Observée en rayons X par les instruments de Chandra, l’étoile à neutrons, résidu de la supernova à l’origine de Cassiopée A, ne semblait pas se comporter selon les prédictions des astrophysiciens. La clé vient peut-être d’être trouvée. Cette étoile posséderait non pas une atmosphère d’hydrogène mais de carbone.

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Longtemps, les étoiles à neutrons sont restées des objets théoriques que l’on commençait tout juste à prendre au sérieux il y a 50 ans. L'astrophysique nucléaire était déjà bien développée mais l'astrophysique relativiste était juste sur le point de naître. Or, si les étoiles à neutrons peuvent être considérées comme de gigantesques noyaux d'atomes, leur formidable champ de gravitation impose d'utiliser les équations de la relativité générale pour en décrire précisément la structure.

Pendant presque quarante ans, les difficultés mathématiques associées au système d'équations aux dérivées partielles hyperboliques décrivant le couplage entre la matière, l'énergie et la géométrie de l'espace-temps, avaient découragé bien des chercheurs. De plus, les prédictions semblaient difficiles à vérifier par l'expérience. Le contraste était saisissant avec les équations de la mécanique quantique, linéaires et bien plus faciles à résoudre, véritables cornes d'abondance en résultats expérimentaux relativement aisés à tester en laboratoire.

Pourtant, la fin des années 1960 vit la découverte des pulsars et leur interprétation rapide comme des étoiles à neutrons en rotation. Depuis, de nombreux travaux mélangeant avec bonheur physique nucléaire, théorie des superfluides et théorie du rayonnement gravitationnel font de l'étude de ces astres fascinants un domaine mature où presque toute la physique s'applique.

On sait maintenant que les étoiles à neutrons se forment lorsque des étoiles dépassant les 8 masses solaires et ayant épuisé leur carburant nucléaire en quelques millions d'années explosent en supernovae et voient leur cœur s'effondrer pour former un astre compact de quelques dizaines de kilomètres de diamètre tout au plus mais possédant une masse de l'ordre de celle du Soleil.

La plus jeune étoile à neutrons connue se trouve à environ 11.000 années-lumière et elle provient de l'explosion d'une étoile massive il y a 330 ans. La nébuleuse qu'elle a laissée porte le nom de Cassiopée A et c'est l'un des premiers objets observés en rayons X par le satellite Chandra. Cet instrument l'a examinée à nouveau à plusieurs reprises au cours des dix dernières années mais une anomalie intriguait les astrophysiciens.

D'après les modèles analytiques et numériques construits et testés depuis quelques décennies, le diamètre de l'étoile à neutrons devait être plus grand que celui mesuré et il devait être entouré d'une atmosphère d'hydrogène et d'hélium... en contradiction avec les observations.

Craig Heinke de l'Université de l'Alberta et Wynn Ho de l'Université de Southampton se sont penchés sur ce problème et ont réussi à réinterpréter les données accumulées par Chandra. Selon eux, et comme ils l'expliquent dans un article publié dans Nature, tout se passe comme si l'astre compact était entouré d'une atmosphère de carbone de seulement 10 centimètres d'épaisseur ! Avec une température de surface de 1,6 million de kelvins et un diamètre compris entre 8 et 17 kilomètres, le spectre des radiations X observé est bel et bien retrouvé.

Les chercheurs sont malgré tout un peu perplexes car selon les simulations des réactions nucléaires dans les étoiles géantes en fin de vie et celles de l'effondrement conduisant à une étoile à neutrons, ce serait plutôt une atmosphère d'hydrogène et d'hélium que l'on devrait observer. De fait, c'est bien ce que l'on voyait pour d'autres étoiles à neutrons. Cependant, celle de Cassiopée A étant encore jeune, les chercheurs prédisent que dans quelques milliers d'années, l'hydrogène et l'hélium environnants, laissés par l'explosion de l'étoile génitrice de l'astre compact, finiront par s'accumuler sur sa surface.