Il n'y a guère de doute que de vastes étendues d'eau liquide existaient à la surface sur Mars au cours du premier milliard d'années de son histoire. S'il reste encore clairement de l'eau sous forme de glace aux calottes polaires martiennes et même à son équateur, une grande partie de l'eau initiale a disparu à sa surface, ce qui constitue une énigme que les planétologues ont entrepris de percer il y a des années et dont ils ont des éléments de réponse. De nouveaux progrès vers sa solution ont été obtenus en mobilisant notamment sur plusieurs années des observations de Mars faites avec le télescope Hubble.


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    On a commencé à découvrir des traces de l'écoulement d'eau liquide sur Mars en 1971 avec la mission Mariner 9 de la Nasa. De 1975 au début des années 1980, les deux orbiters des missions Viking vont largement contribuer à confirmer cette découverte et en se servant de la chronologie issue du taux de cratérisation d'une surface planétaire établie par les missions ApolloApollo et qui relie le taux de bombardement par des petits corps célestes exponentiellement décroissant depuis la naissance des planètes du Système solaire (plus un terrain est jeune, moins il est cratérisé) il est devenu possible de dater des événements géologiques martiens.

    Trois grandes périodes sont ainsi distinguées par les géologuesgéologues martiens, mais avec des âges toujours en discussion. Généralement, on parle ainsi du Noachien (du nom de Noachis TerraTerra)) qui correspond aux terrains les plus anciens depuis la formation de la planète, remontant à plus de 3,7 milliards d'années selon l'échelle de Hartmann & Neukum. Les terrains de cette époque sont fortement cratérisés et situés majoritairement dans l'hémisphère Sudhémisphère Sud. Les planétologues pensent que pendant le Noachien Mars avait sans doute une atmosphèreatmosphère épaisse où la pression et l'effet de serreeffet de serre permettaient l'existence de grandes quantités d'eau liquide.

    Vient ensuite l'Hespérien (du nom d'Hesperia PlanumPlanum) qui correspond aux terrains de 3,7 à 3,2 milliards d'années selon l'échelle de Hartmann & Neukum toujours marqués par l'activité volcanique de la planète. Le vent solairevent solaire érodant l'atmosphère martienne, la température et la pression au sol auraient commencé à baisser, de sorte que l'eau liquide aurait finalement cessé d'exister de façon permanente à la surface de Mars.

    La mission Maven (Mars Atmosphere and Volatile Evolution) de la NasaNasa a contribué à comprendre comment Mars a perdu son atmosphère selon ce scénario et elle a aidé aussi à comprendre ce qui s'est passé avec l'eau martienne qui devait former des mers pendant le Noachien.

    En combinant les données de Maven avec des observations du télescopetélescope Hubble, des planétologues viennent de renouveler notre compréhension de l'énigme de la disparition de la majorité de l'eau sur Mars.

    Le deutérium, une clé de l'étude de l'évolution de l'atmosphère martienne

    On peut le voir dans un article récemment publié dans Science Advances qui accompagne un communiqué de la Nasa dans lequel le responsable de l'étude, John Clarke, du Center for Space Physics de l'université de Boston dans le Massachusetts (États-Unis) déclare : « Il n'y a que deux endroits où l'eau peut se retrouver. Elle peut geler dans le sol, ou les moléculesmolécules d'eau peuvent se briser en atomesatomes, et les atomes peuvent s'échapper dans l'espace depuis le sommet de l'atmosphère. Pour comprendre la quantité d'eau présente et ce qui lui est arrivé, nous devons comprendre comment les atomes s'échappent dans l'espace. ».

    Les planétologues pensent toutefois aussi qu'au cours des 3 derniers milliards d'années, au moins une autre partie de l'eau s'est infiltrée profondément sous terre et sa présence vient peut-être d’être trahie par l’étude des ondes sismiques sur Mars.


    Mars était autrefois une planète très humide. Les scientifiques savent qu’au cours des 3 derniers milliards d’années, une partie de l’eau est passée sous terre, mais qu’est-il arrivé au reste ? Aujourd’hui, le télescope spatial Hubble de la Nasa et la mission Mars Atmosphere and Volatile Evolution (Maven) contribuent à résoudre ce mystère. Pour comprendre la quantité d’eau présente et ce qui lui est arrivé, les scientifiques doivent comprendre comment les atomes s’échappent dans l’espace. Une équipe a combiné les données de Hubble et de Maven pour mesurer le taux actuel de fuite de ces atomes dans l’espace. Ces informations leur ont permis d’extrapoler le taux de fuite dans le temps pour comprendre l’histoire de l’eau sur la Planète rouge. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA's Goddard Space Flight Center

    Clarke et son équipe ont combiné les données de Hubble et de Maven pour mesurer le taux actuel de fuite des atomes d'hydrogènehydrogène qui s'échappent dans l'espace. Ces informations leur ont permis d'extrapoler le taux de fuite dans le temps pour comprendre l'histoire de l'eau sur la Planète rouge.

    Il existe ce que l'on appelle la théorie cinétique des gazgaz développée principalement au XIXe siècle d'abord par James Clerk Maxwell, puis par Ludwig Boltzmann. Elle nous dit que plus un atome est lourd, moins il aura de chance de s'échapper dans l'espace à partir de l'atmosphère d'une planète d'une température donnée (voir à ce sujet l’un des cours de physique de Richard Feynman qui montre aussi que l'échappement augmente avec la température).

    Or, les molécules d'eau de l'atmosphère martienne sont décomposées par la lumièrelumière ultraviolette du SoleilSoleil en atomes d'hydrogène et d'oxygèneoxygène. Comme dans le cas de la Terre, une partie des atomes d'hydrogène est formée de noyaux d'un de ses isotopesisotopes lourds, le deutérium dont le noyau contient un protonproton et un neutronneutron. Le deutérium (D) part moins facilement que l'hydrogène (H) dans l'espace, de sorte qu'au cours du temps, l'atmosphère de Mars s'enrichit en deutérium. Maven peut aider à déterminer le flux d'atomes quittant la Planète rouge pendant une orbiteorbite de Mars autour du Soleil, c'est-à-dire sur une duréedurée d'un peu moins de deux années terrestres.

    La mesure du rapport deutérium/hydrogène aujourd'hui donne une idée de la quantité d'eau présente pendant le Noachien et en étudiant la façon dont ces atomes s'échappent actuellement, les planétologues peuvent comprendre les processus qui ont déterminé les taux d'échappement au cours des quatre derniers milliards d'années.

    La dynamique de l'atmosphère de Mars révélée en ultraviolet par Hubble

    Toutefois, comme l'explique le communiqué de la Nasa, Maven n'est pas suffisamment sensible pour mesurer le flux de deutérium à tout moment de l'année martienne. Or, l'excentricitéexcentricité de l'orbite de Mars est plus importante que dans le cas de la Terre. Mars oscille donc plus loin du Soleil sur son orbite elliptique pendant le long hiverhiver martien, de sorte que les émissionsémissions de deutérium deviennent faibles.

    Clarke et son équipe ont pallié ce défaut des mesures engendrant des imprécisions en utilisant les données du télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble enregistrées lors de campagnes d'observation de Mars pendant un cycle de trois années martiennes, chacune d'entre elles représentant 687 jours terrestres).

    Voici des images prises par Hubble dans l'ultraviolet lointain de Mars près de son point le plus éloigné du Soleil, appelé aphélie, le 31 décembre 2017 (en haut), et près de son point le plus proche du Soleil, appelé périhélie, le 19 décembre 2016 (en bas). L'atmosphère est clairement plus lumineuse et plus étendue lorsque Mars est proche du Soleil. La lumière solaire réfléchie par Mars à ces longueurs d'onde montre une diffusion par les molécules atmosphériques et une brume, tandis que les calottes glaciaires polaires et certaines caractéristiques de la surface sont également visibles. Hubble et Maven ont montré que les conditions atmosphériques martiennes changent très rapidement. Lorsque Mars est proche du Soleil, les molécules d'eau montent très rapidement dans l'atmosphère, se brisent et libèrent des atomes à haute altitude. © Nasa, ESA, STScI, John T. Clarke (Université de Boston) ; Traitement : Joseph DePasquale (STScI)
    Voici des images prises par Hubble dans l'ultraviolet lointain de Mars près de son point le plus éloigné du Soleil, appelé aphélie, le 31 décembre 2017 (en haut), et près de son point le plus proche du Soleil, appelé périhélie, le 19 décembre 2016 (en bas). L'atmosphère est clairement plus lumineuse et plus étendue lorsque Mars est proche du Soleil. La lumière solaire réfléchie par Mars à ces longueurs d'onde montre une diffusion par les molécules atmosphériques et une brume, tandis que les calottes glaciaires polaires et certaines caractéristiques de la surface sont également visibles. Hubble et Maven ont montré que les conditions atmosphériques martiennes changent très rapidement. Lorsque Mars est proche du Soleil, les molécules d'eau montent très rapidement dans l'atmosphère, se brisent et libèrent des atomes à haute altitude. © Nasa, ESA, STScI, John T. Clarke (Université de Boston) ; Traitement : Joseph DePasquale (STScI)

    Comme l'explique Clarke, les chercheurs ont alors découvert que « Mars a un cycle annuel beaucoup plus dynamique que ce que les gens pensaient il y a 10 ou 15 ans. L'atmosphère dans son ensemble est très turbulente, se réchauffant et se refroidissant sur de courtes échelles de temps, parfois quelques heures. L'atmosphère se dilate et se contracte lorsque la luminositéluminosité du Soleil sur Mars varie de 40 % au cours d'une année martienne ».

    En conséquence, les taux de fuite de l'hydrogène et du deutérium changent rapidement lorsque Mars est proche du Soleil. Comme l'explique toujours le communiqué de la Nasa, « dans l'image classique que les scientifiques avaient jusqu'alors, on pensait que ces atomes se diffusaient lentement vers le haut à travers l'atmosphère jusqu'à une hauteur à laquelle ils pouvaient s'échapper.

    Mais cette image ne reflète plus exactement toute l'histoire, car les scientifiques savent maintenant que les conditions atmosphériques changent très rapidement. Lorsque Mars est proche du Soleil, les molécules d'eau, qui sont la source de l'hydrogène et du deutérium, montent très rapidement dans l'atmosphère en libérant des atomes à haute altitude ».

    Une clé de l'étude des exoterres

    Le communiqué se conclut en déclarant : « L'étude de l'histoire de l'eau sur Mars est fondamentale non seulement pour comprendre les planètes de notre propre Système solaire, mais aussi l'évolution des planètes de la taille de la Terre autour d’autres étoiles. Les astronomesastronomes trouvent de plus en plus de ces planètes, mais elles sont difficiles à étudier en détail. Mars, la Terre et VénusVénus se trouvent toutes dans ou à proximité de la zone habitable de notre Système solaire, la région autour d'une étoileétoile où l'eau liquide pourrait s'accumuler sur une planète rocheuseplanète rocheuse. Pourtant, ces trois planètes ont des conditions actuelles radicalement différentes. Avec ses planètes sœurs, Mars peut aider les scientifiques à comprendre la nature des mondes éloignés de notre Galaxie ».