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Débusqué en janvier 2012 par le Very Large TelescopeVery Large Telescope (au Chili) et ChandraChandra, à une distance supérieure à sept milliards d'années-lumière de nous en direction de la constellation australe du Phœnix, l'amas de galaxies ACT-CL J0102-4915 (c'est son vrai nom) fut dans la foulée surnommé par les astronomesastronomes El Gordo -- « le gras » en espagnol --, pour sa masse extraordinairement élevée. Cependant, près de deux ans plus tard, une équipe de chercheurs emmenée par James Jee (université de Californie à Davis) a souhaité revoir les caractéristiques de ce gigantesque essaim qui réunit plusieurs centaines de galaxies et réévaluer sa masse globale. Leurs travaux sont présentés dans The Astrophysical Journal.
« Nous nous demandions ce qui se passe lorsqu'on attrape un amas en pleine fusion, et comment ce processus influence à la fois les gazgaz chauds et le mouvement des galaxies », raconte John Hughes (université Rutgers). Certaines questions en suspens sur la fiabilité des estimations de la masse demandaient un éclaircissement. « Nous avions un besoin urgent d'une estimation indépendante et plus robuste sur sa masse ainsi que sa rareté au regard des modèles cosmologiques actuels », affirme Felipe Menanteau, coauteur de ces travaux et chercheur à l'université de l'Illinois.
Distant de 7,2 milliards d'années-lumière de nous, El Gordo regroupe plusieurs centaines de galaxies. Il s'agit de la collision de deux superamas. Sa masse totale est évaluée à 3.000 fois celle de la Voie lactée. Invisible sur ce paysage cosmique dépeint par Hubble dans le visible, d'immenses volumes de gaz chauds et de matière noire déduits par une nouvelle étude constituent l'essentiel de sa masse. © Nasa, Esa, Hubble, Chandra
Pour leurs investigations, les scientifiques ont fait appel aux télescopestélescopes spatiaux Hubble et Chandra. Une collecte d'informations qui a nécessité plus de 97 heures de pose dans les rayonnements visibles (le premier) et X (le second). Après examen, il apparaît en effet qu'El Gordo fut largement sous-évalué. En réalité, il serait 43 % plus « gras » que les chercheurs le pensaient. Ce n'est plus vraiment un monstre quelconque. Sa masse s'élèverait ainsi à quelque trois millions de milliards de masses solaires !
El Gordo, un superamas de galaxies géant sous-estimé
Cela comprend bien sûr les milliards d'étoilesétoiles résidant dans chacune des galaxies de l'ensemble, lesquelles sont emballées dans d'immenses volumesvolumes de gaz très chaud et de l'insaisissable matière noire. Ce dernier ingrédient, bien qu'invisible -- et inconnu --, domine le superamassuperamas. Alors, diriez-vous, comment peut-on l'affirmer si on ne le voit pas ? Pour cela, les astrophysiciensastrophysiciens ont pris l'habitude de réaliser une estimation indirecte de ce type d'objets en étudiant la déformation imprimée à l'espace-tempsespace-temps par leur masse : un phénomène prédit par la relativité généralerelativité générale d'EinsteinEinstein nommé lentille gravitationnelle faible. Ainsi, plus la masse de l'amas au premier plan est importante, plus la distorsion des galaxies situées à l'arrière-plan est forte.
La mégastructure d'El Gordo est, somme toute, l'œuvre d'une collision titanesque en cours entre deux immenses amas de galaxies. Un cas de figure qui n'est certes pas rare dans notre universunivers récent, et rappelle celui de l'amas du Bouletamas du Boulet (constellation de la Carène), distant d'environ 3,7 milliards d'années-lumière. En revanche, à sept milliards d'années-lumière et au-delà -- au sein d'un univers plus jeune --, c'est beaucoup moins fréquent, comme le proposent les modèles des cosmologistes.
Pour la suite, les chercheurs envisagent de dresser un portrait plus complet et grand champ de ce monstre, véritable Hécatonchire. Nous n'en distinguons ici que la tête et les épaules, « mais nous ne savons pas de quoi ont l'airair ses jambes », explique le professeur Menanteau. « C'est pourquoi nous avons besoin d'un plus grand champ pour étudier le géant. »