Les lois de l'astrophysique sont-elles universelles ? Pour le savoir, les chercheurs traquent des différences entre les astres et les processus astrophysiques que l'on peut observer dans la Voie lactée et ceux des autres galaxies. Dernière découverte en date, le premier disque d'accrétion autour d'une proto-étoile dans le Grand Nuage de Magellan, une petite galaxie spirale barrée, non loin de la Voie lactée.
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En bon empiriste se basant sur les faits d'observations, Aristote constatait que les mouvements des planètes et les positions relatives des étoiles ne semblaient pas varier au cours des années et même des siècles, contrairement à ce qui se passait au niveau du monde terrestre qu'il appelait sublunaire. Il y avait donc une physique du ciel et une physique de la Terre bien différentes.
Environ 2 000 ans plus tard, Newton allait changer tout ça, montrant que la gravitation terrestre était responsable des mouvements des planètes et qu'il ne devait donc y avoir qu'une seule physique et qu'elle était universelle de tous temps et en tous lieux du cosmoscosmos observable. Nous continuons à le croire mais nous cherchons systématiquement à tester cette hypothèse pour la réfuter, par exemple en tentant de montrer que la constante de la gravitation pourrait varier dans le temps et peut-être l’espace.
Une publication dans Nature vient une fois de plus soutenir l'idée de l'Universalité des phénomènes physiques mais cette fois-ci, non pas en passant de la Terre au Système solaireSystème solaire mais de la Voie lactéeVoie lactée à son voisinage et, en l'occurrence, plus précisément dans le Grand Nuage de Magellan (GNM), une petite galaxiegalaxie satellite de la nôtre et qui en est distante d'environ 160 000 années-lumièreannées-lumière.
Un objet de Herbig–Haro scruté par Muse et Alma
Les astrophysiciensastrophysiciens ont utilisé les observations d'Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) au Chili, dont l'Observatoire européen austral (ESOESO) est partenaire, pour préciser la nature et l'origine d'un objet observé il y a quelques années déjà dans le GNM en utilisant l'instrument Muse (Multi Unit Spectroscopic Explorer) installé sur le Very Large TelescopeVery Large Telescope de l'ESO. Ce n'est pas seulement un spectrographespectrographe permettant d'étudier les raies spectralesraies spectrales des éléments en astrophysiqueastrophysique, il permet aussi de former des images des astresastres possédant ces raies dans le visible.
En l'occurrence, il s'agissait de pousser un cran plus loin l'étude dans la région baptisée « LHA 120-N 180 B » -- N 180 B pour faire court -- qui est une région contenant de l'hydrogènehydrogène ionisée par le rayonnement de jeunes étoiles. L'objet d'intérêt dans N 180 B est un jet de matièrematière baptisé Herbig-Haro 1177, s'étendant sur près de 33 années lumière, et qui est l'un des plus longs jets observés à ce jour pour un objet de Herbig–Haro.
Le saviez-vous ?
Les objets astrophysiques associés aux noms de Guillermo Haro et George Herbig ont en réalité été découverts par Sherburne Wesley Burnham à la fin du XIXe siècle alors qu'il observait l'étoile T Tauri. On sait aujourd’hui que T Tauri est une protoétoile, une étoile variable si jeune qu’elle n’a pas encore achevé sa formation. Elle tire sa luminosité du mécanisme de Kelvin–Helmholtz, c'est-à-dire de la conversion directe de son énergie potentielle gravitationnelle en chaleur et pas de l’allumage des réactions de fusion nucléaire en son centre. Les étoiles au même stade d’évolution sont d’ailleurs dites en phase T Tauri.
C'est le grand astrophysicien soviétique et arménien Viktor Ambartsumian qui avait déjà compris qu’il y avait un lien entre ces objets (qu’il baptisa de Herbig-Haro) et les premières étapes de la formation des étoiles T Tauri, ce ne fut vraiment qu’avec les observations du début des années 1980 que l’on comprit que l’on était en présence de jets de matière produits par ces étoiles.
Dans notre Galaxie, un tel jet est associée à un nuagenuage moléculaire poussiéreux en cours d'effondrementeffondrement gravitationnel, ayant produit un disque protoplanétairedisque protoplanétaire autour d'une proto-étoileproto-étoile accrétant de la matière, et qui n'a pas encore allumé de réactions thermonucléaires de type proton-proton ou CNO. Elle n'est donc pas encore devenue une étoile sur la fameuse séquence principaleséquence principale.
Pouvait-on aussi trouver un tel disque autour de la proto-étoile à l'origine de Herbig-Haro 1177 ? Un astre dont on estimait qu'il contient au moins 12 massesmasses solaires.
Un disque d'accrétion trahi par l'effet Doppler
Le GNM est une petite spirale barréespirale barrée que, par chance, nous voyons perpendiculairement à son disque, de sorte que N 180 B ne s'observe pas à travers l'unique bras spirale de cette galaxie, bras contenant comme dans le cas de la Voie lactée des nuages de matière absorbant dans le visible. Muse et Alma pouvaient donc faire des observations potentiellement très instructives.
Le résultat est exposé dans un communiqué de l'ESO : « Quand j'ai vu pour la première fois les preuves d'une structure en rotation dans les données d'Alma, je ne pouvais pas croire que nous avions détecté le premier disque d'accrétiondisque d'accrétion extragalactique, c'était un moment extraordinaire. Nous savons que les disques sont vitaux pour la formation des étoiles et des planètes de notre Galaxie, et ici, pour la première fois, nous sommes en train d'en voir les preuves directes dans une autre galaxie », déclare ainsi Anna McLeod, professeure associée à l'Université de Durham au Royaume-Uni, et auteure principale de l'article publié aujourd'hui dans Nature.
Comme l'explique Jonathan Henshaw, chercheur à l'université John Moores de Liverpool (Royaume-Uni) et coauteur de l'étude, ces preuves sont données par les décalages spectraux par effet Dopplereffet Doppler associés aux mouvements de rotation de la matière présente dans le disque d'accrétion : « La fréquencefréquence de la lumière change en fonction de la vitessevitesse à laquelle le gazgaz émettant la lumière se rapproche ou s'éloigne de nous. C'est exactement le même phénomène qui se produit lorsque la tonalité d'une sirène d'ambulance change à mesure qu'elle passe devant vous et que la fréquence du son passe d'un niveau plus élevé à un niveau plus bas ».
« Nous vivons une époque de progrès technologiques rapides en ce qui concerne les installations astronomiques. Pouvoir étudier la formation des étoiles à des distances aussi incroyables et dans une galaxie différente est très passionnant », ajoute Anna McLeod.