Il y a environ 11 milliards d'années une petite galaxie serait entrée en collision avec la Voie lactée. D'après les données de l'Event Horizon Telescope, cette collision aurait injecté dans notre Galaxie un trou noir supermassif qui serait entré en collision quelques milliards d'années plus tard avec celui qui existait déjà au cœur de celle-ci.


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    Il y a presque 60 ans, le mathématicienmathématicien néo-zélandais Roy Patrick Kerr réalisait un tour de force en trouvant une nouvelle solution exacte aux équations de la relativité générale, ce qui est un problème notoirement difficile à cause de la complexité des équations de la théorie de la gravitation d'EinsteinEinstein qui sont non linéaires, comme le disent les scientifiques dans leur jargon.

    Il s'est avéré rapidement qu'elle décrivait un trou noir en rotation et on a montré ensuite qu'elle était la seule solution de ce type possible. Quelques années après la découverte de Kerr, Roger Penrose allait démontrer un théorème qui contribuera à lui faire recevoir le prix Nobel de physique, à savoir un théorème montrant que les trous noirs de la relativité générale devaient se former avec une singularité de l'espace-tempsespace-temps centrale. Il y a peu de temps, Kerr avait publié une critique de ce théorème qui s'est finalement fait réfuter par Penrose et d'autres spécialistes de la relativité générale comme Abhay Ashtekar.


    Le mathématicien Roy Kerr, qui a découvert la solution des équations d'Einstein décrivant des trous noirs en rotation, nous explique la saga de la théorie des trous noirs, avec les problèmes de singularité associés, et sa découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Vetenskapsakademien

    Des trous noirs de Kerr derrière les noyaux actifs de galaxies

    La théorie du trou noir de Kerrtrou noir de Kerr peut donner lieu à des calculs monstrueux, comme on peut le voir dans la monographie monumentale consacrée à la théorie mathématique des trous noirs et que l'on doit à un autre prix Nobel de physique, Subrahmanyan ChandrasekharSubrahmanyan Chandrasekhar.

    D'autres calculs sur ordinateurordinateur ont permis de montrer que certains des signaux sous forme d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles détectées sur Terre par LigoLigo et VirgoVirgo correspondaient bien à ce que prévoyaient ces calculs pour des collisions entre des trous noirs décrits par la solution de Kerr. Mais il s'agit de trous noirs de quelques dizaines de massesmasses solaires tout au plus et dont beaucoup doivent s'être formés par effondrementeffondrement gravitationnel d'une étoileétoile massive en fin de vie, donnant par exemple un collapasar.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs. © Fondation Hugot du Collège de France

    On a de bonnes raisons de penser que derrière tous les noyaux actifs de galaxies se trouvent des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs de Kerr, contenant eux de un million à plusieurs milliards de masses solaires, renfermant encore bien des mystères. En fait, dans tous les cas, nous sommes raisonnablement sûrs qu'il s'agit de trous noirs, mais le dernier mot à ce sujet n'est pas encore dit. L’étude des ondes gravitationnelles avec la mission Lisa dans l’espace pourrait nous apprendre qu'il s'agit de boules de supercordes ou au contraire vérifier que l'on est bien en présence de vrais trous noirs - peut-être pas décrits complètement par la théorie relativiste de la gravitation d'Einstein, mais par une autre théorie relativiste comme celle de la relativité intriquée.

    L'une des grandes énigmes de ces trous noirs supposés est celle de leur origine et plusieurs scénarios ont été proposés. Parmi les processus qui peuvent les faire grandir à partir de trous noirs plus légers, on trouve le paradigme des courants froids alimentant la croissance des galaxies et des trous noirs géants qu'elles contiennent en matièrematière et celui de fusionfusion de deux galaxiesgalaxies contenant déjà des trous noirs.

    C'est ce dernier scénario qui vient d'être conforté au moins dans le cas du trou noir supermassif au centre de notre Galaxie, la Voie lactéeVoie lactée, connu sous le nom de Sagittarius A*Sagittarius A* (Sgr A*)).

    Une longue présentation de la découverte faite avec l'Event Horizon Telescope en 2019. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    Un trou noir qui ne tourne pas comme les étoiles de la Voie lactée

    Des chercheurs du Nevada Center for Astrophysics (NCfA) de l'UNLV (University of Nevada, Las VegasVegas) aux États-Unis pensent avoir découvert des preuves convaincantes suggérant que ce trou noir est probablement le résultat d'une fusion cosmique passée, comme ils l'expliquent dans un article publié tout récemment dans la revue Nature Astronomy et dont une version en accès libre se trouve sur arXiv. Ce travail s'appuie sur des observations récentes de Sgr A*, faites avec le fameux Event Horizon Telescope (EHT) qui avait déjà livré auparavant en 2019 des images d'un autre trou noir supermassif : M87*M87*. Dans les deux cas, on obtient ce qui semble être l'ombre de l'horizon des événementshorizon des événements de ces trous noirs en combinant des observations de radiotélescopesradiotélescopes répartis sur la Terre et qui donne un équivalent virtuel d'un instrument de la taille de notre Planète bleue et pour cette raison capable de faire des observations avec une résolutionrésolution record (dans le visible, cela reviendrait à observer un doughnut à la surface de la LuneLune depuis la Terre).

    Yihan Wang et Bing Zhang ont essayé de reproduire des caractéristiques du trou noir de la Voie lactée impliquées par l'étude de son image. Il semble en rotation très rapide, avec un moment cinétiquemoment cinétique et donc un spinspin. Surtout, son axe de rotation et donc son moment cinétique n'est pas perpendiculaire au plan galactique dans lequel tournent les étoiles de la Voie lactée (rappelons que le trou noir central n'est pas responsable de la rotation des étoiles autour de lui, il est bien trop léger pour cela, il est simplement au cœur de notre Galaxie).

    Pour les reproduire, des simulations ont été effectuées et celles qui expliquent le mieux les données de l'EHT sont celles qui font intervenir une fusion entre deux trous noirs supermassifs il y a plusieurs milliards d'années.

    Le trou noir de Gaia-Encelade avalé par celui de la Voie lactée

    « Cette découverte ouvre la voie à notre compréhension de la façon dont les trous noirs supermassifs se développent et évoluent. Le spin élevé et désaligné de Sgr A* indique qu'il a peut-être fusionné avec un autre trou noir, modifiant considérablement son amplitude et l'orientation de son spin »,  déclare Wang, auteur principal de l'étude et chercheur postdoctoral NCfA à l'UNLV dans un communiqué de l'université.

    « Cette fusion s'est probablement produite il y a environ 9 milliards d'années, après la fusion de la Voie lactée avec la galaxie GaiaGaia-EnceladeEncelade. Cet événement fournit non seulement la preuve de la théorie de la fusion hiérarchique des trous noirs, mais donne également un aperçu de l'histoire dynamique de notre Galaxie », ajoute son collègue Zhang, professeur distingué de physique et d'astronomie à l'UNLV et directeur fondateur du NCfA.

    Il y a plusieurs années, l'exploitation des données astrométriques de la mission Gaia de l'ESAESA avait suggéré qu'il y a environ 11 milliards d'années, une petite galaxie naine, baptisée Gaia-Encelade, aurait fusionné avec l’ancêtre de la Voie lactée qui était alors quatre fois plus massive que Gaia-Encelade, mais pas encore autant que notre Galaxie aujourd'hui. On retrouve ce rapport de masse entre le trou noir supermassif le plus petit présent initialement dans Gaia-Encelade et celui initialement présent dans la Voie lactée, plus massif, dans les simulations conduites par les deux chercheurs de l'UNLV.