L’ESA vient de révéler les derniers résultats obtenus par le satellite Euclid avec, comme elle l’explique, des images quatre fois plus nettes que celles que nous pouvons prendre avec des télescopes au sol, couvrant de vastes zones du ciel à une profondeur inégalée en utilisant à la fois la lumière visible et infrarouge. C’est de bon augure pour cette mission dont on attend qu’elle aide à répondre aux plus grandes questions ouvertes en cosmologie, notamment celles concernant la nature de l’énergie et de la matière noires.


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    Les années 1990 ont vu arriver l'ère de la précision en cosmologie avec la constitution du modèle de concordance (ainsi nommé car plusieurs techniques de mesures indépendantes aboutissaient à des résultats concordants) que nous appelons aujourd'hui le modèle cosmologique standard. Il suppose l'existence de particules de matière noirematière noire, nécessaires pour expliquer aujourd'hui l'existence des galaxies, et d'une mystérieuse énergie noire accélérant l'expansion du cosmoscosmos observable depuis environ 5 milliards d'années.

    Mais malgré deux décennies de recherches, notamment avec des expériences comme AMS ou le LHC, la nature de la matière noire se dérobe toujours à nous (en supposant qu'elle existe et qu'il ne faut pas faire intervenir l'alternative qu'est la théorie Mond) et nous ne comprenons toujours pas non plus celle de l'énergie noire qui doit déterminer le destin du cosmos observable, et donc le nôtre dans un futur lointain. 


    La mission Euclid a pour ambition de cartographier la structure à grande échelle de l’Univers et de nous aider à comprendre deux de ses mystérieux composants : la matière noire et l’énergie noire. Elle a nécessité une collaboration internationale impliquant plus de 300 organismes dont le CEA et plus de 1 500 chercheurs de 15 pays, depuis plus de 10 ans. Écoutez les enjeux de la mission avec David Elbaz, astrophysicien au CEA. © CEA

    La noosphère s'est donc dotée de nouveaux outils pour percer ces mystères et c'est notamment ce qu'a fait l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) en lançant la mission spatiale EuclidEuclid le 1er juillet 2023. Dans la vidéo ci-dessus, David Elbaz, astrophysicienastrophysicien au CEA, donne quelques précisions à ce sujet en expliquant entre autres que l'on va utiliser l'effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle.

    Il y a presque  six mois, les membres de la collaboration Euclid avaient fourni cinq premières images spectaculaires déjà obtenues par le satellite, ce qui nous avait donné l'occasion de faire une interview du cosmologiste Alain Blanchard. Aujourd'hui, ce sont cinq images de plus, qu'accompagnent également sur arXiv une salve d’articles scientifiques sur l’état et les premiers résultats de la mission Euclid ainsi que de communiqués de presse.


    Un mois après le lancement d’Euclid, l’agence spatiale européenne (ESA), en collaboration avec le consortium Euclid dévoile les premières observations capturées par le satellite qui termine sa collecte en vol. Il s’agit d’un premier pas pour le satellite, conçu pour percer les secrets de la matière noire et de l’énergie noire. Jean-Charles Cuillandre, astronome au CEA, décrypte et commente ces premiers portraits de l'Univers réalisés par Euclid. Des images uniques qui démontrent les performances exceptionnelles du satellite pour sa mission cosmologique. © CEA

    Les résultats que nous observons avec Euclid sont sans précédent !

    Dans l'un d'entre eux, Valeria Pettorino, une des principales scientifiques de la mission Euclid, commente ces derniers résultats en ces termes : « Euclid est une mission unique et révolutionnaire, et ce sont les premiers ensembles de données à être rendus publics - c'est une étape importante. Les images et les découvertes scientifiques associées sont d'une diversité impressionnante en matière d'objets et de distances observés. Ils incluent une variété d'applicationsapplications scientifiques et ne représentent pourtant que 24 heures d'observations. Ils ne donnent qu'un aperçu de ce qu'Euclid peut faire. Nous attendons avec impatience six années supplémentaires de données à venir ! Ce télescope spatialtélescope spatial entend répondre aux plus grandes questions ouvertes en cosmologie. Et ces premières observations démontrent clairement qu'Euclid est plus qu'à la hauteur de la tâche ».


    Le satellite Euclid a été lancé le 1er juillet 2023 sur une fusée Falcon9, le CEA vous présente son implication dans ce projet exceptionnel. Grâce à Euclid et ses deux instruments VIS et NISP, la communauté internationale espère préciser la nature de la matière noire et l’énergie noire. À travers une série de vidéos, des acteurs de la mission vous présentent leur travail, leurs attentes et leurs sentiments ! Écoutez le témoignage de Valéria Pettorino, astrophysicienne au CEA qui participe au projet Euclid depuis 16 ans. © CEA

    Carole Mundell, la directrice scientifique de l'ESA, n'est pas en reste puisqu'elle déclare : « Il n'est pas exagéré de dire que les résultats que nous observons avec Euclid sont sans précédent. Les premières images d'Euclid, publiées en novembre, ont clairement illustré le vaste potentiel du télescope pour explorer l'UniversUnivers sombre, et cette deuxième série n'est pas différente. La beauté d'Euclid est qu'il couvre de grandes régions du ciel avec beaucoup de détails et de profondeur, et qu'il peut capturer un large éventail d'objets différents dans la même image - du plus faible au plus brillant, du plus lointain au plus proche, du plus massif des objets (des amas de galaxiesamas de galaxies) aux petites planètespetites planètes. Nous obtenons à la fois une vue très détaillée et très large. Cette étonnante polyvalence a donné lieu à de nombreux nouveaux résultats scientifiques qui, combinés aux résultats des études d'Euclid au cours des prochaines années, modifieront considérablement notre compréhension de l'Univers ».

    Découvrons maintenant les nouvelles images d'Euclid !

     

     

    Cette image à couper le souffle présente Messier 78, une pépinière d'étoiles vibrante enveloppée de poussière interstellaire. Euclid a scruté profondément cette pépinière à l'aide de sa caméra infrarouge, exposant pour la première fois les régions cachées de la formation d'étoiles, cartographiant ses filaments complexes de gaz et de poussière avec des détails sans précédent et découvrant des étoiles et des planètes nouvellement formées. Les instruments d’Euclid peuvent détecter des objets d’une masse à peine supérieure à celle de Jupiter, et ses « yeux » infrarouges révèlent plus de 300 000 nouveaux objets dans ce seul champ de vision. Les scientifiques utilisent cet ensemble de données pour étudier la quantité et le ratio d’étoiles et d’objets plus petits (sous-stellaires) trouvés ici – un élément clé pour comprendre la dynamique de la formation et de l’évolution des populations d’étoiles au fil du temps. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA. 
    Cette image à couper le souffle présente Messier 78, une pépinière d'étoiles vibrante enveloppée de poussière interstellaire. Euclid a scruté profondément cette pépinière à l'aide de sa caméra infrarouge, exposant pour la première fois les régions cachées de la formation d'étoiles, cartographiant ses filaments complexes de gaz et de poussière avec des détails sans précédent et découvrant des étoiles et des planètes nouvellement formées. Les instruments d’Euclid peuvent détecter des objets d’une masse à peine supérieure à celle de Jupiter, et ses « yeux » infrarouges révèlent plus de 300 000 nouveaux objets dans ce seul champ de vision. Les scientifiques utilisent cet ensemble de données pour étudier la quantité et le ratio d’étoiles et d’objets plus petits (sous-stellaires) trouvés ici – un élément clé pour comprendre la dynamique de la formation et de l’évolution des populations d’étoiles au fil du temps. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA. 

     

    Ici, Euclid capture des galaxies évoluant et fusionnant « en action » dans le groupe de galaxies de la Dorade, avec de magnifiques queues de marée et coquilles résultant d'interactions en cours. Les scientifiques utilisent cet ensemble de données pour étudier l’évolution des galaxies, améliorer nos modèles de l’histoire cosmique et comprendre comment les galaxies se forment au sein de halos de matière noire. Cette image montre la polyvalence d’Euclid : un large éventail de galaxies est visible ici, de très brillantes à très faibles. Grâce à la combinaison unique d’Euclid d’un grand champ de vision, d’une profondeur remarquable et d’une haute résolution spatiale, il peut capturer des caractéristiques minuscules (amas d’étoiles), plus larges (noyaux de galaxies) et étendues (queues de marée), le tout dans une seule image. Les scientifiques recherchent également des amas d’étoiles individuels éloignés, appelés amas globulaires, pour retracer leur histoire et leur dynamique galactiques. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA
    Ici, Euclid capture des galaxies évoluant et fusionnant « en action » dans le groupe de galaxies de la Dorade, avec de magnifiques queues de marée et coquilles résultant d'interactions en cours. Les scientifiques utilisent cet ensemble de données pour étudier l’évolution des galaxies, améliorer nos modèles de l’histoire cosmique et comprendre comment les galaxies se forment au sein de halos de matière noire. Cette image montre la polyvalence d’Euclid : un large éventail de galaxies est visible ici, de très brillantes à très faibles. Grâce à la combinaison unique d’Euclid d’un grand champ de vision, d’une profondeur remarquable et d’une haute résolution spatiale, il peut capturer des caractéristiques minuscules (amas d’étoiles), plus larges (noyaux de galaxies) et étendues (queues de marée), le tout dans une seule image. Les scientifiques recherchent également des amas d’étoiles individuels éloignés, appelés amas globulaires, pour retracer leur histoire et leur dynamique galactiques. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA

     

     

    Dans cette image, Euclid présente NGC 6744, un archétype du type de galaxie qui forme actuellement la plupart des étoiles de l'Univers local. Le grand champ de vision d’Euclid couvre la galaxie entière, capturant non seulement la structure spirale à plus grande échelle, mais également des détails exquis à petite échelle spatiale. Cela inclut des bandes de poussière ressemblant à des plumes émergeant comme des « éperons » des bras en spirale, montrées ici avec une incroyable clarté. Les scientifiques utilisent cet ensemble de données pour comprendre comment la poussière et les gaz sont liés à la formation des étoiles ; cartographier la répartition des différentes populations d'étoiles dans les galaxies et les endroits où les étoiles se forment actuellement ; et découvrir la physique derrière la structure des galaxies spirales, quelque chose qui n'est toujours pas entièrement compris après des décennies d'étude. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO
    Dans cette image, Euclid présente NGC 6744, un archétype du type de galaxie qui forme actuellement la plupart des étoiles de l'Univers local. Le grand champ de vision d’Euclid couvre la galaxie entière, capturant non seulement la structure spirale à plus grande échelle, mais également des détails exquis à petite échelle spatiale. Cela inclut des bandes de poussière ressemblant à des plumes émergeant comme des « éperons » des bras en spirale, montrées ici avec une incroyable clarté. Les scientifiques utilisent cet ensemble de données pour comprendre comment la poussière et les gaz sont liés à la formation des étoiles ; cartographier la répartition des différentes populations d'étoiles dans les galaxies et les endroits où les étoiles se forment actuellement ; et découvrir la physique derrière la structure des galaxies spirales, quelque chose qui n'est toujours pas entièrement compris après des décennies d'étude. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO

     

     
    Cette vue montre l'amas de galaxies Abell 2764 (en haut à droite), qui comprend des centaines de galaxies au sein d'un vaste halo de matière noire. Euclid capture de nombreux objets dans cette partie du ciel, notamment des galaxies d'arrière-plan, des amas plus éloignés et des galaxies en interaction projetant des courants et des coquilles d'étoiles. Cette vue complète d’Abell 2764 et de ses environs – obtenue grâce au champ de vision incroyablement large d’Euclid – permet aux scientifiques de déterminer le rayon de l’amas et de voir sa périphérie avec des galaxies lointaines toujours dans le cadre. Les observations d’Euclid sur Abell 2764 permettent également aux scientifiques d’explorer davantage les galaxies des âges sombres cosmiques lointains, comme avec Abell 2390. On voit également ici une étoile très brillante au premier plan qui se trouve dans notre propre galaxie (<em>Beta Phoenicis</em>, une étoile de l’hémisphère sud suffisamment brillante pour être vue par l’œil humain). Lorsque nous regardons une étoile à travers un télescope, sa lumière est diffusée vers l’extérieur dans un halo circulaire diffus en raison de l’optique du télescope. Euclid a été conçu pour rendre cette dispersion aussi petite que possible. En conséquence, l’étoile provoque peu de perturbations, ce qui nous permet de capturer de faibles galaxies lointaines proches de la ligne de mire sans être aveuglés par la luminosité de l’étoile. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA
    Cette vue montre l'amas de galaxies Abell 2764 (en haut à droite), qui comprend des centaines de galaxies au sein d'un vaste halo de matière noire. Euclid capture de nombreux objets dans cette partie du ciel, notamment des galaxies d'arrière-plan, des amas plus éloignés et des galaxies en interaction projetant des courants et des coquilles d'étoiles. Cette vue complète d’Abell 2764 et de ses environs – obtenue grâce au champ de vision incroyablement large d’Euclid – permet aux scientifiques de déterminer le rayon de l’amas et de voir sa périphérie avec des galaxies lointaines toujours dans le cadre. Les observations d’Euclid sur Abell 2764 permettent également aux scientifiques d’explorer davantage les galaxies des âges sombres cosmiques lointains, comme avec Abell 2390. On voit également ici une étoile très brillante au premier plan qui se trouve dans notre propre galaxie (Beta Phoenicis, une étoile de l’hémisphère sud suffisamment brillante pour être vue par l’œil humain). Lorsque nous regardons une étoile à travers un télescope, sa lumière est diffusée vers l’extérieur dans un halo circulaire diffus en raison de l’optique du télescope. Euclid a été conçu pour rendre cette dispersion aussi petite que possible. En conséquence, l’étoile provoque peu de perturbations, ce qui nous permet de capturer de faibles galaxies lointaines proches de la ligne de mire sans être aveuglés par la luminosité de l’étoile. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA

     

     

     

    L’image d’Euclid de l’amas de galaxies Abell 2390 révèle environ 50 000 galaxies et montre un magnifique spectacle de lentilles gravitationnelles, représentant des arcs courbes géants dans le ciel – dont certains sont en réalité des vues multiples du même objet distant. Euclid utilisera l'effet de lentille (la lumière qui nous parvient depuis des galaxies lointaines est courbée et déformée par la gravité) comme technique clé pour explorer l'Univers sombre, mesurant indirectement la quantité et la répartition de la matière noire dans les amas de galaxies et ailleurs. Les scientifiques d'Euclid étudient également l'évolution de la masse et du nombre des amas de galaxies dans le ciel au fil du temps, révélant ainsi davantage d'informations sur l'histoire et l'évolution de l'Univers. Un zoom sur la vue d'Euclid d'Abell 2390 montrerait la lumière imprégnant l'amas provenant d'étoiles qui ont été arrachées à leurs galaxies mères et qui se trouvent dans l'espace intergalactique. L’observation de cette « lumière intra-amas » est une spécialité d’Euclid, et ces orphelines stellaires pourraient nous permettre de « voir » où se trouve la matière noire. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA
    L’image d’Euclid de l’amas de galaxies Abell 2390 révèle environ 50 000 galaxies et montre un magnifique spectacle de lentilles gravitationnelles, représentant des arcs courbes géants dans le ciel – dont certains sont en réalité des vues multiples du même objet distant. Euclid utilisera l'effet de lentille (la lumière qui nous parvient depuis des galaxies lointaines est courbée et déformée par la gravité) comme technique clé pour explorer l'Univers sombre, mesurant indirectement la quantité et la répartition de la matière noire dans les amas de galaxies et ailleurs. Les scientifiques d'Euclid étudient également l'évolution de la masse et du nombre des amas de galaxies dans le ciel au fil du temps, révélant ainsi davantage d'informations sur l'histoire et l'évolution de l'Univers. Un zoom sur la vue d'Euclid d'Abell 2390 montrerait la lumière imprégnant l'amas provenant d'étoiles qui ont été arrachées à leurs galaxies mères et qui se trouvent dans l'espace intergalactique. L’observation de cette « lumière intra-amas » est une spécialité d’Euclid, et ces orphelines stellaires pourraient nous permettre de « voir » où se trouve la matière noire. © ESA/Euclid/Euclid Consortium/Nasa, traitement d'images par J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi ; Licence standard CC BY-SA 3.0 IGO ou ESA