Une nouvelle fenêtre pour l'étude des trous noirs vient de s'ouvrir avec le travail des membres de l'Event Horizon Telescope qui pouvait déjà voir des détails aussi petits qu'un bouchon de bouteille sur la Lune depuis la Terre. Ils viennent de tester une version améliorée mais encore partielle de leur réseau de radiotélescopes en montrant qu'ils pourront très bientôt obtenir des images d'une résolution supérieure de 50 % à celle des images de M87* et de SgrA* publiées précédemment. En outre, il est possible d'observer des trous noirs plus éloignés, plus petits et moins lumineux que les deux trous noirs imagés jusqu'à présent. C'est également un pas de plus pour filmer l'activité des trous noirs géants.
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On fait généralement remonter à John Michell (1724 -1793), prêtre, physicienphysicien, astronomeastronome et géologuegéologue britannique, les premières idées sur les trous noirs qu'il a notamment exposées en 1783 dans un article envoyé à la Royal Society. La théorie dominante alors de la lumière est celle de Newton, qui considère qu'elle est constituée d'analogues des particules de matière et donc sensible à la gravitation bien que se propageant à vitesse finie, comme l'astronome danois Ole Rømera (1644-1710), qui travaillait à l'Observatoire royal de Paris, l'avait compris presque un siècle plus tôt.
Un peu plus tard et indépendamment, le Newton français, le mathématicienmathématicien, astronome, physicien et chimiste Pierre-Simon de LaplacePierre-Simon de Laplace arrive à une conclusion similaire comme en témoigne ce passage écrit en 1796 dans son fameux traité pour le public cultivé et capable, Exposition du système du monde : « Un astreastre lumineux, de la même densité que la Terre, et dont le diamètre serait 250 fois plus grand que le SoleilSoleil, ne permettrait, en vertu de son attraction, à aucun de ses rayons de parvenir jusqu'à nous. Il est dès lors possible que les plus grands corps lumineux de l'UniversUnivers puissent, par cette cause, être invisibles. »
Quelques décennies plus tard, avec les travaux de Thomas Young et Augustin Fresnel sur la théorie ondulatoire de la lumière, qui n'est donc plus un flux de particules de matière, les idées de Michell et Laplace sont abandonnées jusqu'à l'essor de la théorie moderne des trous noirstrous noirs dans le cadre de la relativité généralerelativité générale d'EinsteinEinstein. Remarquablement cependant, du temps des deux pionniers, bien des travaux aux frontières de l'optique, de la mécanique et de la gravitation newtonienne allaient anticiper certaines questions associées à la théorie de la relativité comme l’a bien montré Jean Eisenstaedt, directeur de recherche émérite CNRS, Équipe d'histoire de l'astronomie du Syrte à l'Observatoire de Paris.
Les images de trous noirs publiées par la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) en 2019 et 2022 sont les images les plus nettes du cosmos jamais obtenues depuis la Terre. Elles ont été prises à l'aide d'un télescope de la taille de notre Planète. Si nous utilisons déjà le plus grand télescope terrestre possible, sommes-nous capables de prendre des images encore plus nettes des trous noirs ? Dans cet épisode de Chasing Starlight, Suzanna Randall, astronome à l'ESO, révèle comment une expérience pilote utilisant des télescopes faisant partie de l'EHT a permis d'obtenir les observations à la plus haute résolution jamais réalisées depuis le sol, et ce que cela signifie pour les futures images de trous noirs. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO
Des photographies radio des trous noirs supermassifs
Plus de deux siècles plus tard, tout a bien changé, nous avons une théorie quantique de la lumière et nous photographions l'ombre de l'horizon des événementshorizon des événements des trous noirs dans le cadre de la collaboration Event Horizon Telescope (EHT) qui a publié des images de M87*, le trou noir supermassif au centre de la galaxie M87, en 2019, et de Sgr A*, le trou noir au cœur de notre Galaxie, la Voie lactée, en 2022. Ces images sont conformes dans les grandes lignes à celle simulée en 1979 par Jean-Pierre Luminet. Elles soutiennent également la théorie de la relativité générale et la théorie des trous noirs construite avec elle alors qu’il existe des théories alternatives.
Mais pour obtenir ces images qui reviennent à avoir la résolutionrésolution suffisante pour voir un doughnut à la surface de la LuneLune dans le visible, il a fallu obtenir un radiotélescoperadiotélescope virtuel de la taille de la Terre en combinant des observations avec des radiotélescopes réels observant dans le domaine des ondes millimétriques selon la technique de synthèse d'ouverturesynthèse d'ouverture appelée interférométrieinterférométrie à très longue base (VLBIVLBI).
Rappelons que selon la théorie ondulatoire de la lumière appliquée à un télescopetélescope, la taille de pixelpixel que l'on peut former pour l'image d'un objet lointain varie comme le quotient de la longueur d'ondelongueur d'onde utilisée par le rayon du miroirmiroir primaire du télescope. Une longueur d'onde plus courte et/ou un rayon plus grand donnent des images avec un meilleur piqué.
Les membres de l'EHT viennent de faire savoir via un communiqué de l'ESOESO accompagnant un article publié dans The Astronomical Journal qu'ils venaient d'obtenir justement une résolution record pour de la VLBI radio avec des instruments sur Terre. Toutefois, on avait déjà atteint une résolution encore supérieure quand le radiotélescope russe RadioAstron était encore en service dans l'espace.
Il ne s'agit pas encore d'image à plus haute résolution des trous noirs M87*M87* et Sgr A*Sgr A*, mais d'une preuve de principe que ce sera bientôt possible. Comme il s'agissait toujours d'utiliser des instruments sur Terre, les radioastronomes ont utilisé une longueur d'onde plus courte pour augmenter la résolution.
Des images 50 % plus nettes des trous noirs
Dans le communiqué de l'ESO, l'un des principaux chercheurs impliqués, Alexander Raymond, précédemment chercheur post-doctorant au Centre d'astrophysiqueastrophysique de Harvard et Smithsonian (CfA), et maintenant au mythique Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory, explique : « Avec l'EHT, nous avons vu les premières images de trous noirs en utilisant les observations à la longueur d'onde de 1,3 mm, mais l'anneau brillant que nous avons vu, formé par la flexionflexion de la lumière dans la gravitégravité du trou noir, semblait encore flou parce que nous étions à la limite absolue de la netteté des images. À 0,87 mm, nos images seront plus nettes et plus détaillées, ce qui révélera probablement de nouvelles propriétés, à la fois celles qui avaient été prédites et peut-être d'autres qui ne l'avaient pas été ».
Mais déjà, des résultats prometteurs avec cette technique ont été obtenus en observant des galaxiesgalaxies, d'une part avec Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array - en français, le grand réseau d'antennes millimétrique-submillimétrique de l'Atacama) et ApexApex (Atacama Pathfinder EXperiment) dans le désertdésert d'Atacama au Chili et d'autre part avec le télescope de 30 mètres de l'Iram en Espagne, le NOrthern Extended Millimeter Array (Noema) en France, ainsi que le Greenland Telescope et le Submillimeter Array à Hawaï.
Selon Sheperd « Shep » Doeleman, directeur fondateur de l'EHT, astrophysicienastrophysicien au CfA et codirecteur de l'étude, « l'observation des changements dans le gazgaz environnant à différentes longueurs d'onde nous aidera à résoudre le mystère de l'attraction et de l'accrétionaccrétion de la matière par les trous noirs, et de la façon dont ils peuvent lancer de puissants jets sur des distances galactiques ».
Le « Event Horizon Telescope » (EHT) – un réseau constitué de huit radiotélescopes répartis sur la surface de la planète créé dans le cadre d’une collaboration internationale – a été conçu pour capturer les images d’un trou noir. Les chercheurs de l’EHT révèlent, à l’occasion de conférences de presse coordonnées autour du globe, qu’ils sont parvenus à obtenir la toute première preuve visuelle d’un trou noir supermassif et de son ombre. Ce film de 17 minutes explore les efforts qui ont mené à cette image historique, de la science d'Einstein et Schwarzschild aux luttes et succès de la collaboration EHT. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO
Filmer des trous noirs en éruption
Un autre communiqué, sur le site du Center for Astrophysics | Harvard & Smithsonian (CfA) cette fois, explique que « cette réalisation constitue également une nouvelle étape dans la création de films haute fidélité de l'environnement de l'horizon des événements entourant les trous noirs, qui s'appuieront sur des mises à niveau du réseau mondial existant. Le projet EHT de nouvelle génération (ngEHT) prévu ajoutera de nouvelles antennes à l'EHT dans des emplacements géographiques optimisés et améliorera les stations existantes en les mettant à niveau pour qu'elles fonctionnent toutes à plusieurs fréquencesfréquences entre 100 GHz et 345 GHz en même temps. Grâce à ces mises à niveau et à d'autres, le réseau mondial devrait augmenter d'un facteur 10 la quantité de données nettes et claires dont dispose l'EHT pour l'imagerie, ce qui permettra aux scientifiques de produire non seulement des images plus détaillées et plus sensibles, mais aussi des films mettant en scène ces violentes bêtes cosmiques ».