Si l'on considère un volume contenant un grand nombre de galaxies, presque 68 % de la masse dans ce volume est sous la forme d'une mystérieuse énergie noire, presque 27 % sous la forme d'une matière noire tout aussi mystérieuse, le reste étant composé de la matière ordinaire dont nous avons l'habitude sur Terre. C'est du moins ce que conduisent à penser de nombreuses observations concordantes à la base du modèle cosmologique standard. Pour percer les secrets de cet univers sombre qui détermine le destin du cosmos, sa mort par le froid, le feu ou quoi que ce soit d'autre, l'ESA a lancé le satellite Euclid qui nous livre aujourd'hui des images spectaculaires. C'est l'occasion de s'interroger sur les découvertes possibles avec Euclid en compagnie du cosmologiste français Alain Blanchard.
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Quelques rappels pour comprendre pourquoi les images révélées dernièrement et que Futura vous a présentées peuvent fasciner, interroger et en prélude à l'interview d'Alain Blanchard.
Lorsque l'on étudie le rayonnement fossile, la plus vieille lumière du cosmoscosmos, qui nous donne des informations sur l'état du cosmos observable environ 380 000 ans après le Big BangBig Bang, quand il a été émis, on trouve qu'il contient sur la voûte céleste des fluctuations de températures. Elles nous renseignent sur l'existence de fluctuations de densité dans la matière existante à ce moment là, alors que les premiers atomes neutres se formaient.
Les zones de surdensité vont s'effondrer sous leur propre attraction gravitationnelle en donnant étoiles et galaxies. Le problème c'est que ces fluctuations semblent si faibles initialement que leur gravitégravité devait l'être également, au point que les galaxies n'auraient pas encore eu le temps d'apparaître aujourd'hui.
On peut résoudre ce problème en supposant l'existence de concentrations de matière d'un nouveau genre, insensible à la lumière et ne pouvant en émettre (ou très peu), dont les massesmasses sont supérieures à celle de la matière ordinaire dite baryonique et qui vont s'effondrer bien plus vite, entrainant avec elles les atomes d'hydrogènehydrogène et d'héliumhélium forgés pendant le Big Bang.
Nous ne pouvons pas comprendre l'existence de la Voie lactéeVoie lactée où nous nous trouvons sans cette matière noirematière noire formée nécessairement de particules encore inconnues, ou du moins c'est ce que la majorité des cosmologistes pensent. Quelle est donc la nature exacte de cette matière noire ?
Mystère ...
À la fin des années 90, deux groupes d’astrophysiciens découvrent également que contrairement à ce que le modèle cosmologique standard de l’époque prévoyait, l’expansion de l’espace s’accélère depuis quelques milliards d’années. On peut rendre compte de cette expansion en introduisant à nouveau, comme EinsteinEinstein l'avait fait en 1917, une constante dans les équationséquations de la relativité généralerelativité générale qui paradoxalement conduit la gravitationgravitation à être répulsive, d'où l'accélération constatée.
On ne sait pas très bien d'où vient cette constante, ni même si elle ne varie pas dans le temps voir l'espace. Ce qui est sûr c'est que sa nature détermine le futur du cosmos observable et qu'elle se comporte comme une densité d'énergieénergie, celle de ce qui a été appelé l'énergie noireénergie noire ou sombre ( Dark energy en anglais). L'expansion sera-t-elle éternelle, avec l'énergie noire restant telle qu'elle se manifeste aujourd'hui, plongeant l'UniversUnivers dans le froid au zéro presque absolu ou cessera-t-elle un jour avec une recontraction du cosmos donnant un nouveau Big Bang infernalement chaud si la constante cosmologiqueconstante cosmologique évolue en changeant de signe, et peut-être un cycle avec des Big Bang successifs de toute éternité ?
Mystère encore ...
Mais la noosphère n'aime pas les mystères sans réponses et c'est pourquoi elle s'est dotée d'un nouvel œilœil dans l'espace qui est partie rejoindre au fameux point de Lagrange L2 des télescopes comme le James Webb et Gaia.
Il s’agit du télescope Euclid de l’ESA dont on peut espérer qu'il nous apprendra au cours de la décennie suivante quel destin attend notre Univers en déterminant les propriétés de l'énergie noire mieux qu'aujourd'hui.
Un mois après le lancement d’Euclid, l’agence spatiale européenne (ESA), en collaboration avec le consortium Euclid dévoile les premières observations capturées par le satellite qui termine sa recette en vol. Il s’agit d’un premier pas pour le satellite, conçu pour percer les secrets de la matière noire et de l’énergie noire. Jean-Charles Cuillandre, astronome au CEA décrypte et commente ces premiers portraits de l'Univers réalisés par Euclid. Des images uniques qui démontrent les performances exceptionnelles du satellite pour sa mission cosmologique. © CEA
Euclid, un consortium dirigé par la France en collaboration avec l'ESA
La France dirige le consortium EuclidEuclid, impliquant principalement le CNRS, le CEA et des université partenaires, et dont le responsable, Yannick Mellier, travaille à l'Institut d'astrophysiqueastrophysique de Paris (CNRS/Sorbonne Université). Il s'agit d'un consortium de chercheurs et d'ingénieurs composé de plus 2 200 personnes (dont 425 en France) réparties dans 250 laboratoires (dont une trentaine en France) de 17 pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Suisse, Canada et États-Unis, Japon).
Euclid doit plonger dans les stratesstrates de lumière du cosmos observable avec pour but d'obtenir un carottagecarottage du passé montrant la plus grande carte cosmique en 3D jamais réalisée des distributions de galaxies, en remontant au moins 10 milliards d'années dans le temps cosmique.
En prélude au début des campagnes d'observations l'ESAESA vient de révéler des images somptueuses prises par Euclid.
Déjà très impliqué dans Euclid, le CEA a joué un grand rôle dans l'obtention de ces images comme le montre un communiqué où l'astronomeastronome du CEA-Irfu, Jean-Charles Cuillandre, explique que lors de plusieurs semaines de travail qu'il a menées « Avec nos collègues de la collaboration d'Euclid et de l'ESA, nous avons choisi cinq sources astrophysiques, procédé au traitement des données brutes puis analysé les images en combinant les réponses des instruments VISVIS (avec ses 600 millions de pixelspixels observant dans la lumière visible) et NSIP (NdR, c'est un spectrophotomètre proche infrarougeinfrarouge, développé en étroite collaboration avec le CNESCNES sous la responsabilité du Laboratoire d'astrophysique de Marseille (Aix-Marseille Université/CNES/CNRS)) »
Les images obtenues en couleurcouleur confirment qu'Euclid a un champ de vue de l'ordre de la taille de deux pleines lunespleines lunes, images que l'on peut obtenir en seulement une heure d'observation, parfois donc plus rapidement qu'avec d'autres instruments comme HubbleHubble (en fait Euclid devrait imager tous les 3 à 5 jours l'équivalent de la totalité du ciel couvert par le télescopetélescope Hubble en 30 ans ! ) .
Futura a saisi l'occasion de la publication de ces 5 images pour demander quelques commentaires de la part d'Alain Blanchard qui est professeur d'astrophysique à l'Université Toulouse III Paul Sabatier et chercheur à l'IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie).
Il a participé à la mission Planckmission Planck et s'intéresse depuis de nombreuses années à l'énergie noire et à la formation des grandes structures en cosmologiecosmologie. C'est le responsable scientifique de l'équipe de l'IRAP qui participe à la mission Euclid. Il a bien voulu répondre à nos questions.
La matière noire: à l’infini et au-delà du regard | Alain Blanchard | TEDxINSAToulouse © TEDx Talks
Plus d'un milliard de galaxies pour percer les secrets les plus obscurs de l'Univers
Futura : Ce 7 novembre 2023, l'ESA vient de révéler les premières images en couleur prises par Euclid. Elles sont au nombre de 5 et montrent avec des détails époustouflants galaxies, nébuleusenébuleuse, amas globulaireamas globulaire et amas de galaxiesamas de galaxies. Que nous apprennent déjà ces images ?
Alain Blanchard : Essentiellement et en premier lieu, que les instruments d'Euclid fonctionnent comme prévu, avec les performances attendues. Il reste encore quelques tests et réglages à faire mais les campagnes d'observations pour percer les secrets de l'énergie noire et de la matière noire devraient commencer dès janvier 2024.
Toutefois, ces images ne concernent pas des objets dont on va tirer des informations pour la cosmologie mais, en plus d'illustrer les capacités d'Euclid, elles contiennent tout de même des données exploitables, pour l'astrophysique des étoiles et des galaxies individuelles, et que l'on va analyser. Ainsi, pour chacune d'entre elles, que ce soit avec l'Amas de Persée, la Nébuleuse d'OrionNébuleuse d'Orion ou l'Amas globulaire NGCNGC 6397, il devrait y avoir dans les mois à venir un article scientifique qui sera publié dans une revue comme Astronomy & Astrophysics.
On commence déjà à voir dans la Nébuleuse d'Orion des objets qui pourraient être des planètes et d'autres des naines brunesnaines brunes.
Plus généralement, les observations d'Euclid dans l'infrarouge peuvent être complémentaires de celles du James Webb dans la même bande spectrale, le premier permet de répondre à des questions qui nécessitent un grand champ d'observations alors que le second est adapté pour faire des études sur un champ plus petit.
Futura : On explique souvent qu'Euclid va nous apporter des informations sur la matière noire.
Alain Blanchard : Tout à fait, même si son but principal est de tenter de découvrir la nature de l'énergie noire.
En ce qui concerne la matière noire on veut dresser une carte de sa répartition dans l'Univers observable et voir comment elle a évolué dans le temps. Pour cela on va utiliser l'effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle faible causée par une distribution de masse et qui déforme légèrement les images des galaxies. Presque deux milliards devraient être observées et pour environ 35 millions d'entre elles, les plus brillantes dans l'infrarouge, Euclid va mesurer des décalages spectraux vers le rouge précis par spectroscopie qui donneront leurs distances à la Voie lactée en utilisant la loi de Hubbleloi de Hubble-Lemaître et donc les distances des concentrations de matière noire.
Dans le cas de l'immense majorité des autres galaxies, toujours dans le but de faire une carte en 3D de la répartition de la matière noire, les distances seront moins précisément évaluées. La méthode utilisée sera celle livrant des redshifts photométriques et non pas spectroscopiques.
Futura : On pourra alors poser des contraintes sur la nature des particules de matière noire ?
Alain Blanchard : Oui mais pas seulement, on va avoir de nouvelles contraintes sur les masses des neutrinosneutrinos du modèle standardmodèle standard et aussi sur des alternatives à la théorie de la relativité générale d'Einstein en ce qui concerne une théorie relativiste de la gravitation. Ce sera le cas des théories dites tenseur-scalaire et aussi des théories dites f(R) dont on sait toutefois déjà que plusieurs modèles ne sont pas favorisés par les observations de la dernière décennie.
Que ce soit les modèles de matière noire froide utilisés, les plus souvent considérés étant ceux avec des particules massives tels certains neutrinos ne faisant pas partie du modèle standard de la physique des particules ou avec des variantes de la théorie des axions, ou en modifiant la théorie de la gravitation, cela affecte différemment selon les modèles l'évolution et les caractéristiques des distributions de matière sous la forme des amas de galaxies et des filaments qui les rassemblent.
Une présentation de la mission Euclid par l'ESA. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESA - European Space Agency
Futura : Justement, on parle de plus en plus en ce moment d'une anomalieanomalie dans le taux de croissance des amas de galaxies prédit à partir des analyses des observations du rayonnement fossilesrayonnement fossiles de la mission Planck. Techniquement on parle de la tension concernant le paramètre S8 du modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard mais plus simplement, cela revient à dire qu'il y a moins d'amas de galaxie dans l'Univers observable depuis quelques milliards d'années que n'en prédisent les théories de la formation de ses structures basée sur les données de Planck. Que faut-il en penser ?
Alain Blanchard : Il est trop tôt pour vraiment parler de l'existence de cette tension. Les estimations du taux de formation d'amas que l'on fait avec des calculs dans le modèle cosmologique standard supposent que l'on connaît bien la masse des amas de galaxies, ce qui n'est pas le cas. Il faudrait des déterminations plus précises avant de parler d'un problème pouvant nécessiter une nouvelle physiquephysique pour le résoudre comme c'est peut-être le cas avec la tension de Hubble.
Futura : Venons-en maintenant au cœur du sujet avec Euclid, l'énergie noire. Que va-t-on faire pour faire la lumière sur sa nature ?
Alain Blanchard : Cela va prendre au moins 6 années pendant lesquelles Euclid va observer environ 1/3 de la voûte céleste et sonder le cosmos en remontant au moins jusqu'à 10-12 milliards d'années dans le passé. Plus d'un milliard de galaxies seront imagées avec leurs distances précisées. On pourra alors faire des statistiques concernant les distributions de galaxies et comment elles évoluent dans le temps.
Ce que l'on cherche à faire entre autres c'est étudier ce que l'on appelle les oscillations acoustiques baryoniques (en anglais, BaryonBaryon Acoustic Oscillations ou BAO). Ce sont des ondes comparables à celles produites à la surface d'une mare par des gouttes de pluie quand il pleut qui existaient dans le plasma primordial juste avant l'émissionémission du rayonnement fossile, alors que la pressionpression de la lumière pouvait s'opposer à la contraction gravitationnelle de la matière ordinaire sous forme de baryons, contraction accélérée par l'effondrementeffondrement gravitationnel de la matière noire insensible à la lumière.
Juste après l'émission du rayonnement fossile ces ondes se sont figées un peu sous la forme de coquilles formées par des surdensités de matière ordinaire entraînant ensuite la matière noire. Ces coquilles, où vont naître les galaxies ont une taille privilégiée que l'on peut déduire avec des méthodes mathématiques d'analyse (voir la vidéo ci-dessous) et qui peut servir d'étalon de mesure qui apparaîtra d'autant plus petit qu'on l'observe loin.
On peut remonter à cette taille en observant la répartition des galaxies sur la voûte céleste à un instant de l'histoire de l'Univers observable. Or la nature de l'expansion de l'espace va changer cette taille apparente pour des galaxies à un décalage spectral donné.
La façon dont cette taille a changé est liée à ce que l'on appelle l'équation d'état de l'énergie noire. Elle n'est pas la même selon la théorie de l'énergie noire, par exemple s'il s'agit de l’énergie de point zéro du vide quantique ou de l'effet d'un nouveau champ de particules similaire à celui du bosonboson de Brout-Englert-Higgs et qui pourrait évoluer dans le temps.
Pendant le Big Bang, selon le modèle standard, des fluctuations quantiques de densité de matière sont produites qui font s’effondrer rapidement des concentrations de matière noire. Ces concentrations attirent la matière baryonique normale formée de protons et de neutrons mais contrairement à la matière noire, ces baryons sont sensibles à la force électromagnétique de sorte que le gaz de photons baignant toute la matière s’oppose par sa pression à la matière baryonique. Il se produit alors des ondes acoustiques sphériques qui se propagent, un peu comme le feraient les ondes autour des points d’impact de gouttes de pluie dans une mare et comme le montre cette animation. Ces ondes se superposent mais quand les atomes se forment au moment de la recombinaison, la pression de radiation n’existe plus et des bulles de matière se figent. Enfin presque, car l’expansion de l’espace va ensuite les dilater. © CAASTRO
Futura : Il y a 10 ans, vous-même et vos collègues Arnaud Dupays et Brahim Lamine aviez proposé un modèle d'énergie noire, Euclid pourra-t-il le tester ?
Alain Blanchard : Absolument, nous avions fait intervenir une variante de l'effet Casimireffet Casimir et une dimension spatiale supplémentaire bien que cette dernière soit problématique car, tout comme dans le cas de la théorie des supercordesthéorie des supercordes ou des théories de Kaluza-Klein, il faille trouver un moyen de stabiliser la taille de cette dimension.
Pour le moment, les mesures sur la valeur de cette constante et de sa possible variation dans le temps sont précises à environ 3 % et on espère avec Euclid améliorer les contraintes d'un facteur 10 donc atteindre quelques dixièmes de pourcent. Les observations sont pour le moment complètement compatibles avec notre théorie.
Piste noire :
1/Les redshift photométriques.
Les décalages spectraux lointains peuvent être estimés sans faire des mesures spectroscopiques, qui sont le moyen d'obtenir des distances les plus précises. Sans mesures de décalages spectraux de cette manière on peut toutefois faire des estimations par deux méthodes indirectes.
Il y a celle donnant un décalage vers le rougedécalage vers le rouge photométrique (photometric redshift, en anglais) et une apparentée, qui repose sur ce que l'on appelle la cassure de Lyman (Lyman Break, en anglais).
Ce sont des méthodes déjà utilisées au cours des années 1980 et 1990. Elles ont une certaine fiabilité mais elle n'est pas de 100 %. Divers biais existent aussi dans les observations des galaxies à hauts décalages spectraux, des biais qui peuvent être également instrumentaux et en rapport avec le télescope Euclid lui-même.
La cassure de Lyman est illustrée sur ces images et schémas.
« Un photonphoton ultravioletultraviolet émis avec une longueur d'ondelongueur d'onde inférieure à 912 angströms (continuum de Lyman) sera souvent complètement absorbé par son passage à travers une masse d'hydrogène gazeux à la fois dans une galaxie et le long de la ligne de visée vers elle.
Essentiellement, il n'y aura pas de lumière qui nous parviendra d'une galaxie avec des longueurs d'onde plus courtes. Nous voyons donc une « cassure » dans le spectrespectre.
Pour les galaxies à décalage vers le rouge élevé, cette cassure se retrouve dans le visible, voire l'infrarouge. Ainsi, en regardant les couleurs des galaxies dans divers filtres, nous devrions voir les galaxies formant des étoiles avec un z élevé comme des astresastres qui "disparaissent" dans les filtres les plus "bleus" ». © Chris Mihos
2/Les BAO, des ondes sonoresondes sonores à la moitié de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière
Après le début de l'Univers observable et au moins depuis la période de la nucléosynthèsenucléosynthèse primordiale, quelques minutes après le mythique temps de Plancktemps de Planck, l'Univers est un mélange de baryons couplés aux photons, baignant déjà dans la matière noire.
Les fluctuations de densité de la matière noire génèrent alors des ondes sonores sphériques s'éloignant à presque la moitié de la vitesse de la lumière des zones de surdensité de la matière noire. Au moment de la recombinaisonrecombinaison, lorsque les premiers atomes neutres apparaissent 380 000 ans après le Big Bang, la lumière se découple de la matière baryonique et le front de ces ondes sonores poussé par le flux de photons se fige temporairement.
Il en résulte que des zones de surdensité de matière normale formant des coquilles (dont le diamètre est fixé par la vitesse des ondes sonores produites par les oscillations acoustiques) se forment dans le cosmos observable. Ces zones vont être des lieux privilégiés de formation de galaxies et de leur accumulation sous forme d'amas. Plus tard, la présence de plus en plus dominante de l'énergie noire (ce qui n'était pas le cas dans les premiers milliards d'années) va influer sur le taux de croissance des amas de galaxies.
Surtout, si l'on considère un grand échantillon de galaxies sur la surface d'une sphère centrée sur l'observateur terrestre (donc à une même époque de l'histoire du cosmos et à une même distance de nous pour chaque galaxie) et que l'on en mesure les distances entre deux paires, il apparaîtra un excès de ces paires pour une valeur de distance liée à celle des coquilles de matières dont on a précédemment parlé, comme le montre la vidéo ci-dessous.
Une excellente présentation des BAO. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Space Time
Une clé de l'étude de l'énergie noire
On dispose alors d'une sorte de mètre étalon dont la longueur intrinsèque est connue à une époque donnée de l'histoire cosmique. En mesurant la valeur apparente de cette longueur pour nous, on peut en déduire une distance absolue. Et si l'on mesure différents décalages spectraux, on peut dresser une courbe reliant distance cosmologique et décalage spectral, des mesures de distance et de temps permettant d'estimer des vitesses d'expansion de l'espace à une date donnée. C'est en jouant à ce jeu, mais avec la luminositéluminosité apparente des étalons de luminosité - que sont les supernovaesupernovae SNSN Ia - que l'on a justement découvert l'expansion accélérée de l'espace depuis quelques milliards d'années.
Or, en fonction du modèle cosmologique que l'on considère, avec ou sans énergie noire, cette dernière étant ou non une constante cosmologique, on n'obtient pas la même courbe. De même, le taux de croissance des amas de galaxies n'est pas le même. C'est donc une seconde manière, avec les supernovae, de démontrer l'existence de l'énergie noire et d'en explorer la nature.