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Au centre gravitationnel de la Voie Lactée siège un trou noir supermassif, dénommé Sgr A*Sgr A*, dont la masse est maintenant estimée à quatre millions de fois celle du Soleil. Dans un rayon de quelques années-lumière (1 parsecparsec) autour de celui-ci orbiteorbite un amas d'étoilesétoiles formé par une concentration exceptionnelle d'une vingtaine d'étoiles chaudes et très massives. À leur formation, il y a quelques millions d'années, ces étoiles avaient une masse de plus de 100 fois celle du Soleil. Elles ont depuis perdu l'essentiel de cette masse et sont maintenant sur le point d'exploser en supernovasupernova (étoiles dites de Wolf-Rayet). Leur grande luminositéluminosité dans l'ultravioletultraviolet est responsable de l'ionisationionisation du gazgaz également entraîné par l'attraction du trou noir central. Ce gaz ionisé, identifié sous le nom de région Sgr A Ouest, est communément dénommé "Minispirale" à cause de sa forme où l'on distingue trois "bras" spiraux, les Bras Nord et Est (voir figure) et l'Arc Ouest (hors champ) ainsi qu'une "Barre" centrale.
Cette Minispirale a été observée à l'aide d'un spectro-imageur infrarougeinfrarouge, type d'instrument donnant une image du champ à chaque longueur d'ondelongueur d'onde. Si cette longueur d'onde correspond à la raie d'une espèce chimiqueespèce chimique on obtient ainsi la répartition de cet atomeatome dans le champ observé. En même temps, en chaque point du champ (chaque pixelpixel du détecteur) on accède au spectrespectre de la source présente à cette position. L'image présentée a été obtenue avec le spectro-imageur surnommé BEAR sur le TélescopeTélescope Canada-France-Hawaï, dans une seule raie, la raie Brackett gamma de l'hydrogènehydrogène ionisé à 2,16 µm, découpée en environ 500 plans. Cette "haute résolutionrésolution" permet de mettre en évidence les variations locales de vitessevitesse (effet Dopplereffet Doppler) de l'hydrogène, constituant majeur de la Minispirale, donc d'accéder à sa cinématique. La question qui se posait lors de ces observations était de déterminer la structure réelle de cette "spirale" apparente et, à partir de là, son origine.
L'image présentée est issue de ces données à l'aide d'un traitement tel que ses couleurscouleurs traduisent effectivement des décalages vers le rougedécalages vers le rouge ou vers le bleu. Le gaz en rouge s'éloigne de l'observateur à une vitesse extrême de 350 km/s, tandis que les régions en violet se rapprochent de nous à 350 km/s. Cette correspondance couleur/vitesse est indiquée sur le spectre extrait au pixel encadré en blanc et noir sur l'image. Sur ce spectre, on voit nettement trois raies. Elles s'interprètent par la présence de trois nuagesnuages de gaz superposés sur la ligne de visée ayant des vitesses radiales différentes. La raie principale, à droite, correspond à l'extrémité de la structure rouge et jaune, le Bras Est (310 km/s). La raie la plus à gauche (environ -60 km/s) correspond à la structure nommée Bras Nord, en vert bleu et violet. La troisième composante, autour de 100 km/s, est une nouvelle structure, que notre étude a permis de découvrir, le Pont Est. Cette structure est visible sur la seconde image ci-dessous en vert entre le Bras Est en jaune et rouge et le Bras Nord en bleu et violet. L'échelle de vitesse d'éloignement sur cette seconde image va de 0 km/s (en violet) à 200 km/s (en rouge).
Une décomposition de chaque spectre, pixel par pixel, en une somme de raies simples, a permis de décomposer l'ensemble de la Minispirale en neuf structures distinctes, dont plusieurs identifiées pour la première fois, et d'extraire pour chacune la carte correspondante de vitesse radiale. L'absorptionabsorption partielle de certaines de ces structures par d'autres a permis de les placer les unes par rapport aux autres sur la ligne de visée. Un modèle cinématique a été ajusté sur la carte de vitesse du Bras Nord, donnant notamment accès à sa morphologiemorphologie complète en trois dimensions. Ces structures représentent la surface ionisée de nuages de gaz entraînés dans le formidable champ gravitationnel du trou noir central. Le centre de notre GalaxieGalaxie offre la possibilité unique d'étudier en détail l'interaction du trou noir, qui semble être présent au centre de chaque galaxie, avec son environnement.
Cette analyse de la Minispirale est la plus fine et la plus complète à ce jour. C'est en particulier la première fois que des informations précises sur la vitesse et sur la structure tridimensionnelle de l'objet deviennent accessibles. Une analyse aussi fine n'a été possible que grâce à la haute résolution spectrale (~20 km/s) et bonne résolution spatiale (~0,5 secondes d'arcsecondes d'arc) de l'instrument BEAR. Cette étude fait partie du travail de thèse de Thibaut Paumard, sous la direction du Dr. Jean-Pierre Maillard, en collaboration avec le Pr. Mark Morris. Elle sera publiée prochainement dans le journal européen Astronomy & Astrophysics.