Les météorites fascinent, d'abord parce qu'elles viennent de l'espace interplanétaire et qu'il nous est ainsi permis en quelque sorte de le toucher des mains sur Terre, mais aussi parce que nous sommes bien conscients qu'elles nous connectent aux plus vieilles archives de la formation du Système solaire et même à l'origine de la vie. Une météorite prometteuse à cet égard a été découverte au Maroc il y a quelques années et les recherches en cours à son sujet montrent qu'elle est exceptionnelle, contenant des grains pré-solaires en grand nombre. Son nom : Chwichiya 002.


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    Cela fait des milliers d'années que les Homo sapiensHomo sapiens savent que des pierres semblent tomber du ciel. Mais ce n'est qu'au XVIIIe siècle, notamment avec Lavoisier, que l'on commence à faire l'analyse de leur composition chimique ; c'est aussi au début du XIXe siècle que leur étude scientifique complète a débuté à la suite de l'enquête faite en 1803 sur la chute de la météorite de l'Aigle en France par le physicienphysicien astronomeastronome et mathématicienmathématicien Jean-Baptiste BiotJean-Baptiste Biot à l'Académie des Sciences de Paris. Le physicien allemand Ernst Chladni (1756-1827), fondateur de l'acoustique, est, quant à lui, le premier à écrire que les météorites sont des roches originaires du Système solaire attirées par le champ gravitationnel de la Terre où, en entrant dans son atmosphèreatmosphère à grande vitesse, elles s'échauffent par frottement en devenant lumineuses.

    Nous en avons appris beaucoup plus sur les météorites depuis une centaine d'années grâce, notamment, à l'essor de la spectrométrie de masse et de la conquête spatiale. Nous savons maintenant qu'elles sont des mémoires de la formation du Système solaire et que beaucoup d'entre elles proviennent des astéroïdes de la fameuse ceinture principale entre Mars et JupiterJupiter, certaines, plus rares, étant d'origine lunaire et martienne.


    Une conférence tout public par Jérôme Gattacceca, directeur de recherche CNRS, équipe Terre & Planète, lors du Printemps des Sciences. Les météorites sont des roches extraterrestres qui parviennent à la surface de la Terre. Au-delà de cette définition simple se cache une histoire complexe et des implications scientifiques importantes pour la connaissance de notre Système solaire. D’où viennent-elles ? Quand se sont-elles formées ? De quoi sont-elles constituées ? Que nous apprennent-elles ? Où et comment les trouver ? Cette conférence tentera d’apporter des réponses à ces questions et sera aussi l’occasion de présenter le projet national de détection de météorites par caméra (projet FRIPON). © CEREGE

    Une nouvelle classe de météorites chondritiques

    Une classification a été progressivement constituée et plusieurs chasseurs de météorites  parcours les désertsdéserts sur Terre en quête de ces messages célestes en espérant qu'ils nous livrent des secrets sur l'origine des planètes, de l'eau et de la vie sur Terre.

    Parfois, leurs découvertes permettent d'aider à révéler et explorer de nouvelles classes de météorites. C'est ce qui est arrivé à Jean Redelsperger, un collectionneur et vendeur de météorites français, qui a contacté Futura pour nous parler d'une de ses trouvailles qui attirent en ce moment l'attention de la communauté scientifique notamment parce qu'elle appartient à nouvelle classe très rare de météorites chondritiques appelée CT3.

    « <em>Accompagné de mes amis marocains, j’ai eu la chance de pouvoir aller sur le terrain et d’enregistrer le point GPS qui a servi pour la classification de cette météorite</em> ». © Jean Redelsperger
    « Accompagné de mes amis marocains, j’ai eu la chance de pouvoir aller sur le terrain et d’enregistrer le point GPS qui a servi pour la classification de cette météorite ». © Jean Redelsperger

    Jean Redelsperger a ainsi expliqué à Futura qu'il avait « eu la chance de faire classifier une météorite qui s'est avérée être une météorite carbonée très rare. Cette météorite s'appelle Chwichiya 002, elle a été découverte dans le Sahara occidental, et a été classifiée comme étant une C3.00 ung.

    C'est la classification la plus primitive pour une météorite carbonée. Cette météorite a été très peu chauffée, n'a presque pas eu d'altération aqueuse sur le corps parent. Elle intéresse donc au plus haut point la communauté scientifique.

    De nombreuses analyses ont été faites sur cette météorite et d'autres sont en cours. Mais on peut dire d'ores et déjà que cette météorite fait partie des rares météorites au monde qui ont une concentration de grains pré-solaires élevés et que, d'autre part, on a trouvé très peu de matièrematière organique dans cette météorite, signe d'une météorite extrêmement primitive.

    Cette météorite pourra nous aider à comprendre les premiers instants du Système solaire. J'aimerais faire partager cela avec le grand public ».

    Le fragment principale de Chwichiya 002. © Jean Redelsperger
    Le fragment principale de Chwichiya 002. © Jean Redelsperger

    Une météorite, cousine des astéroïdes Ryugu et Bennu ?

    On peut en apprendre plus sur cette météorite sur le site du collectionneur où une page explique que Chwichiya 002 a été découverte sous la forme de nombreux petits fragments (certains avec de la croûtecroûte de fusionfusion) au Maroc en 2018 près du village de Haouza dans une zone de concentration appelée Chwichiya.

    Les premières analyses des échantillons ont été menées par Jérôme Gattacceca du Centre de recherche et d'enseignement multidisciplinaire international, le Cerege. Elles ont montré au début que l'on était en présence d'une chondritechondrite ordinaire carbonée de type C3.00 ungrouped, c'est le type le plus primitif que l'on ait jamais trouvé à ce jour.

    Des analyses complémentaires menées ensuite par différents laboratoires du monde entier « indiquent une relation possible entre Chwichiya 002 et les échantillons renvoyés de l'astéroïde de type C-162173 Ryugu par Hayabusa2, et ceux qui seront renvoyés de l'astéroïde de type B 101955 Bennu par Osiris-RExOsiris-REx en 2023 », expliquait Jean Redelsperger sur son site il y a quelques années.

    Une coupe de Chwichiya 002. Les chondres sont bien visibles mais pas les grains pré-solaires. © Jean Redelsperger
    Une coupe de Chwichiya 002. Les chondres sont bien visibles mais pas les grains pré-solaires. © Jean Redelsperger

    De fascinants grains pré-solaires

    Quelques dizaines de grains pré-solaires ont été identifiés dans les échantillons. C'est une bonne occasion de faire plus ample connaissance avec ces objets fascinants qui ont été découverts dans plusieurs météorites dont la météorite de Murchison, une chondrite carbonée comme celle d’Allende et qui fait l'objet de l'attention des cosmochimistes et exobiologistes depuis longtemps. Elle doit son nom au fait qu'elle est tombée près de la petite ville de Murchison, en Australie, en 1969. Au fil des années, plus de 70 acides aminésacides aminés y ont été découverts, tous présents dans les protéinesprotéines de la vie telle qu'on la connaît sur Terre.

    Les grains pré-solaires sont des matériaux solidessolides qui se sont condensés en grains, non pas dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire de gazgaz et de poussières en cours de refroidissement autour du jeune SoleilSoleil, il y a 4,5 à 4,6 milliards d'années environ, mais avant même la naissance du Soleil, dans les atmosphères stellaires d'étoilesétoiles existant avant lui et dont ils ont été éjectés en fin de vie pour se retrouver dans le milieu interstellaire, puis dans la nébuleusenébuleuse protosolaire à l'origine du Système solaire.


    Dans cette vidéo, Philipp Heck explique en détail comment des grains pré-solaires ont été extraits de la météorite de Murchison. Ce sont les plus anciens matériaux solides jamais trouvés, et ils nous racontent comment les étoiles se sont formées dans notre Galaxie. Ce sont des échantillons solides d'étoiles, de la vraie poussière d'étoile. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Field Museum

    Les grains pré-solaires, une mémoire de l'histoire des étoiles

    Précisons un peu les propos de Philipp Heck dans la vidéo ci-dessus en les replaçant dans le contexte de ce que l'on sait sur la naissance des étoiles et des planètes dans des nuagesnuages moléculaires géants, denses et froids, qui s'effondrent gravitationnellement lorsque certaines conditions sont remplies dans la Voie lactéeVoie lactée. Ces nuages se fragmentent en cœurs plus denses comme en globules de Bokglobules de Bok, des concentrations de gaz à une dizaine de kelvinskelvins contenant quelques dizaines de masses solaires et environ 1 % de poussières silicatées.

    Dans ces cœurs, le processus d'effondrementeffondrement et de fragmentation peut se poursuivre, donnant des étoiles généralement binaires, au moins initialement, et parfois multiples. Ces processus, lors de la formation d'une protoétoileprotoétoile et d'un disque protoplanétaire l'entourant, compriment gravitationnellement le mélange de gaz et de poussières qui s'échauffe, vaporisant les grains entourés d'une gangue de glace. Le disque protoplanétaire finit par se refroidir et de nouvelles poussières naissent, celles-ci vont constituer le matériaumatériau primitif à l'origine des planètes que l'on retrouve dans les plus anciennes météorites.


    Une présentation des recherches sur les grains pré-solaires par Philipp Heck. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Field Museum

    C'est ce qui s'est passé dans le cas du Système solaire il y a donc environ 4,5 à 4,6 milliards d'année. Toutefois, certains grains pré-solaires que l'on trouve aussi dans des comètescomètes sont particulièrement réfractairesréfractaires et résistants, de sorte qu'ils ont survécu en gardant la mémoire de leur naissance, antérieure à celle du Soleil. Les cosmochimistes peuvent donc les faire parler pour qu'ils livrent des détails de leur odyssée dans le milieu interstellaire. La compréhension de ce milieu est importante parce qu'il fait partie d'un cycle dans lequel des étoiles naissent dans les nuages moléculaires, éjectent des poussières qu'elles fabriquent en fin de vie, ainsi que les noyaux lourds que la nucléosynthèsenucléosynthèse stellaire a produit, à l'occasion des évènements violents que sont les novaenovae et les supernovaesupernovae. Tous ces matériaux donneront naissance ensuite à d'autres étoiles, des planètes, et se retrouveront même sous la forme des atomesatomes de notre corps.

    L'origine des grains pré-solaires présents dans le nuage moléculaire à l'origine du disque protoplanétaire d’où est né le Système solaire. Ces grains fossiles peuvent être retrouvés dans les astéroïdes, les comètes et les météorites. © Larry Nittler
    L'origine des grains pré-solaires présents dans le nuage moléculaire à l'origine du disque protoplanétaire d’où est né le Système solaire. Ces grains fossiles peuvent être retrouvés dans les astéroïdes, les comètes et les météorites. © Larry Nittler

    Dans notre GalaxieGalaxie, les principales sources de production de poussières sont les supernovae, ainsi que les étoiles ayant quitté la séquence principaleséquence principale (qui décrit l'histoire de la vie des étoiles) pour être conduites par leur courbe d'évolution sur ce qu'on appelle la branche asymptotique des géantesbranche asymptotique des géantes (BAG ou, en anglais AGB pour Asymptotic Giant Branch). Notre Soleil s'engagera aussi sur cette voie au moment où il deviendra une géante rougegéante rouge, dans cinq milliards d'années environ.


    Pour ceux qui veulent plus de détails sur les grains pré-solaires et leur étude, voici une conférence de Ian Lyon, de l'Université de Manchester, donnée en avril 2016 à Vilnius, en Lituanie. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Ideas in Science

    Comme lui, ces étoiles, de masses comprises entre une et huit fois celle du Soleil, expulseront leurs couches supérieures à l'occasion de ventsvents violents. Les conditions physico-chimiques dans ces vents sont idéales pour permettre la synthèse des poussières à partir des éléments lourds présents dans l'étoile. Toutefois, la composition précise des grains, leur taille et le type de réseaux cristallins, dépendent fortement des caractéristiques de ces vents.

    Le saviez-vous ?

    Il existe deux grandes classes de météorites.

    Les météorites primitives (ou météorites non différenciées)

    Elles sont des vestiges de la matière originelle de la nébuleuse protosolaire où des grains de silicates et de métal s'y côtoient. On les appelle des chondrites car elles ont la particularité de contenir des sortes de petites billes plus ou moins déformées, les chondres.

    Les deux principaux groupes les rassemblant sont :

    • les « chondrites ordinaires » qui représentent près de 80 % des chutes de chondrites. Elles sont surtout constituées d’olivine, de pyroxène, de feldspath, de fer et de nickel ;
    • les « chondrites carbonées » qui, elles, sont constituées de feldspath et d’éléments carbonés, notamment composant des molécules organiques, parfois avec des traces de fer.

    Les météorites différenciées

    Le corps céleste parent était suffisamment gros pour fondre sous l'effet de la chaleur dégagée par la désintégration de certains éléments radioactifs, la matière primitive les constituant évoluant chimiquement ensuite pour éventuellement se séparer en différentes couches comme ce fut le cas de la Terre avec une croûte, un manteau et un noyau (notons que des chondrites peuvent aussi avoir subi des altérations chimiques d'origine hydrothermale avec de l'eau provenant de glaces fondues par la même source de chaleur ou tout simplement parce qu'il s'agit de fragments d'anciennes comètes).

    On distingue :

    • les achondrites. Rares, ce sont des météorites provenant de la surface de gros astéroïdes ou de la Lune et Mars. Elles ressemblent à nos roches terrestres volcaniques ;
    • les météorites ferreuses (sidérites) sont des morceaux de noyaux d’astéroïdes ou d'embryons de planètes assez gros pour se différencier. Elles sont surtout constituées de fer et de nickel ;
    • les lithosidérites qui, comme leur nom l'indique, sont des météorites mixtes composées de parties ferreuses (fer et nickel) et de silicates. On distingue deux types de lithosidérites, à savoir les mésosidérites et les pallasites.

    Des sous-classes existent et elles sont nombreuses.