La Terre n'est pas la seule planète du Système Solaire à héberger dans sa haute atmosphère de somptueux nuages nacrés (noctilucent en anglais), miroitant de bleu et d'argent à la faveur de l'aube ou du crépuscule : Mars également. C'est ce que viennent de confirmer des chercheurs français du service d'aéronomie du CNRS, à Verrières-le-Buisson. La sonde Mars Express a découvert que ces nuages flottaient à cent kilomètres de la surface martienne, soit le record d'altitude sur une planète du Système Solaire, et qu'ils étaient constitués non de glace d'eau, mais de cristaux de dioxyde de carbone.
La sonde européenne Mars Express(Crédits : ESA)

La sonde européenne Mars Express(Crédits : ESA)

Les nuages nacrés ne sont pas visibles que sur Terre (ci-dessus) <br />L'altitude de ceux de Mars battent même des records ! <br />(Courtesy of Pekka Parviainen)

Les nuages nacrés ne sont pas visibles que sur Terre (ci-dessus)
L'altitude de ceux de Mars battent même des records !
(Courtesy of Pekka Parviainen)

Des nuages nacrés formés de dioxyde de carbone ?

On peut les surprendre au lever du Soleil ou à la tombée de la nuit. En raison de leur haute altitude - environ 80 kilomètres, ils brillent dans le ciel quand la surface terrestre est plongée dans la pénombre. Ces nuages nacrés, ou « noctilucent clouds », sont constitués de petits cristaux de glace et de poussières. Des récentes études ont montré qu'ils gagnaient du terrain depuis leur première observation, remontant à 1885, et que cette expansion était probablement liée au réchauffement climatique. D'abord cantonnés aux régions polaires, ils sont maintenant visibles jusqu'à une latitude de 40°.

Depuis que le rover Sojourner de la mission Mars Pathfinder les a observés en 1997, les astronomes savent que la haute atmosphère de Mars héberge des nuages du même type. A l'époque, des chercheurs s'étaient appuyés sur les données des sondes Mariner 6 et Mariner 7, qui avaient détecté la présence de glace de dioxyde de carbone dans les couches supérieures de l'atmosphère, pour avancer l'hypothèse selon laquelle les nuages nacrés martiens n'étaient pas constitués de glace d'eau mais de cristaux de dioxyde de carbone.

Un nuage nacré surpris en août 1997 par le rover de la mission Mars Pathfinder <br />(Crédits : NASA Pathfinder)

Un nuage nacré surpris en août 1997 par le rover de la mission Mars Pathfinder
(Crédits : NASA Pathfinder)

Cent kilomètres : Une altitude record !

Néanmoins, des questions subsistaient quant aux liens unissant nuages et cristaux. Cette zone d'ombre, le spectromètre SPICAM de Mars Express vient justement de la mettre en lumière. Une équipe dirigée par Franck Montmessin, du service d'aéronomie du CNRS à Verrières-le-Buisson, a utilisé le SPICAM pour observer des étoiles distantes à travers la haute atmosphère. Dès que le rayonnement ultraviolet reçu par la voûte céleste diminuait, les chercheurs savaient être en présence d'un nuage.

Sur 412 observations, ils n'ont relevé que quatre atténuations du rayonnement, un résultat qui suggère que les nuages nacrés se font rares sur la planète rouge. Comme sur Terre, ils se concentrent dans les zones les plus froides, là où la température chute à - 193 degrés Celsius et permet au dioxyde de carbone de se fixer en cristaux sur des particules de poussière. Cependant, leur altitude - 100 kilomètres - surpasse nettement celle de leurs homologues terriens. Il s'agit même du record sur une planète du Système Solaire !

Mars Express a été en mesure d'estimer la taille des particules peuplant ces nuages : 130 nanomètres. Néanmoins, une interrogation demeure : ces particules proviennent-elles de la surface de Mars, ou retombent-elles de l'espace sous forme de micrométéorites ?

Les astronomes pensent que de tels nuages nacrés se forment également dans l'atmosphère de Vénus et de Titan. Mais, pour l'heure, ils n'ont jamais été observés...