Les techniques de datation isotopique en cosmochimie ont une fois encore fait preuve de leur puissance. Un groupe de chercheurs a réussi à dater plus précisément la première étape de formation du système solaire.

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    Une autre météorite carbonée, trouvée au Maroc, NWA 1694. Image © T. E. Bunch, 2004

    Une autre météorite carbonée, trouvée au Maroc, NWA 1694. Image © T. E. Bunch, 2004

    Dans les grandes lignes, la formation du système solaire est assez bien comprise. Mais si l'on veut y regarder d'un peu plus près, plusieurs scénarios restent possibles. On ne comprend pas très bien la formation des planètes géantes par exemple, et l'on ne sait pas si le passage d'un disque de grains à un disque comportant des planétésimaux s'est accompagné ou non de forts mouvements turbulents. La chronologie demande elle aussi à être précisée et c'est ce qu'ont fait Frédéric Moynier, Qing-zhu et Benjamin Jacobsen, de l'Université Californie Davis.

    Pour mieux comprendre le contexte de leurs travaux, il faut exposer un des modèles principaux de la formation du système solaire tel qu'il est représenté avec le schémas ci-dessous.

    Il présuppose qu'il y a environ 4,6 milliards d'années, un nuagenuage moléculaire dense et froid, riche en gaz et en poussières, s'est effondré gravitationnellement pour donner un disque autour du proto-Soleil. Dans ce disque (premier dessin du schéma), il n'existe encore que de la poussière et des gaz. Il se produit alors une série de mécanismes complexes qui vont faire que les grains de poussière vont s'agglomérer pour donner des petits corps de quelques centaines de mètres de diamètre : des planétésimaux.  

    Formation d'un système planétaire à partir d'un disque de poussière. Cliquez pour agrandir. Crédit : <em>National Academy of Sciences</em>

    Formation d'un système planétaire à partir d'un disque de poussière. Cliquez pour agrandir. Crédit : National Academy of Sciences

    Le passage du deuxième dessin au troisième en bas à gauche représente l'apparition d'une vingtaine de corps de la taille de mars dans la zone correspondant environ à celle occupée actuellement par les planètes telluriquesplanètes telluriques du système solaire. Ces corps sont le produit des collisions entre planétésimaux. Enfin, ces planètes vont à leur tour entrer en collision avec une compétition entre processus d'accrétionaccrétion et de fragmentation pour donner les planètes telluriques actuelles et les noyaux rocheux des géantes gazeusesgéantes gazeuses. Parallèlement, et comme indiqué sur le dernier dessin, certains corps seront éjectés gravitationnellement vers les régions extérieures du système solaire.

    Un échantillon de la météorite d'Allende, la Pierre de Rosette de la planétologie selon Claude Allègre. Cliquez pour agrandir. Crédit : D. Ball, ASU

    Un échantillon de la météorite d'Allende, la Pierre de Rosette de la planétologie selon Claude Allègre. Cliquez pour agrandir. Crédit : D. Ball, ASU

    Le passage d'un disque de grains à un disque avec planétésimaux est la partie dont la chronologie comporte le plus d'incertitudes. Pour obtenir une meilleure résolutionrésolution temporelle, les chercheurs se sont intéressés à un type très particulier de météoritemétéorite : les chondriteschondrites carbonées.

    Contrairement aux achondrites qui ont subi des modifications physico-chimiques ultérieures, ces météorites ont très peu changé et elles conservent les traces des matériaux primitifs du système solaire. L'exemple le plus connu est celui de la météorite d'Allende, tombée près du village du même nom dans l'état du Chihuahua au Mexique, le 8 février 1969.

    Les chondrites carbonées sont formées de petites sphères blanches, les chondreschondres, riches en matériaux réfractairesréfractaires silicatés et métalliques, enrobés dans une matrice sombre de matériaux carbonés. Cette structure est bien visible sur la photo ci-dessus.

    En utilisant la technique de spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif, les rapports d'abondance de chromechrome 53 et de manganèsemanganèse 53 ont pu être déterminés pour plusieurs échantillons de chondrites carbonées. On peut alors s'en servir pour dater la formation des minéraux et des roches. L'âge obtenu pour le passage rapide d'un disque de grain à un disque de planétésimaux confirme le chiffre jusque-là supposé, et l'encadre dans une marge d'erreur étroite: 4,568 milliards d'années +910.000 ans/-1.170.000 ans.

    Ce résultat sera utile comme contrainte pour sélectionner, au niveau des détails, les différents scénarios pour la formation du système solaire.