Les roches des missions Apollo ont fourni des renseignements sur l'histoire de la Lune et la formation de sa croûte et de son manteau. Mais des données minéralogiques plus récentes, issues notamment des sondes spatiales, conduisent à modifier le scénario de la genèse de la croûte lunaire par refroidissement d'un océan magmatique global il y a plus de 4 milliards d'années.
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Les missions ApolloApollo ont révolutionné nos théories concernant l'origine de la Lune en rapportant sur Terre des échantillons de roches lunaires dont les compositions minéralogiques, chimiques et isotopiques ont fait le bonheur des cosmogonistes et des planétologues.
Dès les analyses des roches rapportées par la mission Apollo 11, les chercheurs avaient remarqué que la croûtecroûte lunaire semblait anormalement riche en des minérauxminéraux connus sur Terre sous le nom de plagioclases et qui en l'occurrence constituait largement des roches appelées des anorthositesanorthosites. Les plagioclases sont une grande famille de minéraux silicatés, des tectosilicatestectosilicates de la famille des feldspathsfeldspaths, que l'on retrouve dans des basaltesbasaltes océaniques et des granitoïdes de notre Planète bleue en abondance, mais pas dans les quantités de la croûte lunaire. Curieusement, dans celle-ci, des minéraux comme l'olivineolivine et le pyroxènepyroxène s'y font rares. Sur Terre, ils sont plus abondants dans sa croûte et on sait que l'olivine est le minéralminéral dominant des péridotitespéridotites, les roches constituant majoritairement le manteaumanteau. Les pyroxènes sont, eux, des composants courants des roches magmatiquesroches magmatiques et métamorphiques.
Un océan de magma global
Très rapidement, les sélénologues ont expliqué les données fournies par les échantillons rocheux d’Apollo avec le modèle suivant qui sera consolidé par la thèse de l’impact géant pour expliquer l’origine de la Lune, thèse également impliquée par les roches lunaires.
Au tout début de la formation de notre satellite par accrétion, celle-ci s'est faite si rapidement que l'énergie gravitationnelle potentielle libérée (sans oublier la contribution d'éléments radioactifs présents en bien plus grande quantité à cette époque) a chauffé bien plus rapidement celui-ci qu'il n'avait le temps de se refroidir, de sorte que s'est formé un océan global de magmamagma - pouvant atteindre une centaine de kilomètres à plus de mille kilomètres de profondeur.
En se refroidissant, certains minéraux se sont formés les premiers, ayant un point de fusion plus bas que d'autres et, selon leur densité, un tri chimique s'est effectué sous l'effet de la gravitation lunaire. Un cœur ferreux s'est donc formé entouré d'un manteau issu d'un océan magmatique dans lequel l'olivine, le pyroxène et la série de minéraux qu'ils forment ont plongé dans les profondeurs alors que, plus légers, les plagioclases des anorthosites refroidis sont montés en surface pour flotter sur l'océan et donner la croûte lunaire actuelle qui s'est solidifiée par refroidissement, là aussi comme le manteau. On estime que l'océan a existé de quelques dizaines à quelques centaines de millions d'années après la naissance de la Lune mais, tout comme sa profondeur exacte, il existe des incertitudes selon les modèles et les hypothèses envisagées, comme la composition exacte du matériaumatériau lunaire initial.
Une « boue » de magma et de cristaux en convection
Une variante de ce scénario vient d'être proposée dans un article publié dans Geophysical Research Letters par deux chercheurs en géosciences, Chloé Michaut de l'École normale supérieure de Lyon et Jerome A. Neufeld de l'Université de Cambridge.
Ils font valoir que depuis les missions Apollo, la connaissance de composition minéralogique de la Lune s'est affinée non seulement parce que l'on s'est rendu compte que certaines météoritesmétéorites trouvées sur Terre étaient d'origine lunaire et étendaient donc la surface d'échantillonnageéchantillonnage de la Lune, mais aussi grâce aux données fournies par les sondes lunaires en orbiteorbite. On peut citer à cet égard les contributions des missions indiennes Chandrayaan ou Clementine de la NasaNasa.
Il est devenu clair que les anorthosites lunaires sont plus hétérogènes dans leur composition qu'on ne le pensait initialement, ce qui ne cadre pas avec une origine commune de ces minéraux selon un seul processus physico-chimique.
Le communiqué de l'École normale supérieure de Lyon au sujet de la publication, mise aujourd'hui en avant, explique donc que les cristaux de plagioclases ont dû rester en suspension à l'intérieur de la Lune pendant un certain temps et que la formation de la croûte lunaire n'aurait commencé que lorsqu'une teneur en cristaux critique a été atteinte.
L'océan magmatique serait en fait resté à l'état d'une sorte de boue avec ces cristaux dans un état convectif, la faible gravitégravité lunaire rendant la séparationséparation cristal-liquideliquide difficile dans un tel océan selon ce communiqué. Le refroidissement aurait fait croître le nombre de cristaux de plagioclases mais sans qu'ils se démixtent pour former deux phases distinctes tant qu'un seuil n'a pas été atteint. Mais, une fois celui-ci réalisé, il se formerait une couche stagnante dans laquelle des anorthosites différentes se seraient formées au cours du temps pendant plusieurs centaines de millions d'années par extraction d'un liquide magmatique plus léger en évolution provenant de l'océan encore convectif.
Cette explication rend compte non seulement de l'hétérogénéité des anorthosites de la croûte, mais aussi des variations d'âges qu'on leur associe.
Le communiqué de l'ENS précise finalement que : « Le magmatisme en série fut initialement proposé par d'autres auteurs comme un mécanisme possible pour la formation des anorthosites lunaires, mais de manière antagonique à l'idée d'un océan de magma lunaire. Ce modèle de boue cristalline proposé par Chloé Michaut et Jerome A. Neufeld pourrait finalement réconcilier cette idée avec celle d'un océan de magma lunaire global. »