Il se confirme que les météorites martiennes sur Terre sont le plus souvent des laves jeunes, c'est-à-dire de quelques centaines de millions d'années tout au plus en général. Or il existe bel et bien des indices d'une activité volcanique sur Mars aussi voire plus récente, comme sur les pentes du plus grand volcan connu du Système solaire : Olympus Mons. Certaines de ces météorites pourraient donc provenir de cet édifice volcanique.
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On connaît plus de 350 météorites martiennes qui se répartissent pour l'essentiel entre trois grandes classes appelées du nom des villages à proximité desquels des Homo sapiensHomo sapiens sapiens ont assisté à leur chute. Il y a ainsi eu celle observée près du village français de Chassigny en 1815, celle de Shergotty en Inde (1865) et enfin celle de Nakhla en Égypte (1911). La météorite Black Beauty est tout de même atypique au regard de ce classement.
Il s'agit souvent de roches ignéesroches ignées qui se sont donc formées à partir du refroidissement d'un magmamagma, par exemple sous forme de lavelave à la surface de Mars mais aussi dans son manteaumanteau. L'impact d'un petit corps céleste aurait à chaque fois été assez puissant pour éjecter dans l'espace des fragments de Mars portant ces roches que l'on désigne souvent collectivement sous le terme de SNC (pour Shergottite Nakhlite Chassignite).
Des bulles de l'atmosphère martienne
Dans certains cas, on a trouvé des bulles de gaz piégées dans ces fragments trouvés sur Terre dont la composition était proche de celle de l'atmosphèreatmosphère martienne connue depuis les missions Viking et qui ne peuvent être des bulles d'air de la Terre piégées par la météorite. C'est une des raisons qui font penser que l'on est bien en présence d'échantillons naturels de la Planète rouge sur notre Planète bleue.
Ainsi, le rapport D/H entre les isotopes bien connus de l'hydrogène, le deutérium D dont le noyau est composé d'un protonproton et d'un neutronneutron alors que le noyau de l'isotope H ne contient pas de neutron, y est très différent de celui de l'atmosphère terrestre, il est plus élevé car les atomesatomes plus légers partent plus facilement dans l'espace que les plus lourds, de sorte qu'en perdant largement son atmosphère (et son eau) sous l'effet du vent solairevent solaire et à cause de sa faible gravitégravité, la planète Mars s'est retrouvée avec un rapport D/H plus important.
« La géochimie et la cosmochimie, c'est l'étude des éléments chimiques pour comprendre l'histoire de la Terre et des planètes... », entretiens avec Manuel Moreira, professeur à l'Université Paris Diderot, et des membres de l'équipe. © Chaîne IPGP
Environ les trois quarts des météorites martiennes sont des shergottites alors que l'on ne connaît pour le moment que quelques chassignites. Les premières sont similaires aux laves volcaniques terrestres mais leur étude, plus précisément leur datation, a conduit à une énigme, précisément celle que l'on appelle le paradoxe de l'âge des shergottites.
Le paradoxe de l’âge des shergottites
Les missions ApolloApollo ont permis de ramener sur Terre des roches lunaires prélevées sur des régions avec un taux de cratère donné. En datant par des méthodes radiométriques basées sur des isotopes d'éléments ces roches lunaires, les planétologues ont étalonné une méthode de datation des surfaces planétaires partout dans le Système solaireSystème solaire et pas seulement pour la LuneLune, mais aussi par exemple pour Vénus ou les lunes de JupiterJupiter et Saturne.
La théorie de la formation du Système solaire nous dit qu'au début de la naissance des planètes, le bombardement par des petits corps célestes devait être intense, mais qu'il devait ensuite décroître exponentiellement avec le temps et le dépeuplement en petits corps célestes par l'attraction des planètes.
Les terrains les plus anciens sur Mars sont donc fortement cratérisés et inversement. Le problème, c'est que les premières datations des shergottites avec les méthodes de la cosmochimie ont montré que beaucoup d'entre elles étaient jeunes, avec des âges de quelques centaines de millions d'années voire d'un milliard d'années environ tout au plus. On peut dater aussi, en raison de l'effet du bombardement cosmique des radiations, le temps passé par des météorites entre l'éjection de la surface de Mars dans l'espace et leur arrivée sur la surface de notre Planète bleue. On trouve quelques dizaines de millions d'années tout au plus et c'est donc également une estimation dans le passé de la date de leurs éjections.
Logiquement, comme les cratères de grande taille sont plus nombreux dans le passé, et en fait la majorité de la surface de Mars a au moins 3 milliards d'années, les météorites martiennes les plus abondantes devraient avoir des âges supérieurs à quelques milliards d'années et, comme on l'a dit, ce n'est pas le cas.
Certains cosmochimistes ont donc remis en question les datations des shergottites mais si l'on en croit un article publié dans Earth and Planetary Science Letter, les datations sont en fait le plus souvent correctes, comme l'explique Ben Cohen, volcanologuevolcanologue à l'université de Glasgow, qui a travaillé avec des collègues du Musée d'Histoire naturelle, de l'université d'Édimbourg et des chercheurs états-uniens pour déterminer une fois pour toute l'âge réel des météorites martiennes.
Dans un communiqué du Musée d'Histoire naturelle de Londres, Ben Cohen explique qu'auparavant « l'une des idées était que l'impact d'astéroïdesastéroïdes frappant Mars pourrait "réinitialiser" les méthodes utilisées par les géologuesgéologues pour déterminer l'âge des roches. Cela était utilisé pour argumenter de manière à affirmer que les météorites avaient en réalité quatre milliards d'années, et tous les chiffres plus jeunes étaient dus au fait que les "horloges" des roches étaient entièrement ou partiellement réinitialisées par la chaleurchaleur et la pressionpression lors de ces impacts ».
Des datations argon-argon plus précises et plus solides
Pour échapper à cette possibilité, les chercheurs ont affiné les mesures que l'on pouvait obtenir avec une méthode radiométrique dite de la datation argonargon-argon, laquelle précise la méthode de datation par le potassiumpotassium-argon. L'une des difficultés était de tenir compte d'une contaminationcontamination par de l'argon provenant de l'atmosphère terrestre ou en raison du séjour dans l'espace des météorites.
Au final, les âges obtenus sont comparables à ceux obtenus avec la méthode dite uraniumuranium-plombplomb. Comme toujours, l'idée centrale est celle d'un sablier avec des noyaux qui se désintègrent en d'autres, jouant le rôle de l'écoulement de sablesable. Plus le temps a passé, plus on doit trouver un produit final d'une ou d'une série de désintégrations radioactives.
Or il se trouve que si les shergottites ont bel et bien souvent moins de quelques centaines de millions d'années, elles doivent être des laves produites par des éruptions qui sont tout aussi jeunes. Parmi les candidats les plus crédibles des volcans martiens, on trouve le mythique Olympus Mons.
Reste le problème du paradoxe de l'âge des shergottites. Une possibilité est que les anciennes régions de Mars ont été recouvertes avec le temps de plus en plus de couches de régolitherégolithe, ces couches absorbant une partie de l'énergieénergie d'un impact et rendant difficile l'éjection de roches anciennes mais pas des laves récemment déposées en surface - récemment à l'échelle géologique de Mars bien évidemment, c'est-à-dire avec comme unité de temps le million d'années comme sur Terre.
On peut penser aussi que la majorité des shergottites retrouvées pourraient provenir d'un seul impact puissant récemment sur Mars et par chance sur un terrain volcanique jeune. C'est une hypothèse qui a été avancée avec le cratère Mojave, mais pour soutenir la thèse qu'au contraire les shergottites étaient âgées d'environ 4 milliards d'années. On peut penser que de nouveaux rebondissements sont par conséquent possibles... à suivre