Des étoiles hypervéloces battant le record de vitesse ont été détectées par la mission Gaia. Elles accréditent le scénario dit de la double détonation pour les supernovae SN Ia.


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    On connaît depuis quelques années une poignée d'étoiles dans la Voie lactée dont les vitesses sont si élevées qu'elles vont quitter notre Galaxie (certaines vont plus vite encore mais elles sont piégées sur des orbites autour du trou noir supermassif central). La mission d'astrométrie GaiaGaia de l'ESAESA vient d'en débusquer quelques autres dont l'une bat le record de vitesse pour les étoiles atteignant la vitesse de libération. Elles sont désignées par J1235 et J0927 dans un article publié sur arXiv par une équipe de chercheurs menée par Kareem El-Badry de l'Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics aux États-Unis. Leurs vitesses sont respectivement de 1 694 et 2 285 kilomètres par seconde, ce qui est un peu moins d'un pourcent de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière qui est d'environ 299 792 km/s !

    Selon les chercheurs, ces astresastres avec leur vitesse soutiendraient ce qui est appelé la théorie de la « double détonation à double dégénérescence dynamique », en abrégé D6 pour dynamically driven double-degenerate double-detonation, en anglais. Qu'est-ce que c'est ?

    Une vue d'artiste des étoiles hypervéloces. © ESA, CC BY-SA 3.0 IGO
    Une vue d'artiste des étoiles hypervéloces. © ESA, CC BY-SA 3.0 IGO

    Il s'agit d'une théorie proposée pour rendre compte des caractéristiques des populations de supernovaesupernovae SNSN IaIa. Rappelons que selon le scénario standard le plus fréquemment évoqué, tout commence par une naine blanchenaine blanche en dessous de la fameuse masse limite de Chandrasekhar accrétant de la matièrematière d'une étoile compagne dans un système binairesystème binaire. Il arriverait un moment où l'addition de matière faisant atteindre cette limite qui est d'environ 1,4 massemasse solaire, la pressionpression de la matière dans la naine blanche qui est dans un état quantique que l'on appelle dégénéré ne suffit plus à contrer l'effondrementeffondrement gravitationnel. L'étoile se contracte brutalement et chauffe au point de déclencher une détonation thermonucléaire.

    Une onde de choc qui comprime le cœur d'une naine blanche

    D'une part, il y a trop de SN IA de ce genre avec ce scénario, d'autre part on a observé de telles supernovae se produisant sans que l'on puisse détecter avant l'explosion une étoile compagne ordinaire (ce fut le cas en 2011 avec l'exemple de la supernova SN 2011fe). Ken Shen, astrophysicienastrophysicien à l'Université de Californie à Berkeley, a proposé en réponse à cette énigme le scénario D6.

    Tout commence cette fois-ci avec un système binaire contenant deux naines blanches dont l'une arrache par ses forces de maréeforces de marée les couches superficielles de l'autre riche en héliumhélium. L'accrétionaccrétion de matière comprime et chauffe cet hélium au point de déclencher une première détonation à la surface de l'étoile vampire. C'est l'onde de choc de cette détonation se propageant en direction du cœur de l'étoile qui le comprime également mais cette fois-ci au point de produire une seconde détonation, la supernova proprement dite, qui volatilise complètement l'étoile.

    Comme il ne reste plus rien pour maintenir sur une orbite l'étoile vampirisée, les lois de la mécanique céleste impliquent alors que la naine blanche, catapultée sur une autre trajectoire, reçoit une impulsion qui est suffisante pour lui faire atteindre les vitesses des étoiles hypervéloces et en particulier les dernières observées par Gaia.

    Si une fraction significative des supernovae de type Ia produit une étoile selon le scénario D6, la Galaxie en a probablement lancé plus de 10 millions dans l'espace intergalactique depuis sa naissance selon les chercheurs.