Une nouvelle fois, deux astres très massifs tournant l'un autour de l'autre confirment les prédictions de la relativité générale avec une précision remarquable. En bousculant l'espace-temps, ils mettent en évidence les extravagantes conséquences de la théorie d'Einstein.

Depuis quatre ans, des astronomes de l'université McGill (Montreal) scrutent patiemment la danse d'un couple de pulsars situés à 1.700 années-lumière de la Terre. Très massifs, ces astres sont des étoiles à neutrons, contenant au moins 1,4 masse solaire dans une dizaine de kilomètres de rayon, qui émettent périodiquement des bouffées d'ondes radio. On en connaît un grand nombre mais seuls les dénommés PSR J0737-3039 A et B forment un couple.

Et même un couple serré puisque la distance entre ces deux étoiles à neutrons est d'environ deux fois celle qui sépare la Terre de la Lune. Les deux pulsars tournoyant tiendraient donc largement à l'intérieur du volume occupé par notre Soleil. De plus, le plan de l'orbite a le bon goût d'être proche de l'axe de visée depuis la Terre. Les deux astres s'éclipsent donc mutuellement à chaque tour. Leur proximité est telle que les émissions radio de l'étoile occultée sont partiellement absorbées par la magnétosphère de l'autre. Minutieusement observées par les astronomes à l'aide du radiotélescope Robert C. Byrd Green Bank (GBT), en Virginie Occidentale (Etats-Unis), ces éclipses à répétition permettent à chaque fois de déterminer l'orientation de l'axe de rotation de l'étoile en arrière-plan.

Ces caractéristiques font de ce couple d'astres massifs un laboratoire idéal pour vérifier l'exactitude de la relativité générale. En effet, la théorie prévoit que ce mouvement orbital (donc continûment accéléré) provoque une déformation de l'espace-temps, qui fait osciller l'axe de rotation de l'une des deux étoiles, un mouvement appelé précession (de nature légèrement différente de la précession du périhélie de Mercure, qui concerne l'orbite de la planète).

Les couples les plus monstrueux de l'Univers soutiennent Einstein

Ce genre de configuration naturelle a déjà été utilisé par les astrophysiciens pour tester la relativité générale. Au début des années 1970, Hulse et Taylor se sont intéressés à un pulsar binaire constitué d'une étoile à neutrons et d'une étoile compagne. Les résultats étaient bien conformes à la prédiction. Tout récemment, en avril 2008, le Finlandais Mauri Valtonen, de l'observatoire Tuorla, a publié les résultats d'une longue observation par plus de 25 astronomes, de l'extraordinaire quasar OJ 287, formé de deux trous noirs en rotation l'un autour de l'autre, le plus petit jaugeant 100 millions de masses solaires et le plus gros 18 milliards. Là encore, Einstein n'a pas été pris en défaut, mais les conditions d'observation de cet objet, repérable uniquement en optique, sont difficiles.

Le double pulsar PSR J0737-3039 A/B, lui, présente des conditions bien meilleures qui ont permis, après ces quatre années d'observation, une précision remarquable, comme en témoignent les résultats publiés dans Science. La précession mesurée est de 4,77 degrés par an, avec une marge d'erreur de +/- 0,66 degré. Les équations de la théorie d'Einstein conduisent, elles, à une valeur de 5,07 degrés par an, qui se trouve bien dans la fourchette indiquée par l'observation.

Comme le souligne René Breton, co-auteur de l'étude, la précession s'observe dans notre système solaire (le cas de Mercure est célèbre) mais on ne peut départager la relativité générale d'autres théories alternatives que dans des champs gravitationnels très forts. « Jusque-là, poursuit l'astrophysicien, la relativité générale a passé tous les tests avec succès, y compris le nôtre. Nous pouvons maintenant dire que si quelqu'un veut proposer une théorie alternative de la gravitation, il faudra qu'elle explique nos résultats... »