Une naine brune accompagnant une étoile similaire au Soleil a été observée directement dans le proche infrarouge et retient l’attention des chercheurs. Ses propriétés physiques en feraient un référent dans son domaine, et elle pourrait être « utilisée comme laboratoire pour tester des modèles théoriques d’atmosphère » afin de mieux comprendre les exoplanètes.

Bien que très nombreuses dans la Galaxie, les naines brunes restent difficiles à appréhender et mal connues des chercheurs. Trop gros pour être considérés comme des planètes, ces astres sombres ne sont toutefois pas assez chauds et massifs pour permettre la fusion de l'hydrogène en leur cœur. Brillant très faiblement, ces corps gazeux intermédiaires sont trahis par le rayonnement infrarouge qu'ils émettent. Chassés pour ainsi dire depuis une petite vingtaine d'années, les cas identifiés ne sont pas légion. On en découvre de toutes sortes, accompagnés d'exoplanètes, en orbite autour de naines blanches ou encore de dimensions si minuscules qu'il reste très difficile pour les astronomes de trancher sur leur nature, entre étoile et planète. Curieusement, les naines brunes sont encore rares à figurer dans des systèmes binaires.

Dans le cadre de l'enquête Trends (TaRgetting bENchmark-objects with Doppler Spectroscopy), le professeur Justin Crepp (université Notre-Dame, Indiana, États-Unis) et son équipe ont annoncé récemment dans leur article publié dans The Astrophysical Journal avoir imagé directement un type très rare de naine brune qui accompagne une étoile comparable à notre Soleil. Un cas qui, selon eux, pourrait devenir, à terme, une référence pour leur caractérisation, de même que pour l'étude des atmosphères d'exoplanètes.

Observation directe d'une naine brune

L'astre en question a d'abord été détecté par vitesse radiale au fil d'un suivi régulier de 17 années (de 1996 à 2013) de l'étoile HD 19467, distante d'environ 101 années-lumière, mené avec le télescope géant Keck I (l'observatoire Keck est installé au sommet du Mauna Kea, à Hawaï). Celui-ci est doté de l'instrument de très haute précision Hires (High-Resolution Echelle Spectrometer). La naine brune fut observée directement pour la première fois en 2012, notamment grâce à la caméra NIRC2 (Near-Infrared Camera 2), installée quant à elle au foyer du télescope voisin Keck II (les deux télescopes font dix mètres de diamètre).

Vue d’artiste d'une naine brune de type spectral T. On vient d’en observer une directement autour de l’étoile HD 19467. © Nasa

Vue d’artiste d'une naine brune de type spectral T. On vient d’en observer une directement autour de l’étoile HD 19467. © Nasa

Bénéficiant de l'optique adaptative, Keck II a permis à l'instrument sensible au proche infrarouge de capturer avec fort contraste le rayonnement de HD 19467 B, astre 100.000 fois moins brillant que son étoile compagne. Connue entre autres pour avoir apporté les preuves définitives de l'existence de Sagittarius A* (Sgr A*), le trou noir supermassif tapi au centre de la Voie lactée, la caméra NIRC2 est régulièrement sollicitée par les astronomes pour étudier la surface des planètes de notre Système solaire et en débusquer aussi de lointaines, gravitant autour d'autres étoiles. Plus récemment, elle a contribué à révéler de gigantesques filaments de matière entre les galaxies.

Une naine brune de type T pour l’étude des atmosphères d'exoplanètes

Distante d'environ 50 unités astronomiques de son étoile parente, la naine brune HD 19467 B présente une masse estimée entre 52 et 57 fois celle de Jupiter. « Cet objet est vieux et froid et devrait recueillir, à terme, davantage d'attention comme l'une des naines brunes les mieux étudiées et scrutées détectées à ce jour », commente Justin Crepp. En effet, le chercheur et son équipe estiment que la naine brune de type spectral T pourrait aider à mieux comprendre les exoplanètes. « Au moyen d'observations continues, nous pouvons l'utiliser comme laboratoire pour tester des modèles théoriques d'atmosphère. »

Dans cette perspective, « nous voulons à terme obtenir des images directes de planètes comme la Terre et acquérir leur spectre. À partir de celui-ci, nous devrions être en mesure de dire de quoi est faite la planète, quels sont sa masse, son rayon, son âge, etc., essentiellement toutes les propriétés physiques pertinentes. » Une étape supplémentaire dans notre connaissance des nouveaux mondes explorés depuis 20 ans déjà.