Avant la naissance des premières étoiles, après l'émission du rayonnement fossile, des concentrations de matière noire se sont peut-être effondrées pour donner des étoiles exotiques constituées d'une mythique particule qui reste à découvrir – l'axion – si elle existe. Instables, ces étoiles auraient explosé en lumière, laissant une trace indirecte que pourraient détecter certains radiotélescopes.

Les années 1990 ont vu l'essor du modèle cosmologique standard basé sur l'existence des particules de matière noire. Se développe aussi à ce moment-là le domaine des astroparticules qui utilise les prédictions du modèle standard de la physique des particules et ses extensions relevant d'une nouvelle physique pour comprendre les phénomènes astrophysiques et cosmologiques d'une part, et pour tester les prédictions des théories de la physique des hautes énergies considérées, d'autre part.

En ce qui concerne la matière noire, la classe des théories qui a le vent en poupe à l'époque, c'est celle des particules supersymétriques. Elles découlent d'extensions naturelles des mathématiques de l'espace-temps de la relativité restreinte et même de la relativité générale. Hélas, aucune trace de ces particules n'a encore été trouvée soit dans les collisions de protons au LHC, soit en rapport avec des phénomènes astrophysiques dans le rayonnement cosmique. On avait de bonnes raisons d'espérer voir des particules supersymétriques aux énergies accessibles par le LHC mais, si elles existent vraiment, on pense maintenant qu'elles sont plus lourdes et demandent donc plus d'énergie pour être créées en accord avec la fameuse équation d'Einstein E =mc2

On ne sait pas vraiment maintenant à quel point elles devraient être plus lourdes, peut-être trop d'ailleurs pour le successeur du LHC qui aurait alors une circonférence de 91 kilomètres.


Pierre Brun est physicien des particules à l’Irfu et travaille à la frontière entre la physique des particules et la cosmologie. Il s’intéresse à une théorie qui postule l’existence d’une particule dénommée « axion », qui résoudrait certains problèmes liés à la violation de symétrie dans les lois de la physique de l’interaction forte. Neutre et léger, et interagissant très faiblement avec la matière, l'axion a toutes les caractéristiques pour être une particule de matière noire. © CEA Sciences

Les axions, un serpent de mer de la physique des astroparticules

L'autre classe de théories qui, elle, a pris le relais aujourd'hui et qui était en seconde place à l'époque est celle des particules que l'on appelle des axions et qui avait été proposée dès les années 1970 pour résoudre des problèmes avec la théorie des forces nucléaires fortes entre les quarks, la QCD. Des variantes ont ensuite été développées, notamment dans le cadre de la théorie des cordes.

Les axions sont par contre très légers, ce qui veut dire que pour constituer la matière noire qui domine la matière normale pour expliquer les caractéristiques des galaxies et des amas de galaxies, ils doivent être très nombreux. La majorité écrasante des axions se serait formée pendant le Big Bang, mais le Soleil pourrait en produire aussi - que l'on tente d'ailleurs depuis un moment de détecter au Cern.

Une équipe internationale de physiciens parmi lesquels se trouve Malcolm Fairbairn du King's College de Londres a justement une théorie intéressante avec les axions, qu'elle développe dans deux articles que l'on peut trouver sur arXiv, et qui repose sur un concept qui n'est pas entièrement nouveau, celui d'étoiles axioniques.

Dans un communiqué du King's College, Malcolm Fairbairn explique : « Les axions sont l'un des principaux candidats à la matière noire. Nous avons découvert que ces particules ont la capacité de chauffer l'Univers tout comme les supernovae et les étoiles ordinaires après s'être rassemblées en amas denses. Forts de ces connaissances, nous savons avec beaucoup plus de certitude où pointer nos instruments sur le terrain pour les trouver. »

Voyons de quoi il en retourne.


Tout, tout, tout sur les axions. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Space Time

Une matière noire superfluide ?

Les axions sont des bosons, comme les photons et certains noyaux d'atomes dont les plus fameux sont les atomes d'hélium 4 pouvant former un superfluide. En utilisant les travaux du physicien indien Satyendra Nath Bose, Albert Einstein a montré de 1924 à 1925 qu'un gaz de boson refroidi suffisamment change de phase pour se comporter comme un ensemble de particules aux mouvements tellement coordonnés qu'elles ne constituent plus en quelque sorte qu'un seul objet quantique. Il s'agit du célèbre condensat de Bose-Einstein.

Malcolm Fairbairn et ses collègues pensent qu'au cœur des concentrations de matière noire s'effondrant gravitationnellement laissées par le Big Bang sous forme d'axions, des condensats de Bose-Einstein peuvent se créer sous la forme d'un seul paquet de particules plus dense, cousin des solitons de certaines équations non linéaires.

Ces étoiles axioniques pourraient se former avant les premières étoiles, 50 à 500 millions d'années après le Big Bang. Mais elles seraient instables après avoir atteint une certaine masse en accrétant des axions et finiraient par se désintégrer en explosant sous la forme d'une émission intense de rayonnement électromagnétique.


Plus d'informations sur les axions, les condensats de Bose-Einstein, la matière noire et les galaxies. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Space Time

Des étoiles axioniques trahies par la raie de l'hydrogène à 21 cm ?

Ce rayonnement pourrait ioniser des poches de matière normale et contribuer donc à la réionisation de cosmos, réionisation que l'on attribue généralement aux premières étoiles. Cela laisserait des traces dans le rayonnement fossile, traces qui dépendent des caractéristiques des axions. Les analyses des données prises par le satellite Planck concernant le rayonnement fossile permettent déjà de poser des contraintes sur la théorie des axions et des étoiles axioniques.

Mais le plus beau pourrait advenir dans quelque temps.

En effet, les chercheurs ont montré que le milieu intergalactique où allaient naître les premières étoiles et les premières galaxies ne va pas seulement être localement réionisé, il va aussi être chauffé.

Ce chauffage va affecter la manière dont les atomes d'hydrogène émettaient à l'époque du rayonnement selon la fameuse raie à 21 cm. Il devrait exister une sorte de fond diffus cosmique de ce rayonnement que l’on cherche à mesurer pour avoir des informations sur les âges sombres du cosmos, c’est-à-dire précisément la période où les étoiles n’existent pas encore ou sont encore très rares.

Les explosions d'étoiles axioniques laisseraient une trace bien spécifique dans le fond diffus à 21 cm que nous pourrions détecter dans un avenir proche avec un instrument comme le Square Kilometre Array (SKA). Nous pourrions alors avoir indirectement une preuve et une détection de l'existence de la matière noire et même découvrir qu'elle est floue, quantique et superfluide, comme l'explique également la vidéo ci-dessus.