La Nasa a fait savoir il y a quelques jours que cela faisait déjà deux ans maintenant que le télescope spatial James-Webb avait repris le flambeau de Hubble pour nous révéler des images toujours plus spectaculaires du monde des nébuleuses et des galaxies. Pour fêter l'événement, elle a mis en ligne une nouvelle image d'une des mythiques galaxies irrégulières de Halton Arp, l'astrophysicien qui doutait du Big Bang.


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    Il y a quelques jours, la Nasa a mis en ligne une image inédite d'un objet cosmique qui n'est pas un inconnu puisqu'il figure dans un célèbre catalogue sous le nom d'Arp 142 qui se trouve à 326 millions d'années-lumière de la Terre, dans la constellation de l'Hydre. Il s'agit d'une paire de galaxies en interaction déjà photographiée par HubbleHubble dont les images montraient déjà une galaxie elliptiquegalaxie elliptique, NGCNGC 2937, aux abords de ce qui apparaît comme une galaxie spiralegalaxie spirale fortement déformée par des forces de maréeforces de marée découverte par l'astronomeastronome allemand Albert Marth en 1864 et qui a été cataloguée depuis sous la dénomination NGC 2936. Plus prosaïquement, les deux astresastres sont connus respectivement comme la galaxie du Pingouin et de l'Œuf.

    Partez à la rencontre du télescope James-Webb en compagnie d'Astropierre, dans notre podcast Futura dans les Étoiles. © Futura

    Notre connaissance du phénomène d'interaction gravitationnelle entre des galaxies nous permet de dire qu'elle a été déclenchée il y a entre 25 et 75 millions d'années, lorsque le Pingouin a effectué son premier passage rapproché, arrachant des courants d'étoilesétoiles par ses forces de marée. Plusieurs passages devraient se produire avant que la fusionfusion proprement dite ne débute et que le produit final soit une seule galaxie dans des centaines de millions d'années.

    Le télescope spatial Hubble a capturé la lumière visible lors de l'observation d'Arp 142, surnommé le Pingouin et l'Œuf, en 2013. À droite, la vue en lumière proche infrarouge de la même région réalisée par le télescope spatial James-Webb. Les deux images sont composées de plusieurs filtres. Le processus d’application de la couleur aux images de Webb est remarquablement similaire à l’approche utilisée pour Hubble : les longueurs d’onde les plus courtes se voient attribuer le bleu et les longueurs d’onde les plus longues se voient attribuer le rouge. Pour Webb, les processeurs d’images traduisent dans l’ordre les images de lumière proche infrarouge en couleurs visibles. Sur l’image en lumière visible de Hubble, une bande de poussière brun foncé commence à travers le « bec » du pingouin et s’étend à travers son corps et le long de son dos. Dans la vue proche infrarouge de Webb, cette bande de poussière est nettement plus faible. Une légère forme de U inversé connecte la paire de galaxies. Il s’agit d’une combinaison d’étoiles, de gaz et de poussières qui continuent de se mélanger à mesure que les galaxies se mélangent aussi. Hubble montre de nombreuses galaxies lointaines en lumière visible, bien que les zones dans les coins complètement noires se trouvent en dehors du champ de vision du télescope. De nombreuses galaxies plus lointaines brillent sur l’image infrarouge de Webb. Cela témoigne de la sensibilité et de la résolution de la caméra proche infrarouge de Webb, ainsi que des avantages de la lumière infrarouge. La lumière des galaxies lointaines s’étire lorsqu’elle traverse l’Univers, de sorte qu’une partie importante de leur lumière ne peut être détectée que dans des longueurs d’onde plus longues. © Nasa, ESA, CSA, STScI
    Le télescope spatial Hubble a capturé la lumière visible lors de l'observation d'Arp 142, surnommé le Pingouin et l'Œuf, en 2013. À droite, la vue en lumière proche infrarouge de la même région réalisée par le télescope spatial James-Webb. Les deux images sont composées de plusieurs filtres. Le processus d’application de la couleur aux images de Webb est remarquablement similaire à l’approche utilisée pour Hubble : les longueurs d’onde les plus courtes se voient attribuer le bleu et les longueurs d’onde les plus longues se voient attribuer le rouge. Pour Webb, les processeurs d’images traduisent dans l’ordre les images de lumière proche infrarouge en couleurs visibles. Sur l’image en lumière visible de Hubble, une bande de poussière brun foncé commence à travers le « bec » du pingouin et s’étend à travers son corps et le long de son dos. Dans la vue proche infrarouge de Webb, cette bande de poussière est nettement plus faible. Une légère forme de U inversé connecte la paire de galaxies. Il s’agit d’une combinaison d’étoiles, de gaz et de poussières qui continuent de se mélanger à mesure que les galaxies se mélangent aussi. Hubble montre de nombreuses galaxies lointaines en lumière visible, bien que les zones dans les coins complètement noires se trouvent en dehors du champ de vision du télescope. De nombreuses galaxies plus lointaines brillent sur l’image infrarouge de Webb. Cela témoigne de la sensibilité et de la résolution de la caméra proche infrarouge de Webb, ainsi que des avantages de la lumière infrarouge. La lumière des galaxies lointaines s’étire lorsqu’elle traverse l’Univers, de sorte qu’une partie importante de leur lumière ne peut être détectée que dans des longueurs d’onde plus longues. © Nasa, ESA, CSA, STScI

    Arp 142 sous le regard infrarouge du James-Webb

    Pour l'heure, si l'on peut dire puisque les images nous montrent Arp 142 telle qu'elle était il y a plus de 300 millions d'années, on estime que le Pingouin et l'Œuf sont distants d'environ 100 000 années-lumière. Pour mémoire, la Voie lactéeVoie lactée et la grande galaxie la plus proche, la galaxie spirale d'Andromède, sont distantes d'environ 2,5 millions d'années-lumière. Elles aussi finiront par fusionner, mais pas avant environ 4 milliards d'années (elles ont probablement déjà interagi dans un passé lointain)).

    Pourquoi une telle mise en avant aujourd'hui de Arp 142 par la Nasa ? Tout simplement parce que c'est le deuxième anniversaire de la mise en ligne par la Nasa des premières images spectaculaires du télescope James-Webb observant dans l'infrarougeinfrarouge proche et moyen le cosmoscosmos observable avec une nouvelle résolutionrésolution dans ces deux bandes spectrales. Les instruments utilisés étant NIRCam (Near-Infrared CameraNear-Infrared Camera) et MiriMiri (Mid-Infrared Instrument).

    À l'occasion de la révélation de l'image composite obtenue en combinant les données des deux instruments et que l'on compare à celle prise dans le visible par Hubble, Mark Clampin, directeur de la division d'astrophysiqueastrophysique au siège de la Nasa à Washington a déclaré qu'« en seulement deux ans, Webb a transformé notre vision de l'UniversUnivers, permettant le type de science de classe mondiale qui a conduit la Nasa à faire de cette mission une réalité. Webb donne un aperçu des mystères de longue date sur l'Univers primitif et ouvre la voie à une nouvelle ère d'étude des mondes lointains, tout en renvoyant des images qui inspirent les gens du monde entier et en posant de nouvelles questions passionnantes auxquelles répondre ».


    Cette vidéo présente Arp 142, une paire de galaxies en interaction affectueusement connue sous le nom de Pingouin et de l'Œuf, située à 326 millions d'années-lumière de la Terre. Le voyage commence et se termine sur une nouvelle image dans l'infrarouge moyen et proche du télescope spatial James-Webb, et comprend un bref fondu-enchaîné avec une image en lumière visible du télescope spatial Hubble. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, ESA, CSA, STScI, Danielle Kirshenblat (STScI)

    Alton Arp et les galaxies irrégulières

    Le communiqué de la Nasa qui accompagne les images et qui contient la déclaration de Mark Clampin expliqua aussi que « comme toutes les galaxies spirales, la galaxie du Pingouin est encore très riche en gazgaz et en poussières. La "danse" des galaxies a attiré gravitationnellement les zones de gaz et de poussière les plus minces du Pingouin, les faisant s'écraser en vaguesvagues et former des étoiles.

    Autour de ces nouvelles étoiles se trouve un matériaumatériau semblable à de la fumée qui comprend des moléculesmolécules contenant du carbonecarbone, connues sous le nom d'hydrocarbures aromatiques polycycliques, que Webb détecte exceptionnellement bien. La poussière, vue sous forme d'arcs orange plus pâles et plus profonds, descend également de son "bec" jusqu'aux "plumes" de sa "queue"...

    En revanche, la forme compacte de l'Œuf reste largement inchangée. En tant que galaxie elliptique, elle est remplie d'étoiles vieillissantes et contient beaucoup moins de gaz et de poussières pouvant être extraites pour former de nouvelles étoiles... Une autre raison de l'apparence intacte de l'œuf : ces galaxies ont à peu près la même massemasse ou le même poids, c'est pourquoi l'elliptique, d'apparence plus petite, n'a pas été consommée ou déformée par le Pingouin ».

    Ces images de Arp 142 sont une bonne occasion de rappeler que la Nasa et l'ESAESA ont plusieurs fois mis en ligne de superbes images prises par le télescopetélescope Hubble montrant quelques exemples de galaxies en collision qui font partie de l'Atlas of Peculiar Galaxies, aussi appelé communément atlas Arp. C'est un catalogue astronomique montrant des galaxies particulières que l'on doit initialement au défunt astronome états-unien Halton Arp (1927-2013). Il l'a publié une première fois en 1966 et, à sa mort, il recensait 338 galaxies.

    C'est une bonne occasion aussi de reprendre ce que Futura avait expliqué au sujet de Halton Arp et de la théorie de la lumière fatiguée dans un autre article.

    Arp, tout comme Fred Hoyle, Margaret et Geoffrey Burbidge, est resté un opposant à la théorie du Big BangBig Bang de la fin des années 1960 (malgré la découverte du rayonnement fossilerayonnement fossile) jusqu'à son décès. Il mettait en doute, comme Hoyle, l'interprétation du décalage spectral selon la loi de Hubble-Lemaître en matièrematière d'expansion de l'espace. Ce décalage devait avoir une autre interprétation, par exemple dans le cadre justement d'une théorie de la lumière fatiguée, faisant intervenir une perte continuelle d'énergieénergie des photonsphotons émis par les astres avec la distance qu'ils parcourent sans que cette perte correspondant à un décalage vers les grandes longueurs d'ondelongueurs d'onde, donc du bleu au rouge, ne soit due à la dilatationdilatation continuelle et accumulée des longueurs d'onde des photons du fait de l'expansion de l'espace lors de leur voyage.


    Plusieurs objets du catalogue de Halton Arp sont présentés dans cette vidéo. © Nasa, ESA, Go astronomy

    Des galaxies qui n'infirment pas la théorie du Big Bang

    La théorie de la lumière fatiguée était pourtant intenable comme l'a rapidement montré une première fois le grand cosmologiste russe Yakov Zeldovich. Selon les lois connues de la physiquephysique, toute perte d'énergie selon la théorie de la lumière fatiguée impliquerait une perte aléatoire de quantité de mouvementquantité de mouvement pour les photons par interaction avec leur environnement, par exemple des poussières intergalactiques, de sorte que les images des étoiles et des galaxies seraient de plus en plus dégradées avec la distance, ce que l'on n'observe absolument pas.

    De plus, comme l'explique le cosmologiste Ned Wright, l'expansion relativiste de l'espace implique que le temps d'évolution de la courbe de lumière des explosions de supernovaesupernovae doit apparaître dilaté selon une loi bien précise, dilatation que ne peut prédire aucune théorie de la lumière fatiguée. Or, non seulement, on a bel et bien observé le phénomène et la loi prévue, mais le désaccord entre la théorie de la lumière fatiguée et les observations est de 11 sigma, comme disent les chercheurs dans leur jargon. C'est un désaccord colossal.

    Arp était troublé par le fait que certains des objets de son catalogue montraient des galaxies en interaction ou pour le moins qui apparaissaient ainsi probablement du fait de leur rapprochement sur la voûte céleste. Or ces galaxies avaient des décalages spectraux différents, contredisant leurs associations apparemment étroites impliquant des distances similaires à la Voie lactée. Fort logiquement, Harp en déduisait que cela réfutait la théorie standard du décalage spectral. Un exemple connu est celui du Quintette de StephanQuintette de Stephan, un groupement visuel de cinq galaxies situé dans la constellation de Pégaseconstellation de Pégase et observé pour la première fois par l'astronome français Édouard Stephan en 1878. En fait, seules quatre galaxies sont véritablement en interaction et comme dans tous les autres cas qui troublaient Arp, on a pu montrer que les différences de décalage étaient bien dues à des distances spatiales différentes et les associations sur la voûte céleste étaient de simples astérismesastérismes comme les constellations.