Deux fois plus petit que Pluton, Charon arbore à sa surface une balafre quatre fois plus grande que notre Grand Canyon sur Terre. Pour les scientifiques de la mission New Horizons, l’astre était trop à l’étroit quand son océan interne a gelé. Son écorce se serait alors déchirée, comme la chemise de l'incroyable Hulk.

En juillet 2015, les Terriens voyaient enfin les vrais visages de Pluton et Charon, découverts pour le premier en 1930 et le second en 1978. Ce système binaire est situé dans les confins du Système solaire, à près de 5 milliards de kilomètres du Soleil, au-delà de la huitième planète Neptune. C'est donc après plus de neuf ans de voyage que le 14 juillet 2015, New Horizons accomplit une visite historique d'environ 24 heures à la planète naine et ses satellites. Sept mois plus tard, les données glanées ce jour-là par les instruments de la sonde spatiale continuent d'affluer.

En septembre dernier, on put admirer Charon en très haute résolution, du moins l'une de ses faces seulement. Deux fois plus petit que Pluton (1.214 km de diamètre) avec lequel il est synchronisé, l'astre apparaît tout cabossé, notamment au niveau de son équateur. Pour expliquer cette échancrure longue d'au moins 1.800 kilomètres et profonde par endroit de 7,5 kilomètres, certains chercheurs de la mission émirent l'hypothèse que cette fracture soit le produit d'un océan interne qui aurait gelé.

Détail de <em>Serinty Chasma</em>, longue faille de 1.800 km, quatre fois plus grande que notre Grand Canyon. L’image du haut dans l’encart couvre une portion de 286 sur 175 km. La résolution est de 394 m par pixel. L’image a été prise le 14 juillet 2015 à 78.700 kilomètres de la surface de Charon, 40 minutes avant que New Horizons ne soit au plus près de Pluton, à 12.500 km. En dessous, les couleurs indiquent les différentes élévations en miles. © Nasa, JHUAPL, SwRI

Détail de Serinty Chasma, longue faille de 1.800 km, quatre fois plus grande que notre Grand Canyon. L’image du haut dans l’encart couvre une portion de 286 sur 175 km. La résolution est de 394 m par pixel. L’image a été prise le 14 juillet 2015 à 78.700 kilomètres de la surface de Charon, 40 minutes avant que New Horizons ne soit au plus près de Pluton, à 12.500 km. En dessous, les couleurs indiquent les différentes élévations en miles. © Nasa, JHUAPL, SwRI

Charon ne rentrait plus dans ses vêtements d’origine

À partir d'images plus détaillées d'une portion de ce long canyon, prises par le télescope Lorri (Long-Range Reconnaissance Imager) de la sonde, à quelque 78.700 kilomètres de la surface de Charon, et transmises récemment, l'équipe scientifique estime qu'à l'intérieur de cette faille, l'eau a pu être partiellement liquide avant d'être recongelée. Cela doit être très ancien, remonter probablement aux origines de cette lune, lorsque son noyau était encore chaud après l'accrétion des planétésimaux et la contribution de la désintégration de ses ingrédients radioactifs.

L'océan qui préexistait a pu générer en se refroidissant cet important réseau de faille qui court tout le long de son équateur. Prenant plus de place une fois gelée, l'eau aurait soulevé et déchiré l'écorce de l'astre comme si elle était devenue trop étroite. Pour illustrer son propos, la Nasa évoque d'ailleurs dans son communiqué « la chemise de Bruce Banner qui se déchire quand il devient l'incroyable Hulk ! »