On ne sait toujours pas très bien ce que sont les sursauts radio rapides, ces énigmatiques bouffées d'ondes radio qui semblent venir d'objets dont la luminosité dépasse prodigieusement celle du Soleil. Le télescope Hubble vient pourtant d'aider à préciser les lieux où peuvent se produire ces sursauts, ce qui aide à éliminer des hypothèses quant à leur nature.
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Les astrophysiciensastrophysiciens sont toujours à l'affût de phénomènes exotiquesexotiques qui pourraient nous ouvrir un accès à de nouveaux territoires de la connaissance. Le domaine des astroparticules, par exemple, pourrait nous révéler une nouvelle physique. La radioastronomie pourrait révolutionner notre vision de la place de la noosphère dans l'Univers en nous apportant la preuve, via une technosignature, qu'il existe une autre civilisation technologique que la nôtre dans le cosmoscosmos observable.
On s'est demandé un temps si une telle technosignature n'était pas derrière la détection d'étranges signaux transitoires où l'équivalent de toute l'énergie rayonnée par le Soleil dans le visible pendant une année semblait avoir été libéré en quelques millisecondes tout au plus dans le domaine radio. Appelés fast radio bursts (FRBs) en anglais, ce qui peut se traduire par sursauts radio rapidessursauts radio rapides, ces phénomènes ont d'abord été mis en évidence en 2007 grâce à de nouvelles analyses d'archives de données collectées par le radiotélescoperadiotélescope de Parkes, en Australie. Ils sont aussi appelés « sursauts Lorimer », du nom de leur découvreur.
Les sursauts radio rapides, ou FRB, sont des événements extraordinaires. Des astronomes utilisant le télescope spatial Hubble de la Nasa ont identifié les emplacements de cinq FRB brefs et puissants, qui sont à proximité ou dans les bras spiraux de leurs galaxies hôtes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Goddard Space Flight Center de la Nasa
Des hypothèses triées grâce aux observations de Hubble
La thèse de la biosignature a été écartée ainsi que celle de la manifestation des hypothétiques étoiles de Planck. Mais on ne sait toujours pas vraiment ce que sont les FRB, bien qu'on en ait détecté à présent environ un millier.
Une des stratégies pour déterminer leur nature consiste à tenter de les associer à d'autres phénomènes sur la voûte céleste et donc en premier lieu à les localiser aussi précisément que possible, puis à tourner vers eux le regard d'autres instruments. Mais comme il s'agit de manifestations particulièrement transitoires, la tâche n'est pas facile et il n'y a qu'une dizaine de FRB qui ont ainsi révélé leurs lieux de naissance. On apprend aujourd'hui via un communiqué de la NasaNasa que cinq d'entre eux se sont bel et bien produits dans des galaxies spiralesgalaxies spirales à plusieurs milliards d'années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée.
Ce sont des observations dans l'ultravioletultraviolet et l'infrarougeinfrarouge proche, effectuées avec le télescope Hubble, qui nous le disent. Surtout, la résolutionrésolution disponible permet de constater que non seulement ces FRB se sont produits dans des bras spiraux mais pas dans les régions où la formation de nouvelles étoilesétoiles est la plus intense.
Cela permet donc de rendre moins crédibles les scénarios qui font des FRB des sous-produits des phénomènes associés à de jeunes étoiles, en particulier lorsqu'elles sont massives et finissent donc rapidement par exploser en SNSN II. La possibilité que les FRB soient indirectement causés par des collisions d'étoiles à neutronsétoiles à neutrons apparaît désormais moins plausible également car ces événements sont non seulement rares mais surtout se produisent généralement dans des régions où les étoiles sont vieilles et ou la formation de jeunes étoiles est faible.
Toujours dans le communiqué de la Nasa, les astrophysiciens indiquent que les observations de HubbleHubble sont parfaitement compatibles avec le scénario le plus favorisé actuellement pour expliquer les FRB, à savoir celui avec des magnétarsmagnétars, comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous. Mais il reste du travail à accomplir, nécessitant d'autres observations, pour valider cette hypothèse.
Magnétar : le VLBA sur la piste de l'énigme des sursauts radio rapides
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 22/09/2020
La méthode de la parallaxeparallaxe est une méthode géométrique simple permettant d'évaluer la distance des astresastres. On vient de l'utiliser avec des radiotélescopes pour mesurer pour la première fois directement la distance d'un magnétar. En multipliant ce genre de mesure, on pourrait découvrir que les sursauts radios rapides sont en fait des colères particulières des magnétars.
Les étoiles à neutrons sont des résidus d'explosion d'étoiles en supernova qui ne peuvent guère contenir que quelques massesmasses solaires mais dont le diamètre est de quelques dizaines de kilomètres seulement. La saga, à leur sujet, a commencé au cours des années 1930 et se poursuit aujourd'hui depuis les années 1990 avec l'étude des magnétars, des étoiles à neutrons avec un champ magnétiquechamp magnétique prodigieux comme Futura l'expliquait dans le précèdent article ci-dessous. Entre ces deux décennies, les objets théoriques qu'étaient les étoiles à neutrons à leur début sont devenus des sujets d'observations, d'abord avec des radiotélescopes pour la première fois, en 1967, grâce à Jocelyn Bell, puis les rayons Xrayons X et maintenant, les ondes gravitationnellesondes gravitationnelles à l'occasion de collisions d’étoiles à neutrons donnant des kilonovae.
Au début de leur découverte, les étoiles à neutrons ont très temporairement donné des frissons aux astrophysiciens et astronomesastronomes intéressés par le programme Seti car c'est sous forme de pulsars, c'est-à-dire de sources d'émissionsémissions périodiques d'ondes radios, qu'ils ont été débusqués par Jocelyn Bell alors en thèse. On pouvait penser qu'il s'agissait de signaux artificiels d'une civilisation extraterrestre mais, comme l'explique Jocelyn Bell dans la vidéo ci-dessous, cette hypothèse a été rapidement réfutée car on ne voyait aucun décalage Doppler.
Dans cette vidéo, extraite du documentaire Du Big Bang au Vivant, Jean-Pierre Luminet parle de la mort des étoiles massives, leur explosion en supernova et la formation de pulsars. © ECP Productions, Jean-Pierre Luminet
Les FRB, l'histoire des pulsars qui se répète ?
Depuis quelques années, d'autres mystérieuses sources radios intriguent les astrophysiciens et là aussi, l'hypothèse E.TT a été considérée un temps avant d'être abandonnée. Il s'agit des sursauts radios rapides, les Fast radio bursts ou FRB en anglais. Les sursauts radio rapides ont été découverts pour la première fois en 2007. On sait juste qu'ils sont très énergiques et durent au plus quelques millisecondes et que la plupart viennent de l'extérieur de la Voie lactée.
Les FRB pourraient trahir l'existence des étoiles de Planck mais des chercheurs ont proposé une hypothèse moins exotique, à savoir qu'ils soient la manifestation de magnétars, des étoiles à neutrons possédant des champs magnétiques d'une intensité record dans le cosmos observable, de l'ordre de mille milliards de fois l'intensité du champ magnétique de la Terre.
Pour tenter d'y voir plus clair à ce sujet, et comme ils l'expliquent dans une publication en accès libre sur arXiv, une équipe de radioastronomes a, pour la première fois, réussi à faire une détermination précise de la distance d'un magnétar au Système solaireSystème solaire en faisant une mesure de parallaxe avec les radiotélescopes du Very Long Baseline Array (VLBA). Rappelons qu'il s'agit d'une technique de combinaison par interférométrieinterférométrie des mesures de plusieurs radiotélescopes répartis sur les continents permettant de faire de la synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture qui, à la fin, compose un instrument virtuel dont la taille peut être équivalente à celle de la Terre. On peut donc faire des observations avec une résolution spectaculaire.
Jocelyn Bell nous raconte sa découverte des pulsars. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Perimeter Institute for Theoretical Physics
L'interférométrie à très longue base (ou VLBI pour Very Long Baseline Interferometry) est l'une des techniques fondamentales de la radioastronomie moderne, qui a d'ailleurs permis le succès de la collaboration Event Horizon Telescope, réussissant à imager pour la première fois un trou noir supermassiftrou noir supermassif au cœur d'un noyau actif de galaxienoyau actif de galaxie, M87*M87*. Elle a été proposée en 1962 par Leonid Matveenko, Nikolai Kardashev, et Gennady Sholomitskii, avec le soutien du radioastronome ukrainien et soviétique Iossif Chklovski du célèbre Institut Shternberg.
Dans ce cas précis, le VLBA comprend 10 antennes, de 25 mètres chacune, couvrant le territoire américain depuis Sainte-Croix, dans les Îles Vierges situées dans les Antilles, et le Mauna Kea sur l'île d'Hawaï, dans l'océan Pacifique.
Les mesures de distances, une clé pour l'astrophysique
Les étoiles à neutrons ne sont pas toutes des pulsarspulsars et c'est aussi vrai dans le cas des magnétars dont on ne connaît à ce jour que six exemples capables d'émettre des impulsions radios. Le premier du genre a été découvert en 2003 et, dans un catalogue, il est mentionné sous la forme XTE J1810-197. Son activité s'est poursuivie de 2003 à 2008, puis de janvier à novembre 2019 et, tout dernièrement, de mars à avril 2020.
C'est justement XTE J1810-197 qui a été observé à des dates différentes sur la voûte céleste en utilisant la méthode de la parallaxe connue depuis l'antiquité en astronomie planétaire et rendue possible pour la première fois avec des étoiles au début du XIXe siècle grâce aux observations publiées en 1837 par les astronomes allemands, Friedrich Georg Wilhelm von Struve pour VegaVega, et en 1838, par Friedrich Wilhelm Bessel pour 61 Cygni.
Cette méthode est simple à comprendre et repose sur des raisonnements élémentaires en géométrie pour un Homo sapiensHomo sapiens du XXIe siècle ; évidemment, il en était tout autrement au temps des grecs comme Hipparque. Il faut mesurer à 6 mois d'intervalle des positions d'un astre sur la voûte céleste et appliquer la trigonométrietrigonométrie dans les triangles. De la mesure de la variation angulaire apparente de l'astre et de la connaissance du diamètre de l'orbiteorbite terrestre, on en déduit sa distance. Dans le cas de XTE J1810-197, elle est d'environ 8.100 années-lumière, ce qui confirme qu'il s'agit bien d'un des plus proches magnétars connus.
Cette donnée est d'importance car elle permet de mieux calculer la puissance des éruptions de rayonnement produites par ce magnétar et donc de contraindre les modèles avancés pour les expliquer. C'est aussi une preuve de principe que l'on peut faire de même avec le VLBA pour d'autres magnétars proches dans la Voie lactée, ce qui veut dire que l'on finira par avoir assez de données collectées pour départager les modèles envisagés, notamment ceux qui font des FRB des éruptions particulières de magnétars.
Ainsi, on sait que le pulsar du Crabe émet parfois des impulsions radio plus fortes qu'à son habitude et que les caractéristiques de ces impulsions laissent penser qu'elles sont analogues à celles, plus puissantes encore, associées aux FRB.
Chandra débusque une population de magnétars exotiques
Article de Laurent Sacco publié le 04/06/2013
Les astrophysiciens sont intrigués par le magnétar SGR 0418 depuis des années. Des mesures précises viennent de confirmer qu'il possède un champ magnétique anormal. Cet astre compact serait en quelque sorte la pointe émergée d'un iceberg constitué d'une population d'étoiles à neutrons assez exotiques dans la Voie lactée.
Cela ne fait guère plus de 40 ans que l'existence des étoiles à neutrons a été admise par la communauté des astrophysiciens. Pourtant, l'idée est ancienne et l'on peut presque dire qu'elle est aussi vieille que la découverte du neutron par Chadwick en 1932. Très peu de temps après, Walter Baade et Fritz Zwicky commencèrent en effet à étudier de telles étoiles composées de neutrons, avant de faire le lien avec les supernovae.
À l'époque, les travaux des deux chercheurs ne sont pas pris au sérieux, sauf par deux physiciensphysiciens et pas des moindres. Il y a d'abord le futur prix Nobel de physique, Lev Landau, qui propose en 1938 une théorie sur la production d'énergie à l'intérieur des étoiles. Elle postule l'existence de cœurs de neutrons, libérant de l'énergie par désintégration radioactive.
La difficile acceptation de l'existence des étoiles à neutrons
Conscient du génie de Landau, Robert Oppenheimer entreprend alors d'utiliser les équationséquations de Richard Tolman sur des sphères de fluides en relativité généralerelativité générale, pour explorer la physique de ces cœurs de neutrons. Avec son étudiant Georges Volkoff, il effectue en 1939 les premiers véritables calculs sur le concept moderne d'étoiles à neutrons. Avec un autre étudiant, Hartland Snyder, Oppenheimer analysera ce qu'il advient de tels objets lorsqu'ils s'effondrent gravitationnellement, jetant au passage la base de la théorie des trous noirs. Deux articles sortiront de ces collaborations : On Massive Neutron Cores, avec Georges Volkoff, et On Continued Gravitational Contraction, avec Hartland Snyder.
Mais il faudra attendre la découverte des pulsars en 1967 pour que ces astres extraordinaires que sont les étoiles à neutrons soient vraiment admis par la communauté des astrophysiciens. Aujourd'hui, plus de 1.800 pulsars sont connus dans notre galaxie.
Des pulsars aux magnétars
Les pulsars possèdent un champ magnétique d'une très grande intensité. Ce champ magnétique provient initialement de l'étoile qui s'est effondrée pour former une étoile à neutrons. Le flux du champ magnétique à travers la surface de l'étoile doit se conserver, et il est proportionnel à l'intensité de ce champ. Dans le cas d'une étoile de la masse du Soleil s'effondrant pour donner une étoile à neutrons, on passe d'un astre dont le diamètre est d'environ un million de kilomètres à un astre dont le diamètre est de quelques dizaines de kilomètres. Sa surface étant formidablement réduite, une augmentation tout aussi importante de son champ magnétique doit en résulter.
Mais dans le cas de certaines étoiles à neutrons, l'effet dynamo bien connu dans le cas de la Terre, peut augmenter des dizaines voire des milliers de fois l'intensité du champ magnétique. On obtient ce qu'on appelle des magnétars. Théorisé par Robert Duncan et Christopher Thompson qui postulèrent son existence en 1992, le champ magnétique associé à ces étoiles dépasse 1011 teslasteslas, une valeur colossale. À titre de comparaison, le champ terrestre, lui, n'atteint environ que 50 microteslas. En rotation rapide, les magnétars émettent un flux intense de rayons X et gamma, parfois avec des bouffées, mais l'énergie stockée dans leur champ magnétique s'épuise à peu près en 10.000 ans, et le rayonnement X s'éteint.
Une anomalie dans une famille d'étoiles anormales
C'est donc avec surprise que les astrophysiciens ont décrypté les observations concernant SGR 0418+5729 (appelé aussi SGR 0418). Comme ils l'expliquent dans un article déposé sur arxiv, les chercheurs ont surveillé pendant trois ans l'activité de ce magnétar grâce à Chandra, ainsi que d'autres satellites équipés d'instruments effectuant des mesures dans le domaine des rayons X (XMM-Newton, Swift et RXTE). Cela leur a permis de réaliser des mesures précises de l'intensité de son champ magnétique à l'occasion des éruptions génératrices de rayons X, modifiant sa vitesse de rotationvitesse de rotation.
Or, l'intensité du champ magnétique du magnétar SGR 0418 est seulement celle d'un pulsar moyen, ce qui signifie qu'il est ancien. En modélisant l'évolution du refroidissement de l'étoile à neutrons et de sa croûtecroûte, ainsi que le déclin progressif de son champ magnétique, les chercheurs ont estimé que SGR 0418 est âgé d'environ 550.000 ans. Cela fait de lui l'un des plus vieux magnétars connus.
Cette découverte laisse penser que les étoiles à neutrons sont plus diversifiées qu'on ne le croyait, et qu'une population de magnétars comme SGR 0418 doit exister dans la Voie lactée. Selon l'un des auteurs de cette découverte, Nanda Rea de l'institut des Sciences spatiales à Barcelone : « L'existence de SGR 0418 a des conséquences importantes sur la façon dont nous pensons que les étoiles à neutrons évoluent dans le temps, et pour notre compréhension des explosions de supernovaesupernovae ».
En effet, elle impliquerait par exemple que le champ magnétique de ces vieux magnétars était en fait beaucoup plus intense que ce que l'on croyait possible lors de leur formation, ce qui pourrait aussi être le cas des étoiles massives leur ayant donné naissance.