Deux équipes d'astronomes ont observé des sursauts répétés de lumière provenant de trous noirs inactifs qui détruisent partiellement des étoiles encore et encore.


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    Au centre de la plupart des galaxies se trouve un trou noir supermassif, des centaines de milliers à des milliards de fois plus massifs que le Soleil. Ces objets sont difficiles à détecter et observer, l'intensité de leur champ gravitationnel empêchant toute forme de matière ou de rayonnement de s'en échapper.

    Cependant, quand une étoile passe près d'un tel géant, l'astre lumineux peut se retrouver déchiqueté par les importantes forces de maréeforces de marée du trou noir, formant un disque de débris dont se nourrit l'astre obscur : c'est ce que l'on appelle un événement de rupture par effet de marée. Les rayons Xrayons X, les UV, la lumièrelumière optique et les ondes radio émis à cette occasion peuvent alors être détectés et nous révéler la présence du trou noir. Depuis leur découverte dans les années 1990, près de 100 événements de rupture par effet de marée ont été observés.

    Grignotées bouchée par bouchée

    Ces événements ne se produisent généralement qu'une seule fois, lorsque le trou noir dévore l'étoile. Cependant, deux équipes d'astronomesastronomes utilisant XMM-NewtonXMM-Newton, observatoire spatial de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) destiné à l'observation des rayons X mous, ont observé la répétition de sursauts de lumière provenant de trous noirs inactifs. La récurrence de ces événements, inattendue, serait due au fait que ces trous noirs ne détruisent que partiellement ces étoiles à chacun de leur passage à proximité.

    Lors d'un événement de rupture par effet de marée typique, la luminositéluminosité augmente de façon importante pendant les quelques mois au cours desquels le trou noir dévore l'étoile. Cependant, deux événements ont un comportement particulier : ils se répètent, la luminosité augmentant à plusieurs reprises dans les rayons X et en ultravioletultraviolet. Cela suggère que les étoiles n'ont pas été totalement détruites lors de la rencontre initiale avec les trous noirs, continuent leur orbiteorbite et rencontrent à nouveau le trou noir, entraînant des éruptions récurrentes. Cette activité est appelée événement de rupture partielle par effet de marée.

    Vue d'artiste montre une étoile en orbite autour d'un trou noir (panneau 1). En s'approchant du trou noir, l'étoile commence à être déchiquetée (panneau 2). Un flux de matériau (orange) arraché des couches externes de l'étoile tombe vers le trou noir (panneau 3). Ce flux alimente le trou noir et forme un disque autour de lui (panneau 4). La matière stellaire restante du flux est colorée en bleu. Cet événement de rupture par effet de marée crée des explosions de rayons X, d'UV et de lumière optique. En de rares occasions, le noyau de l'étoile survit et commence une autre orbite elliptique du trou noir. Le disque entourant le trou noir s'estompe (panneau 5). L'étoile s'approche à nouveau du trou noir et une autre explosion de lumière est libérée (panneau 6). La couleur plus pâle du disque d'accrétion, par rapport au panneau 4, indique que les sursauts de lumière sont plus faibles après la première rencontre avec le trou noir, car moins de matière est tirée dans le disque depuis l'étoile. © ESA, CC by-sa 3.0 IGO
    Vue d'artiste montre une étoile en orbite autour d'un trou noir (panneau 1). En s'approchant du trou noir, l'étoile commence à être déchiquetée (panneau 2). Un flux de matériau (orange) arraché des couches externes de l'étoile tombe vers le trou noir (panneau 3). Ce flux alimente le trou noir et forme un disque autour de lui (panneau 4). La matière stellaire restante du flux est colorée en bleu. Cet événement de rupture par effet de marée crée des explosions de rayons X, d'UV et de lumière optique. En de rares occasions, le noyau de l'étoile survit et commence une autre orbite elliptique du trou noir. Le disque entourant le trou noir s'estompe (panneau 5). L'étoile s'approche à nouveau du trou noir et une autre explosion de lumière est libérée (panneau 6). La couleur plus pâle du disque d'accrétion, par rapport au panneau 4, indique que les sursauts de lumière sont plus faibles après la première rencontre avec le trou noir, car moins de matière est tirée dans le disque depuis l'étoile. © ESA, CC by-sa 3.0 IGO

    Certaines galaxiesgalaxies sont constamment actives car leur trou noir supermassif attire continuellement de la matière gazeuse vers lui, mais les deux nouveaux événements proviennent de trous noirs qui restent généralement sombres et calmes, jusqu'à ce qu'une étoile s'approche. C'est la première fois que des sursautssursauts lumineux qui se répètent ont été détectés pour des galaxies inactives.

    eRASSt J045650.3−203750 a été découvert par eROSITA, télescopetélescope à rayons X à bord de la mission russo-allemande Spektr-RG, dans une galaxie à près de 1,2 milliard d'années-lumièreannées-lumière. Les observations avec XMM-Newton en 2021 et 2022, par une équipe dirigée par Zhu Lui, de l'Institut Max-PlanckPlanck de physiquephysique extraterrestre, ont révélé que l'éruption d'origine avait été suivie d'explosions répétées tous les 223 jours environ.

    AT2018fyk a pour sa part été découvert par le All-Sky Automated Survey for Supernovae (Asas-SNSN) dans le noyau d'une galaxie à environ 900 millions d'années-lumière. Il a brillé dans les UV et les rayons X pendant au moins 500 jours, avant de s'atténuer soudainement. En mai 2022, Thomas Wevers, de l'Observatoire européen austral, et ses collègues ont utilisé XMM-Newton pour étudier l'augmentation spectaculaire de la luminosité en rayons X et UV 1 200 jours après sa première apparition.

    Animation décrivant le résultat scientifique publié par Wevers et al., (2022). Un mystérieux éclair de rayonnement électromagnétique provenant du centre d'une galaxie a été détecté pour la première fois en 2018. L'éruption a duré environ 2 ans, puis elle a disparu. Ce comportement est cohérent avec le trou noir supermassif au centre de cette galaxie perturbant une étoile qui passe. Cependant, étonnamment, le centre de cette galaxie s'est à nouveau illuminé en 2022. Une nouvelle étude suggère que cela peut s'expliquer par une événement de rupture partielle par effet de marée. © BlackHoleExplosions

    Des observations importantes pour étudier l'influence des trous noirs supermassifs

    Au total, plus de cinq jours d'observations avec XMM-Newton ont été utilisés pour surveiller l'évolution des rayons X provenant de ces sources. La Caméra européenne d'imagerie photonique (Epic) à bord de XMM-Newton, extrêmement sensible, a permis d'étudier en détail la matière chaude entourant les trous noirs.

    Le télescope XMM-Newton, ici en vue d'artiste, a été lancé en décembre 1999. Sa mission d'observation en rayons X se poursuit toujours, sur une orbite elliptique autour de la Terre, qui l'en éloigne entre 7 000 et 114 000 km. © Esa, D. Ducros
    Le télescope XMM-Newton, ici en vue d'artiste, a été lancé en décembre 1999. Sa mission d'observation en rayons X se poursuit toujours, sur une orbite elliptique autour de la Terre, qui l'en éloigne entre 7 000 et 114 000 km. © Esa, D. Ducros

    « Lors d'événements de rupture par effet de marée typiques, nous ne nous attendons pas à voir une deuxième éruption avant quelques milliers d'années, explique William Alston, chercheur à l'ESA. Ces nouvelles études suggèrent que l'étoile affectée est entraînée sur une orbite proche [du trou noir supermassif] après avoir été arrachée d'un système stellairesystème stellaire binairebinaire par le trou noir supermassif central ».

    Outre XMM-Newton et eROSITA, les études impliquent d'autres missions, notamment le Neil Gehrels Swift Observatory de la NasaNasa, l'Australia Telescope Compact Array (Atca) et le Neutron Star Interior Composition Explorer (Nicer) sur la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale. Les deux événements de rupture partielle par effet de marée seront surveillés de près pendant les périodes prévues des prochains épisodes, afin de confirmer les résultats et faire d'autres découvertes. Les observateurs pourraient ne rien détecter, indiquant que l'étoile a été entièrement engloutie lors de l'épisode précédent. La chasse commence par ailleurs pour trouver des événements de rupture partielle par effet de marée similaires.