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En haut, des images du système de 2M J044144 prises par Hubble et en bas celles prises par le télescope au sol de Gemini à Hawaï. Dans les deux cas, la seconde image montre plus clairement le compagnon de la naine brune, plus brillante dans la première image et qu'on a enlevé en traitant l'image. Crédit : (en haut) Nasa, Esa, K. Todorov, K. Luhman (Pennsylvania State University); (en bas) Gemini Observatory/Aura/K. Todorov, K. Luhman (Pennsylvania State University)
On doit à Descartes, Kant et Laplace les premiers modèles de formation des systèmes planétaires, qui faisaient intervenir un nuagenuage de gaz et de poussières tourbillonnant. L'idée est sans doute fort ancienne car on peut la deviner à travers la physique de Démocrite exposée dans l'ouvrage de Lucrèce, De rerum natura (voir le livre de Michel Serres : La Naissance de la physique dans le texte de Lucrèce).
Depuis quelques dizaines d'années, les spéculations ont été remplacées par les observations au télescope, les simulations numériquessimulations numériques et les analyses cosmochimiques. Il ne fait plus de doute que les idées de ces précurseurs étaient globalement correctes. Les étoiles prennent bien naissance au sein de nuages de gaz et de poussières turbulents qui se fragmentent pour donner des disques protoplanétaires.
Une vue d'artiste de la naine brune 2M J044144 entourée d'un disque de matière et d'une géante gazeuse. Crédit : Nasa-Esa
Il reste pourtant des incertitudes et des mystères dans les mécanismes menant de la fragmentation d'un nuage moléculaire froid à l'apparition de planètes en orbiteorbite autour d'une étoile centrale. On se souvient d'ailleurs de la surprise qu'a constituée la découverte des premières exoplanètesexoplanètes. Aucun spécialiste de la cosmogonie n'avait en effet anticipé l'existence des Jupiter chaudsJupiter chauds observés en nombre depuis 1995.
A nouveau, les idées sur la formation des planètes viennent d'être ébranlées par les observations. Les images fournies par le télescope HubbleHubble et celui de l'observatoire Gemini, situé au sommet du Mauna Kea à Hawaï, montrent une géante gazeusegéante gazeuse en orbite autour d'une naine brunenaine brune.
Rappelons qu'une naine brune n'est ni vraiment une planète ni vraiment une étoile. Sa massemasse est trop faible pour que s'y allument des réactions thermonucléaires, sauf parfois peut-être des réactions de fusionfusion du deutérium pendant une brève période. Par convention, une naine brune doit avoir sa masse située entre 13 fois celle de Jupiter et 0,07 fois celle du SoleilSoleil. Dans cette bande, des réactions de fusion du deutérium et du lithiumlithium, transitoires, sont possibles mais au-delà la fusion de l'hydrogènehydrogène se produit et on a alors une véritable étoile.
Le télescope Hubble montre une image de 2M J044144 où l'on distingue à peine en bas à gauche la présence d'un autre corps céleste moins lumineux. Crédit : Nasa, Esa, K. Todorov et K. Luhman, Z. Levay (STScI)
On sait déterminer la masse et l'âge d'une naine brune. Pour 2M J044144, située dans la région de formation d'étoiles de la constellation du Taureauconstellation du Taureau, cette estimation indique une masse de 20 fois celle de Jupiter et un âge inférieure au million d'années.
Or, les techniques de traitement d'images permettant de soustraire la lumièrelumière de la naine brune montrent clairement qu'il existe autour d'elle une exoplanète 5 à 10 fois plus massive que Jupiter en orbite à une distance de 3,5 milliards de kilomètres (ce qui la situerait, dans notre système solairesystème solaire, entre SaturneSaturne et NeptuneNeptune).
L'âge de cette naine brune représente une duréedurée bien trop courte pour qu'une planète géanteplanète géante ait eu le temps de se former par accrétionaccrétion de matièrematière au sein d'un disque protoplanétaire.
En retranchant de l'image de Hubble la composante associée à 2M J044144, on voit nettement maintenant une exoplanète compagne. Crédit : Nasa-Esa
Il ne semble pas possible non plus d'expliquer une formation aussi rapide par l'effondrementeffondrement d'une surdensité gazeuse dans un disque.
La seule explication semble bel et bien celle que l'on donne de la formation d'un système binairesystème binaire ou multiple comme celui d'Alcor et Mizar, c'est-à-dire la fragmentation, en deux (ou plusieurs) nébuleusesnébuleuses protoplanétaires en train de s'effondrer, d'un nuage dense et froid initial.
Les deux modèles principaux proposés pour expliquer la formation des planètes, par accrétion de planétésimaux et de gaz ou suite à une instabilité dans le disque protoplanétaire y provoquant localement un effondrement, sont représentés en haut de ce schéma. Le modèle du bas est celui de la formation d'une étoile binaire par fragmentation d'un nuage mais il semble qu'il puisse aussi expliquer la formation de planète autour d'une naine brune comme 2M J044144. Crédit : Nasa, Esa, A. Feild (STScI)
Si cette interprétation se confirme, cela rend moins clair la distinction entre planète et étoile puisque l'on aurait un processus de formation stellaire responsable de la formation d'une planète.
Remarquablement, tout proche du système de 2M J044144, on observe un autre système binaire constitué d'une naine rougenaine rouge et d'un naine brune. L'ensemble constitue peut-être un système quadruple.