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Comparaison entre une image de la région HII de RCW120 en lumière visible obtenue par le télescope Schmidt ALMA de l'ESO et dans la gamme submillimétrique par LABOCA. Crédit ESO.
Le télescope submillimétrique APEX. Crédit ESO.
Observer de tels objectifs présentant des températures aussi basses n'est pas évident. Si les étoiles et les galaxies paraissent aussi brillantes, même à l'œilœil nu, c'est simplement parce que leur température leur permet de rayonner de telle manière qu'elles s'imposent à notre vision. Et les plus grands télescopes ne sont jamais que des moyens d'amplifier ce rayonnement par accumulation de l'énergie reçue, soit en augmentant la surface de collecte, soit en multipliant le temps de pose, ou en combinant les deux.
Or, une grande partie des gaz dans l'UniversUnivers s'y trouvent à une température inférieure à -250°C, soit 20K, ou 20° au-dessus du zéro absoluzéro absolu. Et comme l'affirme Karl Menten, directeur du Max PlanckMax Planck Institute for Radioastronomy (MPIfR) à Bonn (Allemagne), "Etudier ces nuagesnuages froids exige de regarder la lumièrelumière qu'ils émettent dans la gamme du submillimètre, avec des détecteurs très sophistiqués".
Et comment mesurer ces températures ? Eh bien tout simplement en concentrant la "lumière" qu'émettent les corps observés, et en la projetant sur un capteurcapteur d'un type très sophistiqué, nommé bolomètrebolomètre, en fait une caméra thermique.
Principe de fonctionnement
Qui ne s'est jamais amusé, dans sa jeunesse, à enflammer un morceau de papier en y projetant la lumière concentrée du SoleilSoleil au moyen d'une loupe ? En gros, un bolomètre, c'est cela. Le rayonnement provenant des régions lointaines de l'Univers est concentré au moyen d'un télescope, et après avoir traversé un dispositif optique, est étalé sur une surface sensible où de nombreux capteurs en mesureront la température et en dresseront une carte thermique.
Mais un tel capteur, quel qu'en soit le principe de fonctionnement, mesure l'élévation de température qu'il subit suite à une exposition. Par conséquent, sa température au repos doit nécessairement être inférieure à celle de la cible. Or, il est ici question d'objets à 20K, ce qui impose de refroidir l'ensemble de la surface sensible à une température encore plus basse, proche du zéro absolu.
Pour cela, on utilise des feuilles d'aluminiumaluminium extrêmement minces, qui absorbent le rayonnement entrant, ce qui a pour effet de les chauffer très légèrement. Toute variation d'intensité provoque une modification de la température, qui peut être mesurée au moyen de thermomètresthermomètres électroniques extrêmement sensibles. La surface sensible de LABOCA, qui vient de fonctionner pour la première fois au foyerfoyer du télescope ALMA de 12 mètres, est refroidie à 0,3 degré au-dessus du zéro absolu au moyen d'héliumhélium liquideliquide, ce qui n'était pas le moindre défi au cœur des Andes chiliennes, à 5100 mètres d'altitude.
Principe de fonctionnement du capteur. Le rayonnement est concentré par des admissions en forme de cônes (conical horns) et transmis à la zone sensible (bolometer array). Crédit Max Planck Institute for Radioastronomy.
Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là. La très faible intensité du rayonnement observé constituait un autre défi, car les signaux émis dans les domaines millimétrique et submillimétrique des corps très froids sont très fortement absorbés par la vapeur d'eau présente dans l'atmosphèreatmosphère terrestre, même à l'altitude d'ALMA. "C'est un peu comme si vous essayiez de voir les étoiles en plein jour", annonce Axel Weiss, membre de l'équipe ayant installé l'instrument LABOCA sur l'APEXAPEX.
Ces conditions extrêmes justifient donc l'installation de LABOCA à cet endroit, où il bénéficie aussi d'une des atmosphères les plus sèches et les moins perturbées de la planète. Mais même dans des conditions parfaitement optimales, la température des objets observés est environ cent mille fois plus faible que l'atmosphère terrestre, ce qui a nécessité la mise au point de logicielslogiciels performants pour filtrer et dégager les signaux très faibles de la perturbation ambiante.
"Les premières observations astronomiques avec LABOCA ont révélé son grand potentiel. En particulier, le grand nombre de détecteurs de LABOCA est une énorme amélioration des instruments précédents", déclare Giorgio Siringo, du MPIfR.
LABOCA
Le capteur de LABOCA est composé de 295 canaux disposés dans 9 hexagones concentriques formant une matrice. La résolutionrésolution angulaire de l'ensemble est de 18.6 secondes d'arcsecondes d'arc, et le champ visuelchamp visuel total est de 11.4 minutes d'arcminutes d'arc. Il observe dans une plage de longueurs d'ondelongueurs d'onde s'étalant entre 0.2 et 1.4 mm.
Entrée du capteur bolométrique (faisant face à l'optique du télescope). Crédit Max Planck Institute for Radioastronomy.
Face arrière sensible (LABOCA). Crédit Max Planck Institute for Radioastronomy.
Cet instrument, actuellement unique au monde par sa sensibilité et sa surface utile, ainsi que son logiciel associé, ont été construits et développés par le MPIfR.
Détail du LABOCA. Crédit Max Planck Institute for Radioastronomy.
APEX (Atacama Pathfinder Experiment) est un télescope de 12 mètres de nouvelle technologie, dont la précision de la surface d'antenne a été améliorée afin de se comporter comme un instrument optique dans certaines longueurs d'ondes. Il s'agit d'une collaboration entre le Max Planck Institute for Radioastronomy, l'Onsala Space Observatory et l'ESOESO.