Après six mois en orbite autour de Mercure, les planétologues publient un nouveau bilan des observations de la sonde Messenger. Il apparaît de plus en plus clairement que Mercure ne ressemble pas à la Lune. Et de curieuses dépressions brillantes, dont certaines sont peut-être récentes, ont été découvertes.

On vient de fêter l'anniversaire de la découverte de Neptune il y a 165 ans. Si la mission Cassini se poursuit autour de Saturne et que la sonde New Horizon fonce vers Pluton, la sonde Messenger (en anglais : Mercury Surface, Space Environment, Geochemistry and Ranging) tourne, elle, en orbite autour de la planète Mercure depuis le 18 mars 2011.

Ses objectifs sont multiples car il s'agit aussi bien d'effectuer une cartographie complète de la planète et d'étudier la composition chimique de sa surface et de son exosphère que de mieux connaître son histoire géologique, sa magnétosphère, la taille et les caractéristiques de son noyau ainsi que l'origine de son champ magnétique. Il était temps de revisiter Mercure car seule la sonde Mariner 10 a survolé la planète à trois reprises en 1974 et 1975. Pour mieux comprendre l'origine du Système solaire et les différentes étapes ayant mené l'univers du Big Bang au vivant, il ne suffit pas d'explorer les planètes ardentes chères à André Brahic, il nous faut aussi faire mieux connaissance avec la planète la plus proche du Soleil.

Cette image montre une portion de l'intérieur du bassin Raditladi. L'encart indique l'emplacement de l'image principale. Le sol (flèches blanches) et des anneaux de pics (flèches jaunes) présentent des exemples étonnants de « creux » (<em>Hollows </em>en anglais), une forme de relief inattendu que montrent les images haute résolution. Ces creux sont des dépressions peu profondes, irrégulières et brillantes dont la formation peut impliquer la perte de matières volatiles. © <em>Science</em>/AAAS

Cette image montre une portion de l'intérieur du bassin Raditladi. L'encart indique l'emplacement de l'image principale. Le sol (flèches blanches) et des anneaux de pics (flèches jaunes) présentent des exemples étonnants de « creux » (Hollows en anglais), une forme de relief inattendu que montrent les images haute résolution. Ces creux sont des dépressions peu profondes, irrégulières et brillantes dont la formation peut impliquer la perte de matières volatiles. © Science/AAAS

Une nouvelle série d'articles vient d'être publiée dans Science. Si elle confirme la présence de coulées de laves sur Mercure, elle révèle aussi qu'une des observations passées de Mariner est encore plus étrange que l'on ne le pensait.

De curieuses dépressions bleutées

Lors des survols de Mariner 10, les chercheurs avaient remarqué sur les images du fond et des pics centraux de certains cratères d'impacts que des régions apparaissaient anormalement brillantes et de couleurs bleutées, contrastant avec les terrains avoisinants. Ces structures étaient totalement inattendues et pointaient vers des processus géologiques, si l'on peut dire pour Mercure, inconnues. On ne pouvait rien en apprendre de plus depuis la Terre et c'est bien entre autres pour cette raison qu'une nouvelle mission d'exploration de Mercure, avec mise en orbite d'une sonde, était une nécessité.

Un zoom sur une autre des régions du bassin précédent, partiellement couverte par un grand nombre de dépressions (en fausse couleur bleue). Chaque image de la mosaïque représente une zone d'environ 20 km. © <em>Science</em>/AAAS

Un zoom sur une autre des régions du bassin précédent, partiellement couverte par un grand nombre de dépressions (en fausse couleur bleue). Chaque image de la mosaïque représente une zone d'environ 20 km. © Science/AAAS

Les nouvelles images de Messenger ont confirmé celles de Mariner mais elles ajoutent à l'étrangeté des formes observées. Les planétologues ont en effet découvert que ces régions bleutées brillantes n'étaient pas uniformes mais constituées de toute une série de petites dépressions rassemblées en amas, qu'ils ont baptisées des « creux » ou hollows en anglais.

Des coulées pyroclastiques ?

On les trouve à des longitudes et des latitudes variées et elle apparaissent maintenant comme très communes sur Mercure. Surtout, ces régions sont souvent pauvrement cratérisées, ce qui indique qu'elles sont jeunes, relativement à l'histoire du Système solaire bien sûr. Avec beaucoup de petits cratères, il aurait fallu en conclure que ces creux s'étaient formés au moment où le taux d'impacts était encore important, il y a plus de 3 milliards d'années. On peut même en conclure que certains se forment actuellement !

Ces dépressions, qui ne ressemblent donc à rien de ce que l'on connaît sur la Lune, sont larges de quelques dizaines de mètres à quelques kilomètres. Elles sont interprétées comme provenant d'une perte récente de matières volatiles, par exemple par sublimation, dégazage ou même en raison d'un volcanisme pyroclastique. Les planétologues en déduisent que Mercure contient plus de matières volatiles que n'en prévoyaient la plupart des scénarios pour la formation de la planète.