisons qui les maintient éveillés la nuit. Alors, le 19 octobre 2017, ce fut comme un coup de tonnerretonnerre dans la communauté : l'un des télescopes Panstarrs, à Hawaï, en repéra un. 1I/2017 U1, surnommé 'OumuamuaOumuamua, entra dans l'histoire en devenant le tout premier astéroïde interstellaire jamais découvert. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre et plusieurs télescopes spatiaux et terrestres bousculèrent leurs programmes pour observer ce « messager venu de loin et arrivé le premier » (traduction de son nom d'origine hawaïenne).
Il est maintenant de plus en plus difficile d'étudier ce visiteur car, après être passé dans les parages du SoleilSoleil (le 9 septembre 2017) et de la Terre (le 14 octobre 2017), il s'éloigne de nous à grande vitessevitesse vers l'espace interstellaire, dans une direction différente de celle d'où il est venu. Il aurait été formidable de pouvoir approcher davantage cet objet (voire d'envisager une mission avec un impacteurimpacteur) mais il aurait fallu alors qu'une sonde soit prête à décoller, et ce, dès juillet, deux à trois mois avant sa découverte. Ce sera peut-être le cas la prochaine fois, avec un autre 'Oumuamua. Les chercheurs sont, quoi qu'il en soit, ravis car ils disposent déjà de suffisamment d'éléments concernant ce visiteur pour en brosser un premier portrait. Cet objet céleste venu d'ailleurs ne manque pas de surprendre et d'intriguer.
Animation de la rotation de ‘Oumuamua. © M. Kornmesser, ESO
De nouveaux rebondissements dans l'affaire ‘Oumuamua
Comme on l'a vu dans les épisodes précédents, 'Oumuamua présente des caractéristiques rarement vues dans notre Système solaire pour un astéroïde. Il est beaucoup plus long que large (environ 200 mètres de longueur) et arbore une couleurcouleur rouge foncé. Celle-ci pourrait être, somme toute, assez normale pour un objet couvert de matièrematière organique et exposé aux rayons cosmiquesrayons cosmiques depuis des millions ou des milliards d'années. Ces trois derniers mois, des études ont proposé que ce corps céleste puisse être un débris d'une planète, ou finalement une comètecomète pleine de glace à l'intérieur et déguisée en astéroïde (dans un tout premier temps, 'Oumuamua était considéré comme une comète et noté C/2017 U1).
Une étude qui vient de paraître dans la revue Nature Astronomy et signée par l'équipe de la Queen's University, à Belfast, pour qui c'est le troisième article sur 'Oumuamua, nous éclaire un peu plus sur le profil de ce visiteur étrange et sur ses origines possibles. En étudiant en détail sa luminositéluminosité, ils ont découvert que 'Oumuamua ne tourne pas sur un seul axe principal comme tous les autres astéroïdes connus. En réalité, il culbute (en anglais, tumbling) et semble hors de contrôle. Une rotation très chaotique qui pourrait « durer encore des milliards ou des centaines de milliards d'années, avant qu'il ne retrouve son calme, c'est-à-dire que les contraintes internes le fassent tourner à nouveau normalement », a expliqué le professeur Wes Fraser. Bien sûr, il est difficile de pouvoir se prononcer sur la cause exacte de ce comportement, mais les chercheurs pensent à une collision du « planétésimal » avec un autre, dans son système d'origine. Un choc si violent qui a pu l'éjecter dans l'espace interstellaire où il erre depuis des millions ou des milliards d'années. (Combien d'autres systèmes solaires a-t-il visités auparavant ? Sommes-nous les premiers sur sa route ?)
Autres faits particuliers : les chercheurs ont établi que l'astreastre cylindrique en forme de concombreconcombre -- c'est ainsi qu'ils le qualifient -- est tacheté sur sa surface. « La majeure partie de la surface se reflète de manière neutre mais l'une de ses faces longues a une grande région rouge, détaille le coauteur de ces recherches. Cela plaide en faveur de larges variations de composition, ce qui est inhabituel pour un si petit corps ». 'Oumuamua ne ressemble décidément pas à ce que nous connaissons dans notre Système solaire.
Vue de la Terre, la trajectoire apparente de ‘Oumuamua dans la voûte céleste. Le visiteur s’éloigne désormais de nous pour toujours, vers l’espace interstellaire, en direction de la constellation de Pégase. © Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0
Combien de ‘Oumuamua dans notre Système solaire ?
Parallèlement à cette étude, un article publié dans Monthly Notices de la Royal Astronomical Society s'interroge sur le nombre d'astéroïdes interstellaires qui pourraient se balader dans notre Système solaire, soit en visiteurs de passage, soit qui seraient retenus prisonniers. Car oui, ils pourraient être nombreux à s'être mélangés à la population locale d'astéroïdes et de comètes et se confondre (ou presque) avec eux.
Pour tenter de le savoir, Carlos de la Fuente Marcos et son équipe ont enquêté sur 339 corps célestes aux orbitesorbites hyperboliques en simulant leurs trajectoires pour les 100.000 ans écoulés. Ils ont identifié ainsi une dizaine de candidats intéressants parmi lesquels la fameuse comète Ison. Venaient-ils vraiment d'un autre système planétaire ? Ou bien ont-ils été délogés et bousculés des confins du Système solaire, il y a quelque 70.000 ans, lors du passage d'une étoile dans le voisinage du Soleil ? Pour le savoir, il faut continuer les recherches et en débusquer d'autres car nous ne reverrons plus ces derniers -- ils ont été détruits (comète Ison) ou se sont enfuis dans l'espace interstellaire...
En trouver d'autres, cela devrait être de plus en plus facile dans un futur proche, via Panstarrs et le LSSTLSST, d'autant que, si l'on en croit Manasvi Lingam et Avi Loeb, dans leur étude publiée sur Arxiv, il devrait y avoir des milliers de 'Oumuamua dans notre Système solaire... Ils sont parmi nous ! Pour les chercheurs du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, les interactions gravitationnelles du Soleil et de JupiterJupiter agiraient en effet comme un véritable « filet de pêchepêche ». Alors, imaginez combien ont déjà été pris dans leurs filets depuis 4,5 milliards d'années.