Les naines blanches sont des étoiles à l'agonie, montrant le destin du Soleil, et se refroidissant lentement dont la première description théorique est presque centenaire. Les astrophysiciens pensaient bien les connaître mais les observations de la mission Gaia se sont révélées contradictoires avec la théorie, certaines naines blanches semblant défier le scénario de leur mort thermique. La solution de l'énigme qu'elles posaient semble toutefois avoir été trouvée.
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En 2019, les astrophysiciensastrophysiciens Sihao Cheng, Martin A. et Helen Chooljian étaient tombés sur une découverte surprenante en analysant les données du satellite Gaiasatellite Gaia de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne. Membres du célèbre Institute for Advanced Study (IAS), aux États-Unis, autrefois dirigé par Robert Oppenheimer alors qu'EinsteinEinstein s'y trouvait encore et discutait avec Yvonne Choquet-Bruhat, les trois chercheurs ont constaté que des étoiles connues sous le nom de naines blanches étaient plus chaudes que prévu malgré leur âge.
La théorie de ces astres compacts était pourtant censée être bien connue depuis des décennies et elle prédisait une lente agonie pour ces quasi-cadavres stellaires par refroidissement, une fois leur carburant thermonucléaire épuisé. Visiblement quelque chose aidait ces étoiles à défier au moins temporairement leur mort en restant chaudes pendant plusieurs milliards d'années.
Dans un communiqué de l'IAS, Sihao Cheng explique maintenant que « pour que ces naines blanches cessent de se refroidir, elles doivent produire de l'énergie supplémentaire. Même si au départ nous étions incertains de ce que pourrait être ce processus, nous comprenons désormais mieux comment il se produit ». En effet, lui et ses collègues Antoine Bédard de l'université de Warwick (uk) et Simon Blouin de l'université de Victoria (Canada) pensent avoir trouvé la clé de l'énigme, comme il l'explique dans un article de Nature. Mais pour comprendre de quoi il en retourne, il faut d'abord en savoir un peu plus sur ces étoiles mystérieuses que sont les naines blanches.
Extrait du documentaire Du Big bang au Vivant (ECP Productions, 2010), Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges puis en naines blanches. © Jean-Pierre Luminet
Les naines blanches, la masse du Soleil dans le volume de la Terre
Comme Futura l'a expliqué à plusieurs reprises, les astronomesastronomes ont fait la découverte des naines blanches au XVIIIe siècle, malgré leur faible luminositéluminosité, et ils ignoraient alors à quel point ces astres étaient exotiquesexotiques. Ils ont commencé à s'en rendre compte au tout début du XXe siècle avec la détermination de l'extraordinaire densité des naines blanches. À la stupéfaction des astrophysiciens de l'époque, une valeur de l'ordre de la tonne par centimètre cube fut en effet dérivée de l'observation d'étoiles comme SiriusSirius B.
Rapidement cependant, le physicienphysicien RalphRalph Fowler comprit que la toute nouvelle mécanique statistique quantique découverte par son collègue et thésard Paul DiracPaul Dirac à la fin des années 1920 (qui avait prédit théoriquement l'existence de l'antimatière à la même époque), décrivant un gazgaz d'électronsélectrons dégénéré dans le jargon des physiciens, pouvait expliquer l'existence de ces étoiles. Reprenant les travaux de Fowler, le tout jeune astrophysicien Subrahmanyan Chandrasekhar (âgée alors de 20 ans) eut l'idée d'introduire les effets de la théorie de la relativité restreinterelativité restreinte et il posa les fondations de la structure stellaire de ces étranges objets en découvrant au passage qu'ils ne pouvaient pas dépasser une massemasse limite, désormais connue sous le nom de masse de Chandrasekhar, sans s'effondrer gravitationnellement.
Les progrès observationnels permirent simultanément de découvrir plusieurs types de naines blanches, différant par la composition chimique de leurs atmosphèresatmosphères. On détermina finalement que les naines blanches sont l'étape finale de l'évolution des étoiles, contenant au maximum 8 à 10 masses solaires, quand elles ont épuisé leur carburant nucléaire car elles ont converti leur hydrogènehydrogène d'abord en héliumhélium puis celui-ci en carbonecarbone et en oxygèneoxygène pour l'essentiel. N'étant plus le siège de réactions de fusionfusion, la pression de radiationpression de radiation auparavant produite par ces réactions n'empêche plus une naine blanche de s'effondrer sous sa propre gravitégravité si elle dépasse la limite de Chandrasekharlimite de Chandrasekhar, limite fixée par la pression du gaz d'électrons à vitessesvitesses relativistes s'opposant à la contraction de l'étoile. Sinon les naines blanches peuvent alors rassembler la masse du SoleilSoleil dans un volumevolume de la taille de la Terre. Il s'agit donc d'astres très denses et qui se refroidissent très lentement.
Des étoiles qui cristallisent en mourant
Elles ont été étudiées par nombre de grands théoriciens de l'astrophysiqueastrophysique vers le milieu du siècle dernier, par exemple Evry Schatzman, qui avec les progrès de l'astrophysique nucléaire d'après-guerre, ont démontré que l'essentiel d'une naine blanche devait être constitué de noyaux de carbone et d'oxygène baignant dans un gaz dégénéré d'électrons relativistes. Mais, c'est au cours des années 1960 que divers astrophysiciens théoriciens, dont Edwin Salpeter en 1961, ont réalisé que le cœur d'une naine blanche devait assez rapidement se transformer en un immense réseau cristallinréseau cristallin de noyaux de carbone et d'oxygène. Une part importante du volume d'une naine blanche devait ainsi ressembler à une sorte de diamantdiamant géant, bien que la structure cristalline obtenue avec le carbone ne soit pas exactement celle du diamant sur Terre.
Cette théorie a été précisée par Hugh M. Van Horn en 1967 à l'université de Rochester (États-Unis), ce qui l'a conduit à la conclusion que le processus de cristallisation devait se produire sur la base d'une théorie déjà avancée, en 1934, par le grand physicien Eugène Wigner. En fin de vie, une étoile comme le Soleil devrait donc se transformer en naine blanche qui, en se refroidissant, deviendra un cristal de Wigner, un objet que l'on rencontre aussi en physiquephysique du solidesolide.
Nous pouvons maintenant comprendre ce qui a été découvert de nouveau avec les naines blanches.
Des chronomètres galactiques à revoir
Au début du refroidissement, leur intérieur peut se voir comme un liquideliquide qui cristallise, mais ce que l'on n'avait pas compris avant c'est que la densité des cristaux qui peuvent se former est plus faible que celle du liquide, tout comme c'est le cas lorsque de la glace d'eau se forme sur Terre.
Il en résulte que des blocs de cristaux vont avoir tendance à monter vers la surface pour flotter, alors que du liquide plus dense s'enfonce dans les profondeurs. Ce faisant, l'énergie gravitationnelle de ce liquide est libérée et chauffe l'étoile, maintenant sa température plus élevée qu'on ne le pensait naïvement pendant des milliards d'années.
En fait, cela se produirait chez certaines naines blanches et pas chez d'autres. On ne sait pas très bien pourquoi, mais les astrophysiciens ont des idées. Ainsi, dans le communiqué de l'IAS, Blouin explique que « certaines étoiles nainesétoiles naines blanches sont formées par la fusion de deux étoiles différentes. Lorsque ces étoiles entrent en collision pour former la naine blanche, la composition de l'étoile changerait de manière à permettre la formation de cristaux flottants ».
La découverte est importante pour l'archéologie galactique : le temps de refroidissement des naines blanches dans des groupes d'étoiles sert à dater ces groupes car plus une naine blanche est froide, plus on suppose qu'elle est âgée.
Mais on comprend maintenant que certaines étoiles d'une température donnée peuvent être des milliards d'années plus vieilles qu'on ne le pensait auparavant.
« Notre travail nécessitera la mise à jour des manuels d'astronomie », conclut Cheng.