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Un anneau d'Einstein. Crédit : Nasa, Esa, C. Faure (Zentrum für Astronomie, University of Heidelberg), J.P. Kneib (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille)
Ce nouveau catalogue démontre la diversité des lentilles gravitationnelles dans l'Univers. Si l'échantillon observé est représentatif, près d'un demi-million de lentilles fortes seraient présentes sur toute la voûte céleste... A terme, l'étude des lentilles gravitationnelles apportera d'importantes précisions sur la distribution de la matière sombre dans l'Univers.
Le phénomène de lentille gravitationnelle apparaît lorsque la lumière d'une galaxie lointaine qui voyage dans notre direction est amplifiée et déformée par un objet massif qui se trouve entre nous et la galaxie. L'objet massif qui constitue la lentille est en général une autre galaxie ou un amas de galaxiesamas de galaxies. Le phénomène de lentille est dit fort lorsque la densité de massemasse atteint un seuil critique à partir duquel on peut observer plusieurs images de la galaxie lointaine, on parle d'images multiples ou d'arcs gravitationnels (qui ne sont autre que la fusionfusion de 2 ou 3 images multiples).
« L'étude de la forme et de la position des images gravitationnelles permet aujourd'hui de bien mieux comprendre la distribution de masse dans les objets "lentilles" et nous apporte notamment de précieuses informations sur la distribution de la matière sombre » précise Jean-Paul Kneib, chercheur au Laboratoire d'AstrophysiqueAstrophysique de Marseille (LAMLAM). On s'attend à ce que les lentilles fortes autour de galaxies massives soient beaucoup plus communes que les "arcs géants" observés à plusieurs reprises par le télescopetélescope HubbleHubble. Cependant elles sont plus difficiles à détecter car moins étendues et de formes beaucoup plus variées.
Ainsi, pour tenter d'identifier de nouvelles lentilles fortes, une équipe internationale de chercheurs menée par Cécile Faure (Zentrum für Astronomie, Université de Heidelberg) et Jean-Paul Kneib (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille; UMR-CNRS / Université de Provence; Observatoire Astronomique Marseille Provence / INSU) a analysé une série d'images à très haute résolutionrésolution du champ Cosmos (images obtenues à partir des observations effectuées par l'Advanced Camera for Surveys (ACS) montée sur le télescope Hubble) couvrant une région de près de 2 degrés carrés sur le ciel (neuf fois la taille de la LuneLune).
Ces observations ont été complétées par des images obtenues avec des télescopes au sol, comme le télescope Canada-France-Hawaï (INSU-CNRS, CNRC, Université d'Hawaï) et le Very Large TelescopeVery Large Telescope de l'ESOESO.
Cliquez pour agrandir. Les 67 lentilles gravitationnelles fortes présentent une grande diversité comme on peut le voir sur ces images. Crédit: Nasa, Esa, C. Faure (Zentrum für Astronomie, University of Heidelberg) et J.P. Kneib (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille)
Grâce à ce travail minutieux d'analyse, cette équipe a réussi la prouesse d'identifier 67 nouvelles lentilles gravitationnelles fortes autour de galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques et lenticulaires. Ce type de galaxies est à la fois pauvre en gazgaz et poussière et ne possède pas de bras spiraux.
« On observe généralement une lentille gravitationnelle comme une série d'arcs ou des objets ponctuels brillants dans un amas de galaxies. Ce que l'on a observé ici est un phénomène similaire, mais à une échelle beaucoup plus petite : l'échelle des galaxies elliptiques, qui pèsent quelques centaines à quelques milliers de milliards de fois la masse du SoleilSoleil », explique Jean-Paul Kneib.
A partir de cette nouvelle découverte, l'équipe de chercheurs va pouvoir mesurer avec précision la masse des galaxies elliptiques, et mesurer la contribution des grandes structures dans la formation de ces images gravitationnelles. Parmi les nouvelles lentilles identifiées, les plus impressionnantes d'entre elles montrent les images distordues et allongées d'une ou deux galaxies lointaines. Au moins quatre de ces systèmes ont un anneau d'EinsteinEinstein, c'est-à-dire une image complètement circulaire qui apparaît lorsque la galaxie lointaine, la galaxie massive qui agit comme lentille, et le télescope Hubble sont parfaitement alignés.
A la pêche aux lentilles
Les astronomesastronomes ont utilisé une méthode peu orthodoxe pour identifier ces incroyables lentilles naturelles de l'Univers. Tout d'abord, ils ont sélectionné un échantillon de galaxies à partir d'un catalogue comprenant près de 2 millions de galaxies. « Après cela, nous avons dû inspecter chaque image du champ CosmosCosmos à la recherche de lentilles gravitationnelles fortes » rapporte Cécile Faure. Finalement une série de tests a été effectuée afin de juger si l'image de la galaxie lointaine et la galaxie lentille étaient bien des objets différents, et non une seule galaxie avec une forme complexe. « A partir de cet échantillon constitué "à l'œilœil nu", nous allons calibrer des logicielslogiciels robotsrobots qui permettront de découvrir de nouvelles lentilles fortes dans les images d'archives du télescope Hubble » ajoute Jean-Paul Kneib.
Ce nouveau résultat confirme que l'Univers est empli de lentilles gravitationnelles fortes. Une extrapolation de ce résultat sur l'ensemble du ciel permet de prévoir l'existence de près d'un demi-million de lentilles fortes ! L'étude de ces lentilles permettra aux astronomes d'étudier la distribution de matière sombre au sein des galaxies lentilles. Lorsque le nombre de lentilles gravitationnelles découvertes sera suffisamment important, les astronomes pourront recenser avec une très grande précision toute la matière présente dans l'Univers et confronter le résultat issu de leurs observations avec les modèles cosmologiques.