Un phénomène rare a été observé pour la première fois le 26 juillet dernier par le télescope spatial Hubble: le passage du satellite Ariel devant le disque de la planète Uranus, en y projetant son ombre.

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Passage d'Ariel sur le disque d'Uranus, en y projetant son ombre.

Passage d'Ariel sur le disque d'Uranus, en y projetant son ombre.

Certes, cet évènement n'est pas remarquable en soi lorsqu'il concerne les deux plus grandes planètes du Système solaire, Jupiter et Saturne. On parle alors de transit, et ce phénomène se répète à une fréquence quasi quotidienne. Mais il n'avait jamais été observé jusqu'à ce jour pour Uranus. Pourquoi ?

Uranus est une planète très particulière. Découverte par William Herschel en 1781, cette géante gazeuse de 25.500 km de diamètre présente un axe de rotation pratiquement couché sur le plan de son orbite, alors qu'en général pour les autres planètes, il en est presque perpendiculaire ou légèrement incliné. Ce basculement encore inexpliqué a pour effet que ce sont les pôles d'Uranus, et non les régions équatoriales, qui reçoivent le plus d'énergie de la part du Soleil. Uranus est aussi accompagné de 29 satellites naturels actuellement connus, dont les orbites se situent dans le plan de l'équateur de la planète. Celui-ci étant immuable tout le long de la révolution d'Uranus autour du Soleil en 84 ans, un alignement Soleil-satellite-Uranus n'est donc possible que toutes les 42 années.

Uranus lors de sa révolution de 84 années autour du Soleil, avec représentation schématique du plan orbital de ses satellites (proportions non respectées). En A et B, éclipses possibles. En C et D, éclipses impossibles.

Uranus lors de sa révolution de 84 années autour du Soleil, avec représentation schématique du plan orbital de ses satellites (proportions non respectées). En A et B, éclipses possibles. En C et D, éclipses impossibles.

C'est ce qu'a observé il y a un peu plus d'un mois Hubble lorsque la lune glaciale Ariel est passée devant Uranus, projetant son ombre sur la haute atmosphère. Un observateur situé sur la planète géante aurait pu voir le Soleil disparaître brièvement, comme durant n'importe quelle éclipse sur Terre. Même s'il s'agit d'une première, d'autres passages avaient eu lieu par le passé, cependant la dernière période favorable se situait en 1965, mais les télescopes terrestres de l'époque ne disposaient pas de l'acuité visuelle nécessaire pour discerner un détail aussi fin.

Ariel, dont le nom vient du génie aérien dans la pièce "La Tempête" de William Shakespeare, possède un diamètre de 1162 km à l'équateur, soit seulement le tiers de notre Lune. Sa rotation est synchrone, c'est-à-dire qu'il présente toujours la même face à la planète. Le passage qui vient d'être observé est le premier d'une série, car Uranus approche de l'équinoxe qui se produira en 2007, lorsque le Soleil brillera exactement à la verticale de son équateur. D'autres éclipses sont prévues par les grandes lunes Umbriel, Titania, Oberon, ainsi que par de plus petits satellites au cours des deux années à venir.

Le défi

Si, en quelques décennies, les télescopes ont beaucoup évolué, cela ne concerne pas que les professionnels. Partout dans le monde, de simples amateurs particulièrement bien équipés réussissent à enregistrer des images du ciel avec une résolution qui aurait fait pâlir d'envie la plupart des grands instruments d'il y a peu. Même si Uranus n'est encore accessible qu'à une élite d'entre eux, des images existent déjà, montrant non seulement des détails de sa surface mais aussi ses quatre principaux satellites. Exploit s'il en est, car rappelons tout de même que la planète représente 4 secondes d'arc vue de la Terre, et que la magnitude d'Ariel est de 14. Lequel de ces amateurs réussira le premier à relever le défi de saisir un transit, sachant que l'occasion passée, elle ne se reproduira plus avant 2049 ?