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Frank Drake montrant son équation. © Seti Institute
Une fraction de l'Humanité se passionne pour la recherche d'une vie extraterrestre et n'espère rien de moins qu'une rencontre directe, du troisième type selon l'expression consacrée, avec des extraterrestres visitant la Terre. Il existe en revanche une recherche qui concerne tous les humains, c'est celle d'un terrestre extra, c'est-à-dire d'une âme sœur.
Il semble prétentieux et bien naïf d'imaginer qu'il existe une formule mathématique expliquant pourquoi l'on tombe amoureux et pourquoi une relation va durer ou non. Et si une telle formule existait, elle décrirait certainement un phénomène encore plus complexe et chaotique que, en météorologie, le temps d'une semaine à la suivante. Toutefois, comme pour tous les phénomènes, qu'ils soient physiques, biologiques, sociologiques ou psychologiques, une description probabiliste (au moins rudimentaire) et des statistiques peuvent incontestablement être fournies.
Il y a quelques années, Peter Backus, un doctorant en économie de l'Université de Warwick, tout près de Londres, plus ou moins par jeu et poussé par son désespoir de ne toujours pas avoir trouvé son âme sœur à 31 ans, avait eu une idée originale.
Pourquoi ne pas appliquer une variante de la formule de Drake, destinée à évaluer le nombre N de civilisations extraterrestres existant dans la Voie lactée, pour estimer le nombre de femmes à Londres pouvant représenter une bonne approximation de la compagne idéale ?
Les quelques pages écrites à l'époque sur le sujet ont fait le tour du monde. Mais pour ceux qui n'en ont jamais entendu parler, ou pour se rafraîchir la mémoire, voilà ce qu'elles contenaient.
L'équation de Drake
Tout d'abord, il faut se rappeler que c'est en 1961, à l'occasion des débuts du programme Seti, que l'astronomeastronome Frank Drake a eu l'idée d'introduire sa célèbre équation. On pourra trouver dans une vidéo sur YoutubeYoutube les souvenirs de Drake sur le contexte de sa découverte et plus de détails la concernant.
L'équation elle-même est la suivante :
- R* est le nombre d'étoiles en formation par an dans notre galaxie ;
- fp est la fraction de ces étoiles possédant des planètes ;
- ne est le nombre moyen de planètes par étoile potentiellement propices à la vie ;
- fl est la fraction de ces planètes sur lesquelles la vie apparaît effectivement ;
- fi est la fraction de ces planètes sur lesquelles apparaît une vie intelligente ;
- fc est la fraction de ces planètes capables et désireuses de communiquer ;
- L est la duréedurée de vie moyenne d'une civilisation.
Le problème est qu'il est bien difficile d'évaluer les valeurs de la plupart des paramètres de cette équation. Si bien que l'on peut trouver entre 0 et pas loin d'1 million de civilisations extraterrestres en état de communiquer avec nous dans la Galaxie actuellement.
Si l'on prend pour base le nombre de 300 millions d'étoiles dans la Voie lactée, une des estimations de Frank Drake lui-même était qu'il y avait 0,000003 % de chance de tomber sur une telle civilisation en écoutant en ondes radio (probablement proches de la longueur d'ondelongueur d'onde de la raie de l'hydrogène) une étoile de la Voie lactée choisie au hasard.
L'équation de Backus
Dans le domaine exploré par Peter Backus, l'équation de Drakeéquation de Drake présente la même forme sauf que N désigne maintenant le nombre d'âmes sœurs et que les différents paramètres signifient cette fois-ci :
- le taux de naissance au Royaume-Uni ;
- la fraction de personnes au Royaume-Uni qui sont des femmes ;
- la fraction des femmes au Royaume-Uni qui vivent à Londres ;
- la fraction des femmes à Londres qui sont dans le bon intervalle d'âge pour lui ;
- la fraction des femmes d'âges appropriés à Londres avec une formation universitaire ;
- la fraction des diplômés d'université, parmi les femmes d'âges approprié à Londres, qu'il peut trouver physiquement attractives ;
- la durée au cours de sa vie où la rencontre avec une compagne idéale est possible.
Là encore, l'estimation des différentes valeurs des paramètres de l'équation n'est pas facile et elle reflète une certaine part d'arbitraire, bien spécifique à la personne qu'est Peter Backus. Par exemple, celui-ci se définit comme hétérosexuel et tout en étant bien conscient que son âme sœur pourrait fort bien être dépourvue de diplômes universitaires, il estime tout de même qu'il y a plus de chance qu'il s'entende bien avec une femme ayant un niveau d'étude comparable au sien. On trouvera plus de détails sur les justifications des valeurs des paramètres qu'il a utilisés dans le papier intitulé Pourquoi je n'ai pas une petite amie.
Un résultat déprimant ?
En première estimation, Backus trouve qu'il existerait au Royaume-Uni environ 10.510 femmes, âgées de 24 à 34 ans, susceptibles de lui convenir. Cela équivaut à 0,017 % de la population du Royaume-Uni, ou 0,14 % des Londoniens. Il aurait donc plus d'une chance sur mille lors d'une nuit à Londres de trouver l'une d'entre elles.
Sauf que, comme il le reconnaît lui-même, d'autres facteurs doivent intervenir, qui n'ont pas été pris en compte dans la première version de l'équation. Ainsi, il estime par exemple que seulement 1 sur 20 de ces 10.510 femmes vont le trouver physiquement attractif et seulement la moitié sont célibataires.
Au final, le chiffre tombe à 26 dans tout le Royaume-Uni !
Ce qui lui fait dire qu'il a 0,00034 % de chance de tomber sur la femme de sa vie lors d'une nuit londonienne, ce qui est tout de même 100 fois plus probable que de communiquer par radio avec des E.TT. selon l'une des estimations faites par Drake. Un résultat quelque peu déprimant mais visiblement en accord avec l'expérience passée de Backus.
Chacun peut s'amuser à calculer son estimation personnelle en suivant la ligne de pensée indiquée par Peter Backus.
Aux dernières nouvelles, en janvier 2010, Backus vivait en couple depuis 6 mois.