Alors qu'elle était attendue en 2019 en même temps que l'image du trou noir M87*, la première photo du trou noir central géant de la Voie lactée n'est arrivée que le 12 mai 2022, soit trois ans plus tard. Lors de la conférence de presse, les chercheurs ont expliqué les multiples raisons de ce retard.
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Elle est enfin là : la toute première image du trou noir central de la Voie lactée vient d'être dévoilée ! Après cinq ans de calculs et des milliers d'images analysées, les chercheurs sont enfin parvenus à visualiser Sagittarius A*Sagittarius A*.
L'épopée de cette prouesse technologique a commencé par une campagne d'observation en avril 2017 par interférométrie à très longue base, aussi appelée VLBI. Cette technique d'observation consiste à utiliser simultanément de nombreux radiotélescopes dans le monde, afin de créer l'équivalent d'un gigantesque interféromètre de la taille de la Terre. En procédant ainsi, la résolutionrésolution angulaire obtenue qui définit la plus petite taille angulaire que les chercheurs sont capables d'observer en détail, devient si infime que de nombreux objets habituellement invisibles deviennent visibles.
C'est le cas de M87*M87* et Sagittarius A*, deux trous noirs dont le diamètre apparent est similaire, et qui nécessitent une résolution que la VLBI peut atteindre. En effet, M87* est à la fois bien plus massif et bien plus éloigné que Sgr A*, avec ses 6,5 milliards de massesmasses solaires et sa distance de 50 millions d'années-lumièreannées-lumière, donc son diamètre visible depuis la Terre est équivalent à celui de Sgr A*.
Au total, huit radiotélescopesradiotélescopes ont été utilisés simultanément, situés au Chili, aux États-Unis, au Mexique, en Espagne et en AntarctiqueAntarctique ! Depuis, trois autres télescopestélescopes ont rejoint l'équipe de l'Event Horizon Telescope avec, notamment, le Greenland Telescope situé au nord-ouest du Groenland et le deuxième observatoire de l'IRAM Noema, situé dans les Alpes françaises. Ce procédé demande beaucoup de préparation, car la synchronisation doit être parfaite : les radiotélescopes ont d'ailleurs utilisé des horloges atomiques, qui ne développent qu'un retard de 1 seconde tous les 10 millions d'années. La seule campagne d'observation par cette méthode a eu lieu en 2017, plus précisément du 4 au 14 avril 2017. Est venue ensuite l'analyse des données, et c'est là que tout s'est compliqué !
Cette phase est toute aussi ardue que la première. Au total, ce sont plus de 350 personnes qui ont participé à cette prouesse technologique. C'est ainsi qu'en 2019, la toute première image de M87* a été dévoilée, mais pas celle de Sagittarius A*, à laquelle la communauté scientifique s'attendait aussi.
La cause du retard : le diamètre du trou noir, trop petit !
Comme Sgr A* est bien plus petit, la matièrematière de son disque d'accrétiondisque d'accrétion tourne bien plus vite, au rythme effréné d'un tour en seulement 4 minutes 30 ! Ainsi, durant la campagne d'observation, les chercheurs ont observé ces variations en temps réel si l'on peut dire, car les campagnes ont duré plusieurs heures, plusieurs fois par jour, pendant presque deux semaines.
« Le gazgaz à proximité des trous noirs se déplace à la même vitessevitesse -- presque aussi vite que la lumière -- autour de Sgr A* et de M87*. Mais alors qu'il met des jours, voire des semaines, à orbiterorbiter autour du grand M87*, il ne met que quelques minutes à le faire autour de Sgr A*, beaucoup plus petit. Cela signifie que la luminositéluminosité et la configuration du gaz autour de Sgr A* changeaient rapidement pendant que la collaboration EHT l'observait -- un peu comme si l'on essayait de prendre une photo claire d'un chiot qui court après sa queue », a expliqué dans le communiqué du CNRS Chi-kwan (« CK ») Chan, chercheur à l'observatoire Steward, au département d'astronomie et à l'Institut des sciences des données de l'université d'Arizona, aux États-Unis.
Bien plus de moyens ont donc été mis en œuvre pour obtenir une image stable de Sgr A*, notamment une gigantesque bibliothèque de simulations de trous noirs qui a été comparée avec les images réelles. Tous ces calculs ont, en outre, nécessité ce que l'on appelle des superordinateurssuperordinateurs qui permettent une puissance de calculs difficile à imaginer, avec des dizaines de milliers de processeurs.
« Ces changements rapides de luminosité et de configuration autour de Sgr A* génèrent un jeu de données bien plus complexe que celui de M87*, nous avons donc dû développer de nouveaux outils numériquesnumériques de simulation et d'analyse du mouvementmouvement des gaz pour générer une image nette, a précisé Frédéric Gueth, chercheur CNRS et directeur adjoint de l'Institut de radioastronomie millimétrique (Iram). Ce qui explique qu'il nous a fallu trois ans de plus pour visualiser Sgr A*. »