Les exoplanètes en formation modifient la composition chimique des disques protoplanétaires au point de pouvoir en déceler indirectement la présence selon des observations faites avec le réseau de radiotélescopes Alma de l'ESO.
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La célèbre Encyclopédie des planètes extrasolaires, fondée en 1995 par Jean Schneider à l'observatoire de Paris, affiche en ce mois de juin 2023 plus de 5 400 exoplanètes au compteur de celles dont l'existence a été confirmée, après avoir été détectées par des satellites comme Kepler et Tess. Il s'agit dans ce dernier cas de planètes débusquées par la légère chute de luminositéluminosité qu'elles provoquent en passant devant leur soleil pour les observateurs terrestres.
Plus de trois transits sont nécessaires pour commencer à être sûr de voir indirectement une exoplanète et pas simplement une variation naturelle de la luminosité d'une étoile faisant partie de la grande famille des étoiles variables surveillées par les astronomesastronomes amateurs.
Une autre technique d'observation, et qui sert aussi à confirmer les découvertes faites avec transit, est celle des vitessesvitesses radiales et on peut la mettre en pratique au sol avec des télescopestélescopes qui mesurent l'effet Dopplereffet Doppler produit sur la lumièrelumière d'une étoile par son mouvementmouvement d'oscillation qui rapproche et éloigne périodiquement cette étoile de nous. Ce mouvement est le reflet de l'attraction d'une exoplanète en orbiteorbite. On peut parfois aussi imager directement une exoplanète en orbite autour de son étoile hôte. Pour plus de détails sur ces méthodes d'observation, on pourra se reporter aux vidéos du CEA sur les exoplanètes comme celle ci-dessous.
En 1995, la détection d’une exoplanète, une planète en orbite autour d’un autre soleil, ouvre le rêve d’autres mondes à l’Univers tout entier. Combien sommes-nous de planètes habitables, voire habitées dans notre Galaxie : des milliards ou une seule ? De nouvelles techniques d’observation depuis l’espace améliorent la sensibilité. Avec le télescope spatial Kepler, le nombre d’exoplanètes explose. En 2018, on en dénombrait près de 4 000. Partez à la découverte des exoplanètes à travers notre websérie en neuf épisodes. Une vidéo à retrouver chaque semaine sur notre chaîne YouTube. Une playlist proposée par le CEA et l’Université Paris-Saclay dans le cadre du projet de recherche européen H2020 Exoplanets-A. © CEA Recherche
Une protoétoile du catalogue Henry Draper
L'astrophysicienastrophysicien Charles Law, du Center for Astrophysics | Harvard & Smithsonian, aux États-Unis, est l'auteur avec ses collègues d'un article dans The Astrophysical Journal Letters que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv. Il fait aujourd'hui état d'une nouvelle méthode indirecte pour détecter la présence d'une exoplanète. Cette fois-ci, elle ne repose pas seulement sur la physiquephysique mais sur la chimiechimie. Elle a été mise en pratique avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) pour étudier le disque protoplanétaire autour d'une jeune protoétoileprotoétoile, HD 169142, située dans la constellationconstellation du Sagittaire à 374 années-lumièreannées-lumière de notre Système solaireSystème solaire.
Le saviez-vous ?
Le catalogue Henry Draper (HD) regroupe les données sur plus de 225 000 étoiles dont les magnitudes apparentes vont jusqu'à 9 environ. Établi au début du XXe siècle par l'astronome Annie Jump Cannon et ses collègues du Harvard College Observatory, il couvre presque toute la voûte céleste. Il tire son nom d'un pionnier de l'astrophotographie, qui fut le premier à obtenir un spectre stellaire, celui de Véga, en 1872. À sa mort, sa veuve avait financé la réalisation de ce catalogue, par la suite largement utilisé par les astronomes. Voilà pourquoi plusieurs étoiles de la Voie lactée étudiées pour leurs exoplanètes sont référencées par les lettres HD.
En fait, on soupçonne la présence d'exoplanètes dans ce disque protoplanétairedisque protoplanétaire depuis plusieurs années déjà et des scientifiques de l'Université de Liège et de l'Université Monash pensent y avoir déjà fait récemment au moins la découverte d'une protoplanète géante semblable à JupiterJupiter : HD 169142 .
Dans un communiqué du National Radio Astronomy Observatory (NRAO), Charles Law explique : « Lorsque nous avons examiné HD 169142 et son disque à des longueurs d'ondelongueurs d'onde submillimétriques, nous avons identifié plusieurs signatures chimiques convaincantes de cette protoplanète géante gazeusegéante gazeuse récemment confirmée. Nous avons maintenant la preuve que nous pouvons utiliser des signatures chimiques pour déterminer quels types de planètes pourraient se former dans les disques autour des jeunes étoiles. »
En plus de moléculesmolécules de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone portant des isotopesisotopes du carbone 12 et 13 (à la fois 12CO et son isotopologueisotopologue 13CO) et du monoxyde de soufresoufre (SO), les astrophysiciens ont mis en évidence les raies spectralesraies spectrales constituant la carte d'identité du monosulfure de siliciumsilicium SiS.
Des ondes de choc qui vaporisent des poussières
Charles Law précise à ce sujet que « SiS était une molécule que nous n'avions jamais vue auparavant dans un disque protoplanétaire, et encore moins à proximité d'une protoplanète géante. La détection de l'émissionémission SiS nous est apparue parce que cela signifie que cette protoplanète doit produire de puissantes ondes de choc dans le gazgaz environnant ».
En clair, cette molécule pour être détectable doit provenir de grains de poussière silicatés chauffés par des ondes de choc massives. Ces ondes de choc doivent être les analogues des vaguesvagues d'étrave qui se forment à l'avant d'un bateau quand cette dernière fend l'eau en avançant. Il n'est pas difficile d'en déduire que dans le cas de HD 169142, ce doit être les ondes produites par l'exoplanète creusant un intervalle dans le disque protoplanétaire en se déplaçant à l'intérieur et en attirant de la matièrematière qu'elle accrète.
Clairement aussi, cette signature chimique doit pouvoir être utilisée dans le cas d'autres disques protoplanétaires dans lesquels on n'a encore débusqué aucun candidat au titre d'exoplanète.
« Il existe une grande diversité d'exoplanètes et en utilisant les signatures chimiques observées avec Alma, cela nous donne une nouvelle façon de comprendre comment différentes protoplanètes se développent au fil du temps et finalement relient leurs propriétés à celles des systèmes exoplanétaires. En plus de fournir un nouvel outil pour la chasse aux planètes avec Alma, cette découverte ouvre une fenêtrefenêtre sur beaucoup de chimie passionnante que nous n'avons jamais vue auparavant. Alors que nous continuons à sonder de plus en plus de disques autour de jeunes étoiles, nous trouverons inévitablement d'autres molécules intéressantes mais inattendues, tout comme SiS. Des découvertes comme celle-ci impliquent que nous ne faisons qu'effleurer la surface de la véritable diversité chimique associée aux paramètres protoplanétaires », conclut Charles Law.