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La cosmologie et le modèle du Big-Bang
La cosmologie moderne est dans une phase passionnante pour les chercheurs et pour les amateurs de sciences. En effet, de nombreuses campagnes d'observations fournissent annuellement une moisson impressionnante de résultats, qui peuvent être utilisés pour tester différents modèles cosmologiques.
En particulier, le modèle du Big-Bang - qui décrit la manière dont l'Univers s'expand en se refroidissant - s'en tire avec brio : en s'appuyant sur la relativité générale et sur quelques notions simples de physique nucléaire, il permet d'expliquer les quatre piliers observationnels de la cosmologie moderne :
1- la proportion d'éléments légers (deuterium, hélium, lithiumlithium) formés lors d'une phase primordiale très dense et très chaude ;
2- la formation et les propriétés du rayonnement de fond cosmologique ;
3- la formation des grandes structures par effondrementeffondrement gravitationnel de faibles inhomogénéités de densité ;
4- l'évolution de l'expansion de l'Univers au cours du temps.
Matière noire et énergie noire
Toutefois, ce succès repose en partie sur deux hypothèses qui peuvent sembler un peu embarrassantes : il faut supposer qu'il contient, en plus des composantes habituelles (matièrematière, rayonnement, neutrinosneutrinos), deux composantes d'un type nouveau. L'une se comporte essentiellement comme de la matière et on l'appelle matière noirematière noire (les astronomesastronomes, les astrophysiciensastrophysiciens et les physiciensphysiciens des particules ont d'ailleurs plusieurs autres raisons indépendantes de favoriser cette hypothèse). L'autre se comporte de façon différente et on l'appelle énergie noireénergie noire (une particularité notable est qu'elle accélère l'expansion de l'Univers). Ces hypothèses stimulent l'imagination de nombreux chercheurs, et beaucoup de propositions sont faites pour élucider la nature de ces deux composantes (voir notre dossier sur la matière noire ).
Toutefois, des recherches sont aussi faites dans d'autres directions, et certains se demandent si après tout les hypothèses de départ sont justifiées. En particulier, plusieurs équipes étudient l'hypothèse que la relativité généralerelativité générale pourrait être mise en défaut et en proposent des modifications ou des versions alternatives.
Au-delà de la relativité générale ?
D'après la relativité générale, l'Univers est décrit par un espace-tempsespace-temps qui peut être courbé par la présence d'énergie ou par les flots d'énergie. Les alternatives proposées ne remettent pas ceci en cause (il ne s'agit pas là de gogos mais de scientifiques qui connaissent très bien la relativité générale, les hypothèses sur lesquelles elle repose, ses points forts et ses succès expérimentaux). Ils essaient plutôt de modifier les équationséquations décrivant le lien entre la courbure de l'espace-temps et son contenu en énergie. La difficulté principale de cet exercice réside dans l'excellente précision des tests expérimentaux (voir notre dossier sur la relativité générale ) : le moindre changement dans les équations risque de rompre l'accord existant entre les prédictions théoriques et les observations.
De nombreuses tentatives de ce type sont proposées régulièrement au sein de la communauté scientifique, et nous allons ici décrire brièvement l'une d'entre elles.
Mena, Santiago et Weller : pas d'énergie noire ?
La collaboration de O. Mena, J. Santiago et J. Weller (astro-ph/0510453), en utilisant une version modifiée des équations de la relativité générale -- dont les travaux d'autres auteurs montrent qu'elle est compatible avec l'ensemble des données actuelles - calculent l'évolution de l'expansion de l'Univers. Ils la comparent ensuite à des données récentes fournies par les observations de supernovaesupernovae lointaines. Ils trouvent ainsi que si les études standards, basées sur les équations usuelles de la relativité générale, doivent introduire une « énergie noire » pour rendre compte des données, ce n'est pas le cas pour leur version modifiée. Le changement de régime dans l'expansion de l'Univers, révélé entre autres par l'étude de ces supernovae, ne serait alors pas dû à la présence d'une composante jusqu'alors inconnu, mais à l'influence d'un terme nouveau (jusqu'alors ignoré) dans les équations de la relativité. Ce terme ne deviendrait notable que quand la courbure de l'espace-temps est faible.
Notons qu'une dose importante de matière noire est encore nécessaire, mais que l'introduction de ce qu'on appelle « énergie noire » serait en fait une erreur basée sur l'utilisation d'une mauvaise version de la relativité générale.
Mannheim : pas de matière noire ?
Ce travail s'inscrit dans une démarche plus générale, qu'illustre assez bien l'approche de Philippe Mannheim (professeur de physique à l'Université du Connecticut, USA). Dans un article de fond (astro-ph/0505266), il expose le résultat de nombreuses années de recherche sur le sujet en tentant d'identifier le type d'extensions de la relativité générale qui sont naturellement suggérées par les principes fondamentaux, et en particulier le principe d'équivalence. Cette quête le mène vers plusieurs possibilités très intéressantes qui pourraient permettre, si elles s'avéraient confirmées par des études complémentaires, de s'affranchir à la fois du problème de la matière noire et de celui de l'énergie noire.
Conclusion
Il existe donc des pistes intéressantes pour aborder les questions cosmologiques - et les énigmes qui les accompagnent - d'une façon nouvelle. Elles sont de fait assez nombreuses sur le marché de la physique théorique ! Des approches complémentaires suggèrent l'existence de dimensions supplémentaires qui pourraient aussi modifier l'applicationapplication de la relativité générale à l'Univers dans lequel nous vivons.
Pour finir, insistons sur le fait que tout ceci ne sont encore que des propositions parmi de nombreuses autres et qu'il est beaucoup trop tôt pour parler de révolution ou même de découverte. En particulier, toutes les conséquences de ces versions étendues de la relativité générale n'ont pas encore été testées, et beaucoup de travail reste encore à faire du point de vue théorique.