Le James-Webb continue à nous émerveiller en montrant des images inédites de régions de formations d'étoiles. Après la nébuleuse d'Orion, voici le tour de la nébuleuse du Triangle. Il collecte au passage des données pour mieux comprendre la naissance des étoiles et leurs évolutions dans leurs nurseries en fonction de leurs masses.

Le 11 septembre 1784, l'astronome britannique William Herschel découvrait dans son télescope la nébuleuse du Triangle dans la galaxie éponyme qui est mentionnée sous la dénomination de M33 dans le fameux catalogue de Messier. La nébuleuse sera renommée NGC 604 dans le New General Catalogue of Nebulae and Clusters of Stars ou NGC (en français « Nouveau catalogue général de nébuleuses et d'amas d'étoiles »), l'un des catalogues astronomiques les plus connus constitué par l'astronome irlando-danois John Dreyer et qui succédait au précédent General Catalogue de John Herschel, le fils de William Herschel qui l'avait fait paraître en 1864. Le NGC contient 7 840 objets du ciel profond.

Nous savons aujourd'hui que NGC 604 est une pouponnière de nouvelles étoiles nées il y a environ 3,5 millions d'années dans un amas ouvert (on peut apprendre à le dater en passant le DUAO de l'OCA) dont le diamètre est d'environ 1 300 années-lumière, soit 40 fois la taille de la partie visible de la nébuleuse d'Orion.


Le Système solaire s’est formé à partir d’un nuage moléculaire riche en poussières s’effondrant sous sa propre gravité. C’est ainsi qu’est né le Soleil, entouré d’un disque protoplanétaire. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTube

NGC 604, un laboratoire pour comprendre la naissance des étoiles

M33 elle-même est située à environ 2,73 millions d'années-lumière de la Voie lactée mais c'est bel et bien de NGC 604 qu'ont été prises par le James-Webb les somptueuses images en fausses couleurs obtenues dans l'infrarouge par ses instruments Miri (Mid-Infrared Instrument) et NIRCam (Near-Infrared Camera) et que vient de révéler la Nasa dans la vidéo ci-dessous. La résolution du JWST nous permet de renouveler avec des détails inédits notre connaissance de cette nurserie stellaire pour nous aider à mieux comprendre comment naissent les étoiles.

Dans le cas présent, le gaz ionisé et très lumineux de la nébuleuse du Triangle est associé à environ 200 étoiles massives de type B et O aux premiers stades de leur vie qui sera courte et finira en supernova car ces astres contiennent plusieurs dizaines à une centaine de fois la masse du Soleil. La théorie de la structure et de l'évolution stellaire nous dit en effet que le temps de vie est d'autant plus court que sa masse est importante pour une étoile.


Le télescope spatial James-Webb de la Nasa a pris deux nouvelles images de la région de formation d'étoiles NGC 604, située dans la galaxie du Triangle. Comment naissent les étoiles et comment elles interagissent avec leur environnement sont aujourd’hui deux grandes questions de l’astronomie qui sont activement étudiées avec le télescope Webb. Dans cette nouvelle image, Webb nous montre des parties de l'histoire de la formation des étoiles que nous n'avions jamais pu voir auparavant. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, ESA, CSA, STScI

Comme l'explique un communiqué de la Nasa dont nous reprenons les explications, un des intérêts de NGC 604 est qu'il est assez rare de trouver une telle concentration d'étoiles massives dans l'Univers proche, il n'existe même aucune région similaire au sein de notre Galaxie. NGC 604 est donc un laboratoire pour comprendre l'évolution de ces étoiles qui en mourant vont injecter dans le milieu interstellaire de noyaux qu'elles ont produit par nucléosynthèse thermonucléaire comme ceux du carbone, de l'oxygène et de l'azote, ce qui explique pourquoi le regretté Hubert Reeves avait l'habitude de dire que nous étions des poussières d'étoiles.

Des images dans l'infrarouge proche et moyen

La première image dans la vidéo ci-dessus est en fausses couleurs mais elle correspond à l'image obtenue dans l'infrarouge proche en utilisant la NIRCam (Near-Infrared Camera) du télescope spatial James-Webb. Elle montre clairement comment les vents stellaires provenant de jeunes étoiles brillantes et chaudes creusent des cavités dans les gaz et la poussière de NGC 604, ainsi que des structures en vrilles qui apparaissent en rouge vif tandis que le rayonnement ultraviolet des étoiles massives ionise le gaz environnant. Cet hydrogène ionisé apparaît comme une lueur fantomatique blanche et bleue.

Les stries de couleur orange vif sur l'image proche infrarouge de Webb signifient la présence de molécules à base de carbone connues sous le nom d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Sur Terre, on les trouve dans les suies et la fumée de combustion incomplète de matières carbonées comme le charbon ou le pétrole. On pense que les HAP constituent une partie des grains de poussière interstellaire et jouent un rôle majeur dans le milieu interstellaire et la formation d'étoiles.

Le rouge plus profond indique la présence de l'hydrogène moléculaire plus froid qui constitue un environnement privilégié pour la formation d'étoiles.

Cette image, prise par Miri (<em>Mid-Infrared Instrument</em>) de Webb de la région de formation d'étoiles NGC 604, montre comment de grands nuages de gaz et de poussière plus froids brillent dans les longueurs d'onde de l'infrarouge moyen. © Nasa, ESA, ASC, STScI
Cette image, prise par Miri (Mid-Infrared Instrument) de Webb de la région de formation d'étoiles NGC 604, montre comment de grands nuages de gaz et de poussière plus froids brillent dans les longueurs d'onde de l'infrarouge moyen. © Nasa, ESA, ASC, STScI

L'image ci-dessus est toujours en fausses couleurs mais elle témoigne de la vision du James-Webb dans les longueurs d'onde de l'infrarouge moyen avec l'instrument Miri. On voit nettement moins d'étoiles car comme l'explique le communiqué de la Nasa, les étoiles les plus chaudes émettent beaucoup moins de lumière à ces longueurs d'onde alors que c'est le contraire pour les plus gros nuages de gaz et de poussière plus froids. Certaines des étoiles vues sur cette image ne sont pas dans NGC 604, mais toujours dans la galaxie du Triangle. Ce sont des supergéantes rouges, des étoiles froides en comparaison des étoiles de types O et B mais très grandes, avec des centaines de fois le diamètre de notre Soleil. Les vrilles bleues du matériau signifient quant à elles la présence de HAP.